La Cour des comptes salue le prélèvement à la source

Un satisfecit. Dans un rapport sur l’informatique de l’administration fiscale remis mi-mai aux députés de la commission des Finances, la Cour des comptes salue les « premiers résultats satisfaisants » du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. « Priorité gouvernementale, le prélèvement à la source a fait l’objet d’un dispositif de pilotage spécifique et de moyens financiers importants ayant abouti à une mise en œuvre réussie de la réforme », souligne le rapport, que Challenges s’est procuré. Il est vrai que le bug généralisé que certains craignaient n’a finalement pas eu lieu.

Le ministère des Comptes publics a mis les moyens pour réussir cette réforme qui a touché quelque 17 millions de foyers fiscaux dès janvier 2019. Le ministre Gérald Darmanin présidait lui-même les réunions hebdomadaires de mise en œuvre du prélèvement à la source à partir de septembre 2018 et Bercy y a consacré un investissement total de 178 millions d’euros en 2017 et 2018. Soit un montant supérieur de 25% au budget prévu au départ. « L’évolution du coût s’explique notamment par la décision d’accroître l’effort d’accompagnement du changement, note la Cour, en renforçant les campagnes de communication. » En septembre 2018, plusieurs spots TV avaient été diffusés.

717.000 foyers ont revu leur taux d’imposition en janvier 

L’instauration de la retenue à la source a surtout nécessité de gros moyens informatiques et humains. Plus de 400 informaticiens des impôts ont été mobilisés pour adapter les logiciels maison et, contrairement à ses habitudes, l’administration fiscale (DGFIP) a eu largement recours à des prestataires privés. Les services d’accueil du fisc ont aussi été mis à contribution : rien qu’au mois de janvier 2019, ils ont répondu à 1,4 million d’appels téléphoniques, 130.000 mails et 1,2 million de visites aux guichets. En régime de croisière, Bercy prévoit un coût de fonctionnement de 14 millions d’euros par an, reposant principalement sur de la main d’œuvre.

« La DGFIP est parvenue à conduire cette réforme dans les délais impartis et de façon satisfaisante », félicite la Cour des comptes. En janvier 2019, les prélèvements se sont déroulés « sans dysfonctionnement majeur » pour les 13,3 millions de retraités du régime général et les 25 millions de salariés du privé et du public. Quelque 8,8 millions de foyers fiscaux ont même profité du versement en avance de 60% de leurs crédits d’impôts pour un total de 5,5 milliards d’euros, soit 627 euros par foyer en moyenne. Dès le mois de janvier, 717.000 foyers ont utilisé la possibilité de modifier via Internet leur situation de famille : 174.000 ont vu leur taux d’imposition revu à la hausse et 404.000 à la baisse, voire passé à zéro pour 113.000 d’entre eux.

65 applications informatiques « obsolètes »

Tout n’est pas rose pour autant dans les services informatiques de la grande direction des impôts. La Cour des comptes alerte sur la multitude de logiciels et l’empilement de « systèmes vieillissants ». Pas moins de 740 applications informatiques coexistent à la DGFIP et les 4.689 informaticiens des impôts mènent de front quelque 300 projets de refonte des logiciels. Le « pilotage insuffisant » des chantiers informatiques conduit à « des dépassements importants des coûts et des délais », déplorent les magistrats.

La Cour tire en particulier la sonnette d’alarme sur l’obsolescence de nombreux logiciels, dont certains remontent… aux années 1970 ! « La DGFIP considère en 2018 que 65 applications, soit 9 % de l’ensemble, sont obsolètes, relève la Cour. Nombre d’entre elles remplissent pourtant des tâches stratégiques. » A l’image de celle qui gère les feuilles de paie et les retraites des fonctionnaires (PAY) ou des applications importantes pour le recouvrement de l’impôt (REC) ou la fiscalité des particuliers (ILIAD).

Cette vieillesse des systèmes informatiques contraint la DGFIP à consacrer 82 % de ses 563 millions d’euros de budget informatique à l’exploitation et à la maintenance des applications, « laissant aux nouveaux projets d’investissement qu’une part très réduite ». Avec 10 à 15% de son budget informatique consacrés à de grands projets de modernisation, l’administration fiscale est largement en-dessous des autres organisations publiques (27%) et groupes privés (35%) étudiés par la Cour.

563 millions d’euros de budget informatique

Plus largement, « la part des dépenses informatiques dans le budget global de la DGFIP s’élève à 6,7%, soit un niveau sensiblement inférieur à celle des administrations fiscales étrangères, mais aussi des administrations de Sécurité sociale », pointent les magistrats. Les administrations fiscales américaine et suédoise consacrent respectivement 19% et 21% de leur budget à l’informatique, tandis que la branche retraite de la Sécu y affecte 13% de ses crédits et Pôle emploi 10,8%.

Sur le fond, la Cour des comptes reproche à la DGFIP de ne pas avoir « formalisé sa stratégie informatique » et y voit une « incongruité ». « Une situation très singulière par rapport aux organisations comparables » qui « fragilise sa capacité à mener à bien sa transformation numérique », taclent les magistrats. Autre faiblesse : les informaticiens sont de plus en plus difficiles à attirer au sein de l’administration fiscale. Près de 35% des postes de programmeurs ouverts aux concours ces trois dernières années n’ont pas été pourvus. Et la DGFIP peine à recruter des contractuels « car les salaires proposés ne sont pas compétitifs », argue-t-elle. Le fisc, ça eut payé ?

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