La voiture autonome va bouleverser les transports publics

En 2035, 15 % des véhicules neufs seront entièrement automatisés, prédisent les experts du cabinet Oliver Wyman. Peut-être pas aussi futuristes que la Peugeot de Ryan Gosling dans Blade Runner 2049, mais complètement connectés et capables de stopper aux passages pour piétons ou de s’engager dans les ronds-points. Une révolution qui ne laisse évidemment pas insensible les opérateurs de transports, bien décidés à ne pas céder des pans entiers de leurs activités de services aux mains des constructeurs et équipementiers, pas plus qu’à celles des start-up et des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple).

Du coup, le calendrier s’accélère : après les expérimentations d’Uber dans les rues de Pittsburgh (Pennsylvanie), celles de Waymo (filiale de Google) à Phoenix (Arizona) ou encore de nuTonomy à Singapour, c’est au tour de la France de se lancer. A Rouen, depuis le 2 octobre, quatre petites Renault Zoe électriques sans chauffeur sont en test sur le Technopôle de la ville. Un partenariat entre le constructeur automobile français, l’opérateur de transports Transdev (Caisse des dépôts) et les collectivités locales. Si tout va bien, à partir du printemps 2018, le public pourra appeler un véhicule en temps réel via son smartphone, depuis l’un des 17 points d’arrêts.

« On passe d’expérimentations menées dans des navettes, sur des sites fermés, à des véhicules sur route, qui pourront devenir demain des VTC autonomes ou des véhicules partagés », assure Thierry Mallet, le PDG de Transdev. Début novembre, Navya, le leader français des navettes automatiques allié, à Keolis, la filiale de transport urbain de la SNCF, va également exposer à Paris un modèle réduit de véhicule à 6 places, censé préfigurer les futurs robots taxis dont les experts prédisent la généralisation sur nos routes dans moins de dix ans.

Rouler en centre-ville

La RATP n’est pas en reste : associée à l’autre constructeur français de navette autonome, Easymile, l’ex-régie du métro est passée à la vitesse supérieure, avec des véhicules sans conducteur qui circulent depuis octobre au Parc floral, près du bois de Vincennes, à Paris, et sur le campus du CEA à Saclay (Essonne). « Nous avons déjà embarqué plus de 30 000 voyageurs à Paris, explique Mathieu Dunant, responsable des innovations du groupe. C’est un vrai succès populaire et technique. »

Mais il faudra attendre un peu avant de voir circuler librement ces navettes ou robots taxis dans les centres-villes. « Ce n’est pas pareil de faire rouler un véhicule sur autoroute, où tout le monde va dans le même sens, et gérer une zone dense avec des feux rouges, des piétons, des vélos ou des scooters », rappelle Christophe Sapet, président fondateur de Navya. Commercialisées depuis 2015, ses petites navettes made in France ne circulent qu’en circuit fermé ou semi-fermé. Notamment à Lyon, dans le quartier de la Confluence. Ce cofondateur d’Infogrames a levé 30 millions d’euros auprès de l’équipementier Valeo, de Keolis et du fonds qatari Groupe8 pour financer ses développements. Bourrés de capteurs, caméras de stéréovision et autres logiciels capables de détecter les obstacles et de communiquer entre eux, ces véhicules ont un prix encore très élevé : 250 000 euros pièce.

Investissements énormes

« Les coûts de fabrication diminueront au fur et à mesure de l’industrialisation des véhicules, estime toutefois Jean-Pierre Farandou, le PDG de Keolis. Ils seront surtout compensés par des frais d’exploitation nettement moins élevés », en raison de l’absence de chauffeurs. Cette question est d’ailleurs assez sensible chez les opérateurs de transports classiques, obligés de rassurer les milliers de conducteurs de bus ou de taxis.

« A terme, d’autres emplois seront créés, assure Guillaume Thibault, associé du cabinet Oliver Wyman. Notamment dans la maintenance, mais également aux postes de contrôle. Les opérateurs devront toujours avoir un moyen de dialoguer avec le véhicule, comme c’est le cas par exemple avec le métro automatique de Paris. » Mais cela nécessitera des investissements énormes, aussi bien dans les infrastructures qu’en termes de data. Qui aura les moyens de financer tout cela ? Et d’en assurer la gouvernance ? La puissance publique ? Les opérateurs privés ? Autant de sujets qui doivent être abordés par les Assises de la mobilité, lancées par le gouvernement jusqu’à décembre prochain.

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