Les athlètes, ces produits spéculatifs comme les autres

Arian Foster va devenir la première star de football américain à proposer sa capacité à réussir un « touchdown » aux spéculateurs de tout poil. Ce célèbre arrière des Houston Texans a accepté d’être le premier cobaye de l’aventure financière de la jeune start-up Fantex, lancée jeudi 17 octobre. Cette entreprise californienne propose, en effet, d’étendre le domaine de la spéculation aux carrières sportives.

Concrètement, les investisseurs pourront acheter des parts d’Arian Foster, en échange d’un droit à une fraction des revenus futurs de cet athlète. Fantex compte ainsi lever 10 millions de dollars [7,3 millions d’euros], qui seront reversés à l’athlète. En contrepartie, ce dernier accepte de céder 20 % de ses revenus futurs [salaires, contrats de publicités, rémunérations pour des apparitions à des événements], qui seront redistribués aux investisseurs et à Fantex.

“On a, ici, affaire à un sportif qui préfère toucher maintenant une grosse somme d’argent plutôt que d’avoir des revenus mensuels échelonnés”, explique Gunther Capelle-Blancard, enseignant-chercheur à l’université Paris I et à l’École d’économie de Paris. Pour Arian Foster, si la start-up parvient à lever les 10 millions de dollars, c’est tout bénéf : il se couvre, en effet, contre tout risque de blessure, qui pourrait mettre à mal sa carrière, et faire baisser son salaire.

Le tableau est plus mitigé pour les éventuels investisseurs. Ils peuvent gagner gros, si Arian Foster vole de succès en succès, mais ils perdent tout si, pour une raison ou pour une autre, il doit mettre un terme à sa carrière. En outre, “contrairement à des actions d’une entreprise, l’acquisition de titres sur la carrière de ce sportif ne confère aucun droit de regard sur Arian Foster”, précise Gunther Capelle-Blancard. En clair : ils n’ont aucun moyen de l’empêcher de faire des mauvais choix de parcours.

David Bowie aussi

Les Houston Texans risquent également de n’apprécier que modérément cette innovation financière. D’après Gunther Capelle-Blancard, ce type de montage financier fait baisser l’implication d’Arian Foster dans son club, vu qu’une partie de sa rémunération lui échappera.

Si ce tour de passe-passe financier peut prendre le monde sportif de court, il n’a pas de quoi étonner celui de la finance. II ne s’agit, en fait, que d’un exemple original de titrisation, une pratique largement répandue dans le monde financier. Dans le principe, il n’y a, en effet, pas une grande différence entre la spéculation autour de la carrière de ce footballeur américain et, par exemple, les subprimes. Dans ce dernier cas, les banques revendaient les crédits hypothécaires qu’ils avaient accordés – sans être très regardant sur la solvabilité des emprunteurs – à des investisseurs qui, eux, touchaient ensuite les mensualités de remboursement.

Surtout, “c’est une nouvelle démonstration de la financiarisation de l’économie”, assure Gunther Capelle-Blancard. Avant le football américain, cette financiarisation avait déjà fait des incursions dans le monde musical. L’exemple le plus célèbre concerne le chanteur britannique David Bowie. Dans les années 90, il avait trouvé le moyen de toucher de l’argent pour les revenus futurs générés par la vente de ses disques… même après sa mort. La star avait reçu, en 1997, 55 millions de dollars en vendant des “Bowie bonds” qui permettaient aux investisseurs de toucher les royalties sur les ventes futures des 25 albums du chanteur.

Un précédent que Fantex a sûrement dû avoir en tête en concoctant les “Foster bonds”. Buck French, le co-fondateur de cette société, a d’ailleurs reconnu qu’en cas de succès, il espérait bien attirer, non seulement, d’autres sportifs, mais également des célébrités venues d’horizons plus musicaux ou cinématographiques.


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