Le Conseil d’État annule les nouvelles règles de l’assurance chômage

Les associations de chômeurs crient « victoire »: le Conseil d’Etat a annulé lundi l’application des règles d’assurance chômage, qui régissent l’indemnisation de 2,4 millions de chômeurs, obligeant les partenaires sociaux à corriger le tir avant le 1er mars 2016.

Saisie par des associations de chômeurs et précaires, la plus haute juridiction administrative a annulé l’arrêté d’agrément par l’État de la convention d’assurance chômage, fruit d’un accord entre le patronat et trois syndicats (CFDT, FO, CFTC). Elle était entrée en vigueur au 1er juillet 2014, malgré la forte opposition des intermittents du spectacle, et devait initialement expirer le 30 juin 2016.

Les trois syndicats signataires ont immédiatement estimé dans un communiqué que « les correctifs à apporter sont mineurs » et « ne remettent pas en cause l’équilibre général de l’accord ». Ils « proposeront rapidement une solution technique répondant aux points soulevés par le Conseil d’Etat ». Celui-ci a jugé « illégales » les modalités de calcul du différé d’indemnisation.

La décision ne remet pas en cause le principe du différé

Il ne remet pas en cause le principe du différé: lorsqu’un chômeur touche des indemnités de fin de contrat supérieures à ce que prévoit la loi (indemnités prud’homales, prime de fin de CDD, etc.), il doit attendre jusqu’à 180 jours avant de toucher son allocation chômage.

Mais le Conseil d’Etat pointe du doigt le cas des licenciés sans cause réelle ni sérieuse: la loi ne prévoyant pas de réparation minimale aux Prud’hommes pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de 11 salariés, la totalité des dommages et intérêts sont pris en compte pour calculer le différé d’indemnisation, ce qui « porte atteinte au droit à réparation du salarié ».

Considérant que « le différé d’indemnisation était un des éléments clés retenus par les partenaires sociaux pour assurer l’équilibre de l’assurance chômage« , son « illégalité » remet « en cause l’ensemble de la convention », poursuit-il. Le Conseil d’État a néanmoins « décidé de différer son annulation au 1er mars 2016 », car une annulation immédiate « impliquerait une rupture de la continuité du régime d’assurance chômage« . D’ici là, « une nouvelle convention devra être signée et agréée pour fixer les règles applicables », a indiqué le Conseil d’État.

Apprenant la décision, les représentantes des associations, réunies dans le hall du Conseil d’Etat, se sont embrassées chaleureusement, visiblement émues, a constaté une journaliste de l’AFP. Rose-Marie Pechallat, de Recours radiation, a salué « une victoire historique ». Pour elle, l’objectif de la convention était « de faire des trappes aux chômeurs indemnisés, de les sortir du système d’indemnisation pour résoudre leur soi-disant dette ».

Une mesure censée faire économiser 2 milliards d’euros

La convention était censée faire économiser près de deux milliards d’euros sur deux ans à l’assurance chômage. La dette du régime, qui perd environ 4 milliards d’euros par an, devrait atteindre 25,9 milliards d’euros en fin d’année. Par ailleurs, le Conseil d’Etat a aussi jugé que les partenaires sociaux n’étaient pas « compétents » pour fixer les obligations déclaratives des demandeurs d’emploi et les modalités de récupération par Pôle emploi des trop-perçus. Ces deux dispositions, qui sont « divisibles du reste de la convention », sont annulées immédiatement.

« Pour nous, c’est énorme », s’est réjouie Véronique Ravier, de la Coordination des intermittents et précaires (CIP). « Ils se croient tout permis pour mettre en place une main d’oeuvre qui va accepter n’importe quel boulot à n’importe quel prix. Là, on leur dit: ça n’est pas votre terrain de jeu ! » De son côté, la CGT, syndicat non signataire de la convention, s’est dite « confortée par la décision du Conseil d’État » qui « confirme le besoin d’une autre négociation sur l’assurance chômage« .

Le syndicat avait, lui aussi, saisi le Conseil d’Etat contre les règles d’assurance chômage, négociées selon lui dans des conditions « déloyales ». Mais comme le TGI et la Cour d’appel de Paris, la haute juridiction n’a pas retenu ses arguments. La décision du Conseil d’Etat n’est pas inédite. Il avait déjà annulé « pour vice de forme » l’agrément de la convention entrée en vigueur en 2004, dans l’affaire dite des « recalculés ». Les nouvelles règles réduisaient la durée d’indemnisation des chômeurs, excluant 265.000 chômeurs en cours d’indemnisation.

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