Le vrai coût des Coupes du monde de football

Lors de la première Coupe du monde en Uruguay, en 1930, la Fifa (fédération internationale de football association) n’était pas assez riche pour fournir des ballons aux équipes.

Le 30 juillet 1930, lors de la finale entre l’Uruguay, le pays d’accueil, et l’Argentine, l’arbitre dut recourir au tirage au sort pour trancher entre le ballon uruguayen et le ballon argentin. L’histoire ne dit pas quel ballon fut choisi, toujours est-il qu’il permit à l’Uruguay de l’emporter par 4 buts à 1. A l’époque, les dépenses du pays organisateur se sont limitées à la construction d’un nouveau stade et au remboursement des frais de transport et d’hébergement des équipes.

Vingt ans plus tard, la situation a changé du tout au tout: après le match final entre le Brésil et l’Uruguay, la Fifa comprend que l’argent va couler à flots sur le football. Les pays organisateurs comprennent tout l’intérêt d’accueillir cette compétition.

Du coup, un jeu à sommes non nulles se met en place: dans l’espoir de retombées économiques appréciables, les pays hôtes se mettent à investir des sommes considérables dans leurs infrastructures. Les investissements évoquent une fusée à trois étages: d’abord, l’organisation de l’événement, généralement gérée par un Comité d’organisation. Ce Comité est chargé par la Fifa de la billetterie des stades, du recrutement des personnels, et de l’animation des enceintes sportives.

Les pays émergents plus dépensiers

Deuxième étage: la construction des infrastructures sportives -les stades. Ainsi le Stade de France a-t-il coûté au total 364 millions d’euros, plus de la moitié (191 millions d’euros) ayant été pris en charge par les finances publiques. La rénovation du stade mythique de Maracana, au Brésil, a coûté quant à elle 431 millions de dollars.  

Troisième étage: la construction d’infrastructures non sportives mais qui vont contribuer au développement du pays (voies de chemins de fer, autoroutes, etc…). C’est là que le bât blesse. Depuis 2010, et jusqu’en 2022, les épreuves se déroulent dans des pays émergents ou tout juste « émergés » (Afrique du Sud, Brésil, Russie, Qatar…), qui souhaitent que la Coupe du monde serve à la fois d’accélérateur de leur développement, et de projecteur médiatique pour leur image.

Du coup, les dépenses de troisième catégorie ont explosé, à la fois pour compenser leur retard dans les infrastructures quand c’était le cas, et pour faire briller le pays sur la scène internationale. Ce double facteur explique pourquoi, du coup, la facture « infrastructures » a explosé. Alors que le mondial en France n’avait coûté au total « que » 600 millions d’euros, celui qui s’est déroulé en Afrique du Sud a coûté… 4,3 milliards de dollars. 

Les populations locales bénéficient-elles de cette manne ? Selon Amzat Boukari-Yabara, docteur du Centre d’études africaines de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS,) « au final, le Mondial 2010 a profité à l’Afrique du Sud en matière de communication publique, mais pas au Sud-Africain lambda, dont le niveau de vie ne lui permettait même pas d’acheter un ticket pour assister à un match. » Et ce d’autant plus que c’est la Fifa qui -désireuse de faire tomber l’indigence de 1930 dans les oubliettes de l’histoire- récolte l’essentiel des revenus d’une Coupe du mond de foot grâce aux droits de retransmission télévisée.  Selon  Gaël Raballand (Economiste à la Banque Mondiale) et Sébastien Dessus (Economiste principal à la Banque Mondiale), la Coupe du monde sud-africaine a coûté 4,3 milliards de dollars au pays -alors que la Fifa a retiré un profit de 2 milliards de dollars.

LAfrique du sud espérait accueillir 480.000 touristes, elle n’en a accueilli que 309 000, venus pour la coupe du monde. Ils ont dépensé environ 400 millions de dollars d’après les études du département du tourisme, alors que le gouvernement espérait qu’ils dépenseraient trois fois plus, soit 1,2 milliard de dollars. Selon le site BSI-Economics, « l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA 2010 devait rapporter 4,9 Milliards de rands (environ 350 millions d’euros) mais c’est une perte de 20 Milliards de rands (environ 1,5 Milliards d’euros) qui a été enregistrée ». 

Les chercheurs Robert A. Baade, Robert Baumann, and Victor Matheson ont d’ailleurs montré dans une étude que non seulement les retombées économiques de grands événement sportifs sont largement exagérées lors de la candidature, mais que deux études préalables peuvent présenter des résultats qui divergent dans un facteur de 1 à 10…

Futur « Pays fantôme » ou « nouvelle Mecque du Tourisme »?

Reste qu’en 20 ans à peine, la facture d’un Mondial a été multipliée par… 400, puisqu’elle est passée de 500 millions d’euros en France en 1998, à 15 milliards de dollars pour le Brésil, et à… 200 milliards pour le Qatar -les dépenses en infrastructures étant particulièrement élevées pour ce pays.

Mais le site d’intelligence économique Meed explique que 20 projets-phare vont bénéficier de cette manne de 200 milliards: la construction des stades, bien sûr, mais aussi des projets de construction (45 milliards de dollars rien que pour le projet de la ville nouvelle de Lusail City), et de transport (le projet Qatar Integrated Rail va coûter 35 milliards de dollars). On peut citer aussi la construction d’un réseau secondaire de route, des travaux de drainage, des investissements en télécommunication ou encore la construction de ports.

Attention par conséquent aux raccourcis hâtifs: non, le Qatar ne va pas « dépenser » 200 milliards d’euros à l’occasion de la Coupe du monde. Il va investir 200 milliards d’euros à l’occasion de la Coupe du monde, à la fois pour développer ses infrastructures et pour se transformer, à l’instar de Dubai, en paradis du tourisme quand la manne du pétrole aura disparu.

Il serait d’ailleurs pertinent que ces investissements finissent par bénéficier aux Qataris, puisque la somme atteint aussi un record en terme d’investissements par habitant (100.000 euros par habitant, contre… 10 euros en France). Reste à savoir si le « nouveau


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