Les actions françaises liées au coronavirus ont bondi de plus de 500% depuis janvier

àDirecteur associé de Kalliste Biotech Advisors, Sacha Pouget a constitué deux « indices concepts » -un pour la France (KBFR), l’autre pour le monde (KB20)- composés de sociétés biotechnologiques (traitements, vaccins) ou issues du diagnostic exposées au Covid-19. Ils atteignent actuellement des sommets, dans des volumes d’échanges décuplés depuis le début de l’année.

Refuge pour les investisseurs, les valeurs « anti-krach » liées au Covid-19 font mieux que surperformer le marché depuis le début de l’année, elles explosent les compteurs. Ces petites capitalisations -devenues moyennes- sont principalement des sociétés biotechnologiques à la recherche d’un vaccin ou d’un traitement contre le coronavirus, mais peuvent aussi être spécialisées dans le diagnostic ou la protection. Nombre d’entre elles affichent des progressions à trois chiffres depuis le 1er janvier, à rebours d’un marché en net repli sur fond de crise sanitaire mondiale.

Expert du secteur et directeur associé de Kalliste Biotech Advisors, Sacha Pouget a constitué deux « indices concepts » pour suivre la performance de ces valeurs. Le premier, « baptisé KB20 Coronavirus », comprend 20 sociétés (4 en Europe et 16 aux Etats-Unis). Parmi elles,15 sont des biotechs, huit se sont lancées dans la course au vaccin, les sept autres ayant des essais cliniques en cours (ou dans les tuyaux) en vue de valider un traitement. Les cinq sociétés restantes sont issues du diagnostic et de la protection (masques et vêtements de protection).

Des volumes de transactions qui ont explosé

Le KB20 Coronavirus a progressé de 308% en moyenne (équipondération des 20 valeurs) au 17 avril, « une hausse qui s’est faite avec des volumes significatifs, multipliés par 20, passant de 80 millions de dollars en moyenne par séance début janvier à 1,42 milliard de dollars en mars, avant de revenir sur les niveaux de février en avril (à 1 milliard de dollars) ». Entre décembre et mars, le volume de transactions a donc été multiplié par 17 sur ces 20 valeurs. Une volumétrie record à près de 5 milliards de dollars a même été atteint lors de la séance du 27 février dernier, le jour de l’annonce du partenariat entre Vir Technologies, coté sur le Nasdaq (et dont la valeur avait doublé au cours de cette séance), et le groupe chinois WuXi Biologics pour le développement d’un traitement.

À noter que sur les 20 valeurs de l’indice KB20 Coronavirus, cinq affichent des performances négatives (de -25% à -8%) entre le premier janvier et le 17 avril, quand les hausses s’échelonnent de +7% à… +2.594%. Onze sociétés ont plus que doublé de valeur.

Quant au KBFR9, l’autre « indice concept » composé uniquement de sociétés françaises, il a « inscrit un plus haut à la clôture de mardi (+600%) et progresse de 527% en moyenne au 17 avril. Le bond des volumes de transactions est encore plus spectaculaire que sur le KB20 Coronavirus puisqu’ils ont bondi de 500.000 euros en moyenne en décembre 2019 à 86,5 millions en avril 2020, avec des pointes à près de 200 millions d’euros le jeudi 9 avril. est composé pour un tiers de sociétés à la recherche d’un médicament, pour un tiers de sociétés de diagnostic et pour un dernier tiers de groupes spécialisés dans la protection. Les graphiques, dynamiques et mis à jour en permanence, sont disponibles ici.

La flambée de ces valeurs est intervenue « en deux phases » observe Sacha Pouget. « Lors de la première, les titres exposés au Covid-19 étaient en contre-tendance du marché. Les annonces de nature à inquiéter se multipliaient et le marché était particulièrement stressé donc les stress sur le marché donc les investisseurs se portaient sur ces valeurs-là, jusque mi-février. Puis c’est reparti de plus belle avec le rebond des principaux indices boursiers depuis mi-mars », sur fond de pic d’espoirs

Il s’agit d’une « hausse séquentielle » précise-t-il, « le newslow profite à l’ensemble des sociétés » de l’indice. Autrement dit, celles-ci « ne réagissent pas toutes à une annonce en particulier mais d’un point de vue de groupe, les unes tirent les autres ».

Trop tôt pour parler de bulle

Si les performances enregistrées sont ahurissantes, s’agit-il pour autant d’une bulle? « C’est encore trop tôt pour le dire » selon Sacha Pouget. « On est face à une crise qui devrait durer donc il devrait y avoir un continuum d’activités pour ces sociétés. Il faudra toutefois qu’elles soient en capacité de délivrer sur le plan opérationnel. Si les estimations actuelles sont trop importantes et qu’elles induisent une déception, on pourra dire que ces valeurs ont été trop « pricées » et parler de bulle » développe-t-il.

À l’avenir, « la hausse se fera inévitablement par à-coups » anticipe-t-il, Les spécialistes du diagnostic pourront continuer à grimper « en communiquant autour de leurs commandes » une fois dans le « déconfinement », avec les besoin en tests qui s’annoncent très importants. « Pour la partie vaccination, ça prendra plus de temps, c’est une industrie au temps long et incompressible, il faut compter au moins un an ». Pas de nouvelle envolée de ces valeurs à prévoir à court terme, donc.

Pour les sociétés à la recherche d’un traitement, « ce n’est pas simple » non plus. « C’est un casse-tête au niveau de la menée des essais cliniques en France, tout est bloqué » regrette-t-il. « Pour ceux qui avaient prévu d’en lancer, il y a de gros risques que cela ne se fera pas, il faut prévoir un décalage de 3 à 6 mois », tandis que c’est « à géométrie variable pour ceux qui ont déjà été lancés ». Sacha Pouget est néanmoins optimiste sur la validation de traitement « avec les approbations qui vont avec », d’ici un à deux mois.

Pérenniser le secteur

Il prévient toutefois qu’on peut être « face à une vallée de la mort pour certaines biotechs », si celles-ci ne sont pas assistées et aidées pour leur trésorerie. De fait, 85% des dépenses d’une étude sont destinées à conduire les études cliniques. Or, si elles sont déjà engagées, la crise sanitaire va contraindre de nombreuses biotechs à les rallonger, donc à brûler du cash.

Sacha Pouget insiste surtout sur la nécessité de soutenir la filière: « Depuis le temps qu’on attendait une considération de la part des pouvoirs publics et des décideurs économiques, cette pandémie vient confirmer que c’est un secteur stratégique et que tout cet écosystème a besoin d’être soutenu ». Il va désormais falloir « tirer des leçons » de cette crise sanitaire et « permettre à une filière de réapparaître pour préserver des intérêts stratégiques » conclut-il.