Le casse-tête de l’impôt sur le revenu des classes moyennes

C’est l’une des mesures les plus attendues par les Français, à l’issue du grand débat et de la crise des « gilets jaunes ». Reportée à cause de l’incendie de Notre-Dame, la conférence de presse d’Emmanuel Macron, ce jeudi, sera l’occasion pour le Chef de l’Etat de détailler une baisse significative de l’Impôt sur le revenu (IR) pour les classes moyennes. L’expert des finances publiques, François Ecalle, en profite pour publier aujourd’hui une note sur le sujet. L’occasion de plaider pour une simplification de cet impôt devenu, au fil des ans, une véritable usine à gaz.

De fait, la « brochure pratique », disponible en ligne pour aiguiller les contribuables, fait pas moins de 408 pages ! En particulier, « le calcul de l’IR dans le bas du barème apparent, une fois le revenu imposable déterminé, est un problème de mathématiques (difficile) pour élèves de Terminale scientifique », se lamente François Ecalle, à la tête du site Fipéco. Pour s’intéresser aux classes moyennes, l’ex-magistrat de la Cour des comptes a choisi de cibler les ménages dont le revenu annuel imposable par part est inférieur au seuil de la tranche taxée à 30% : 27 519 euros maximum pour un célibataire sans enfant. Selon le barème apparent de l’IR, ce contribuable ne paie aujourd’hui pas d’impôt jusqu’à 9 964 euros de revenu annuel, puis se voit appliquer un taux de 14% sur sa tranche de revenus allant jusqu’à 27 519 euros.

Un barème complètement illisible

Mais, en fait, le barème est bien plus subtil et compliqué. En effet, notre système par tranche a un désavantage: lorsque l’on veut réduire le taux ou repousser le seuil pour favoriser les plus pauvres et les classes moyennes, la mesure bénéficie aussi au reste des foyers plus aisés. Les hauts fonctionnaires de Bercy ont donc rivalisé d’imagination pour donner des marges de manoeuvre aux gouvernements. Depuis 1981, une réduction d’impôt, appelée la « décote », repousse ainsi le seuil d’imposition à l’IR de 9 964 à 14 846 euros uniquement pour les Français les plus modestes. Cette décote a été renforcée par François Hollande par le biais d’un autre mécanisme: une nouvelle réduction de 20% sur l’impôt dû après décote, au-dessous de 18 500 euros de revenus, puis l’application d’un taux décroissant de 20 à 0% entre 18 500 et 20 500 euros. Difficile de faire plus compliqué.

Du fait de cette décote et de divers autres dispositifs, 56% des foyers ne paient pas du tout d’IR. Les classes moyennes restantes auxquelles s’intéresse Ecalle, qui représentent 30%  ne paient que 21% du produit total de l’impôt; la majorité de l’IR étant acquittée par les 14% de foyers les plus riches. Avec ces dispositifs, le barème de l’IR favorise donc encore davantage la redistribution. Mais il est devenu complètement illisible pour les ménages concernés.

C’est pourquoi Ecalle suggère au gouvernement de supprimer ces mécanismes et de faire plus que les compenser en reculant le seuil d’entrée de la première tranche et en baissant le taux. En échange, pour éviter que la mesure ne profite aussi aux ménages aisés, l’expert préconise de s’attaquer aux niches fiscales. Non pas en les conditionnant davantage aux revenus, ce qui ne ferait qu’accroître encore la complexité de l’IR. Mais en ratiboisant les niches dont on sait qu’elles profitent surtout aux ménages aisés, comme celle sur les investissements outre-mer par exemple. Reste à savoir si Emmanuel Macron osera se lancer dans un mini big-bang fiscal ou s’il continuera à utiliser notre usine à gaz.

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