La victoire de Donald Trump ne fait pas chuter les marchés financiers

La victoire de Donald Trump semblait un scénario redouté par les marchés financiers, mais les principales places boursières ont progressé depuis son élection. Pour preuve, le CAC 40 a gagné +1,06 % depuis mercredi (la victoire a été annoncée dans la nuit de mardi à mercredi). Dans le même temps, le S&P 500 (indice le plus représentatif du marché boursier américain) a enregistré une hausse de +3,79 % . Finalement, le dollar US a gagné +2,82 % face à l’euro. Comment expliquer ces réactions positives alors que les marchés anticipaient une victoire de Hillary Clinton ?

Une évolution globale qui cache des disparités sectorielles

Globalement, le programme de Donald Trump est plus favorable au secteur privé que celui d’Hillary Clinton. Par exemple, une de ses principales propositions consiste à abaisser l’impôt sur les sociétés de 35 % à 15 %. Cette mesure a pour objectif de rapatrier aux Etats-Unis les bénéfices des entreprises nord-américaines logés à l’étranger.

Des fortes disparités sectorielles

Si on réalise une segmentation sectorielle du S&P 500 et du CAC 40, on aperçoit des parcours très différents depuis l’élection de Trump. D’un côté, certains secteurs ont enregistré des hausses supérieures à +3 % :

  • Services financiers (CAC 40 +7,53 % / S&P 500 +9,96 %)
  • Matériaux de base (CAC 40 +4,42 % / S&P 500 +4,59 %)
  • Valeurs industrielles (CAC 40 +2,89 % / S&P 500 +4,19 %)
  • Santé (CAC 40 +5,27 % / S&P 500 +3,66 %)

D’un autre côté, des secteurs ont stagné ou reculé :

  • Produits de consommation (CAC 40 -5,41 % / S&P 500 -3,27 %)
  • Technologie (CAC 40 +1,16 % / S&P 500 -1,95 %)
  • Energie (CAC 40 -1,13 % / S&P 500 +0,70 %)

Pourquoi une telle différence ?

Les investisseurs se sont adaptés à la victoire de Trump en modifiant leurs portefeuilles

Hillary Clinton était donnée gagnante dans les sondages. Etant donné que sa politique était perçue comme cohérente avec celle de Barack Obama, les investisseurs n’avaient pas d’incitation particulière à modifier radicalement leurs portefeuilles. La victoire surprise de Donald Trump a changé la donne car son programme et sa campagne ont des positions très différentes de celles d’Hillary Clinton.

Donald Trump souhaite alléger la régulation financière

Donald Trump voudrait supprimer la loi Dodd-Frank, promulguée en 2010 par l’administration Obama. Cette loi a instauré un nouveau cadre réglementaire aux Etats-Unis afin que les dérives de la crise des subprimesne se reproduisent plus dans le futur. Selon Donald Trump, la loi Dodd-Frank est aujourd’hui une entrave au crédit, or le milliardaire souhaite jouer sur ce levier afin d’accélérer la croissance des Etats-Unis (une de ses promesses principales).

La victoire de Donald Trump est donc une bonne nouvelle pour les banques, dont les cours de Bourse se sont envolés. Depuis l’élection de Donald Trump, Citigroup a gagné +9,76 %, JP Morgan +13,78 % et Bank of America +18,05 %.

Donald Trump a insisté sur la modernisation des infrastructures dans son discours de victoire

« Nous allons reconstruire nos autoroutes, ponts, tunnels, aéroports, écoles et hôpitaux. Nous allons reconstruire nos infrastructures, qui deviendront les meilleures au monde. » Donald Trump a insisté sur la modernisation des infrastructures américaines, et cela s’est répercuté sur les sociétés industrielles, et de matériaux de base, cotées en Bourse. Par exemple, Caterpillar a gagné +12,44 %.

Donald Trump veut réviser « Obamacare »

La réforme du système de santé américain, appliquée en 2010 et surnommée « Obamacare », n’est pas du goût des républicains et de Donald Trump. Le nouveau président souhaiterait amender « Obamacare » afin que le système soit moins onéreux. S’agissant d’une perspective de dérégulation dans leur secteur, les valeurs pharmaceutiques ont vu leurs cours de Bourse progresser. Aux Etats-Unis, le cours de Bourse de Merck a progressé de +5,80 %. En France, Sanofi a enregistré une hausse de +6,79 %.

Les secteurs négatifs n’étaient pas prioritaires dans la campagne de Trump

Le secteur de l’énergie est affecté par la volonté du candidat de renforcer le gaz de schiste et relancer l’extraction du charbon. Ceci serait une entrave au  renchérissement du pétrole et les grands groupes pétroliers américains sont dans le rouge depuis l’élection de Donald Trump (Schlumberger, Exxon Mobil, Chevron Texaco). En France, Total a perdu -1,69% sur cette période.

Les valeurs technologiques, et notamment les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), sont en territoire négatif aux Etats-Unis. Ces entreprises emploient un grand nombre d’expatriés aux Etats-Unis grâce au dispositif H-1B (CDD pour étrangers sur le sol américain), et Donald Trump a affiché son intention de revenir sur ce mécanisme. Apple pourrait de son côté pâtir des conséquences de la nouvelle politique commerciale (Donald Trump souhaite taxer davantage les importations de Chine). Dans son ensemble, le secteur n’avait pas caché sa proximité avec Hillary pendant la campagne, et notamment Jeff Bezos (PDG d’Amazon) qui a eu des échanges houleux avec Donald Trump sur Twitter.

Réaction sur le marché obligataire et implication sur l’économie mondiale

Aux Etats-Unis, il y a eu une vente massive d’obligations d’Etat. Les détenteurs craignent que le programme de Donald Trump ne porte préjudice à la valeur des titres (inflation, surendettement) et ont donc cédé leurs positions. Depuis l’élection du candidat républicain, le marché obligataire mondial a fondu de 1 000 milliards $ , car le mouvement américain a été suivi ailleurs dans le monde. En conséquence, la valeur des obligations a chuté et leur rendement a augmenté. Le produit de ces ventes a surtout été réinvesti dans les actions, ce qui a renforcé la tendance haussière des Bourses. Ce mouvement n’est pas encore définitif mais il peut être crucial. En effet, au cours des 35 dernières années, la valeur des obligations a augmenté (et leur rendement diminué) de manière continue. Si l’inversion observée ces derniers jours se prolonge, nous pourrions être à l’aube d’un nouveau paradigme macroéconomique.

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