Le Boeing 777X, l’avion qui fait peur à Airbus (ou qui devrait)

Attention, avion géant en vue. Boeing a annoncé lundi 23 octobre le lancement officiel de la production de son 777X, le long-courrier qui succèdera dès 2020 à du 777, son bestseller aux 1.310 commandes. L’appareil, dont le premier vol est prévu début 2019, sera tout simplement le plus gros biréacteur du monde. Il affichera une envergure de près de 72 mètres, soit 7 mètres de plus que le 777 actuel, ce qui nécessitera des extrémités d’ailes repliables pour s’adapter aux portes d’aéroports. Quant au moteur GE9X, spécialement développé par GE, il sera le plus gros réacteur jamais produit, avec un diamètre de 3,4m. Soit à peu près celui d’un fuselage du MD-90 de feu McDonnell Douglas…

Pourquoi ce pari ? Avec ce nouveau gros porteur, Boeing veut conserver son leadership mondial sur le segment des long-courriers. L’A350 d’Airbus a en effet quasiment tué le 777 actuel, notamment la version 777-300ER, véritable vache à lait du groupe américain sur le segment des long-courriers. Avec le 777X, l’avionneur américain veut reprendre la main. L’argument est double: un, Boeing promet une consommation de carburant réduite de 12 % et des coûts d’exploitation inférieurs de 10 %à ceux de la concurrence. Deux, le 777X marque aussi l’irruption des biréacteurs sur un segment des avions de plus de 400 sièges jusqu’alors réservé aux quadrimoteurs. Le 777-9, la plus grande version du 777X, pourra ainsi accueillir 425 passagers, un chiffre proche de certaines configurations du quadriréacteur A380 (Korean Air, Singapore Airlines, Qantas).

Près de 350 commandes

Cette double promesse a permis au programme, lancé au salon de Dubaï en novembre 2013, un démarrage commercial tonitruant. Le 777X affichait ainsi fin septembre 326 commandes fermes, dont 150 d’Emirates, 60 de Qatar Airways, et 25 d’Etihad. A l’issue d’une compétition épique avec l’A350 d’Airbus, il a également remporté en février une commande de 20 appareils auprès de Singapore Airlines, qui a été confirmée lundi 23 octobre durant une cérémonie à la Maison-Blanche présidée par Donald Trump. Le 777X tutoie donc désormais les 350 commandes.

Airbus doit-il s’inquiéter ? Au lancement du programme, le directeur commercial John Leahy évoquait un « avion de papier très lourd’. Désormais, le discours est plus mesuré. Certes, l’A350, avec 858 commandes au compteur, semble avoir les épaules assez solides pour résister. Mais en y regardant de plus près, la situation apparaît moins favorable. L’A350-1000, la version véritablement concurrente du 777X, doit se contenter de 169 commandes, soit à peu près deux fois moins que l’avion américain. Autre faiblesse, l’A350-1000 est conçu pour transporter 366 passagers dans sa version de base. C’est 40 à 60 de moins de que le 777-9, qui se retrouve ainsi sans véritable rival direct chez Airbus… excepté un A380 beaucoup plus gros, et en fâcheuse posture commerciale.

Trou dans la raquette d’Airbus

Pour combler de « trou dans la raquette », Airbus avait bien imaginé une version encore allongée de l’A350, baptisée A350-2000. Mais la commande de 777-9 par Singapore Airlines, au détriment de cette nouvelle version, a porté un rude coup au projet, qui semble aujourd’hui au point mort. « Nous savons que nous pouvons le faire, mais nous ne pensons pas que le marché soit suffisant », assurait le patron d’Airbus Commercial Fabrice Brégier en juin dernier au salon du Bourget. En cas de contre-attaque d’Airbus, Boeing a de toute façon dans ses cartons un projet de 777X encore allongé, dit 777-10X, qui atteindrait le chiffre record de 450 sièges.

En attendant, l’avionneur de Chicago va devoir réussir à boucler sans heurts le développement du 777X actuel. L’automatisation de la fabrication du fuselage et de certaines pièces du 777X est un défi redoutable. Selon le Seattle Times, Boeing a d’ailleurs dû rappeler 500 à 800 employés retraités, après avoir constaté un manque de personnel expérimenté sur ses programmes, dont la famille 777. Les nouvelles ailes en matériaux composites, qui ont nécessité l’ouverture d’une nouvelle usine à deux milliards de dollars sur le site d’Everett (nord de Seattle), sont également complexes à développer et à fabriquer.

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