Les cartes remplaçant les tickets « restau » vont leur coûter cher

Dans les mois qui viennent, les bons vieux titres restaurant en papier devraient progressivement disparaître au profit de nouvelles cartes à puce. Moins de paperasse, gestion simplifiée, paiements plus rapides… Les restaurateurs devraient normalement y trouver leur compte. Et pourtant, nombre d’entre eux pourraient payer cher cette nouveauté.

Les restaurateurs sont en colère. Alors que le taux de TVA qui s’applique au secteur passera au 1er janvier prochain de 7 à 10%, plusieurs syndicats s’insurgent contre la hausse des taux de commissions prélevés par les émetteurs de titres restaurant. D’après leurs calculs, les tarifs affichés par ces derniers ont grimpé de près de 150% depuis 2005. A titre de comparaison, sur la même période, l’indice des prix à la consommation n’a augmenté que de 12%.

« Nous réclamons l’ouverture de négociations, afin que les taux ne progressent pas plus vite que l’inflation, et qu’on revienne sur les hausses de 8 à 10% prévues pour l’année prochaine », explique Jean-Pierre Chedal, président des restaurateurs au sein du Synhorcat (syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs).

Un système d’une complexité inouïe

La dématérialisation des titres ne devrait pas arranger les choses. Pour comprendre pourquoi, il faut expliquer le fonctionnement, d’une complexité inouïe, du système actuel. Aujourd’hui, les quatre émetteurs historiques (Edenred, Groupe Chèque Déjeuner, Natixis et Sodexo) vendent des titres restaurant auprès des entreprises, qui bénéficient d’exonérations fiscales. Ces titres sont co-financés par les entreprises et les salariés. Ceux-ci paient ensuite leurs repas avec, que ce soit dans les supermarchés ou les restaurants.

Les commerçants, après avoir encaissé ces titres, doivent les tamponner, découper l’un des coins, les classer puis les envoyer à des organismes de collecte. C’est là que ça se corse. La commission prélevée va dépendre de l’émetteur de chaque titre et du montant de chaque remise (le prix de la prestation est plus élevé si le restaurateur envoie 2.000 euros de titres plutôt que 5.000 euros par exemple). Il doit en outre envoyer à ses frais les titres ou payer un transporteur spécialisé. Enfin, le restaurateur dispose de plusieurs options quant au paiement: express, à 7 jours ou à 21 jours.

A chaque situation correspond ainsi un taux de commission différent, variant de 0,68% à 4,85% du montant envoyé, selon les tarifs en vigueur en 2013.

Un modèle économique remis en cause

Avec la dématérialisation des titres, les restaurateurs n’auront plus le choix (pour le moment en tout cas) en ce qui concerne le délai de paiement, autrement dit le temps d’attente entre le moment où ils envoient les titres et le moment où ils reçoivent l’argent sur leur compte. Les montants seront versés dans les 48 heures. Ce qui facilitera la gestion de leur trésorerie.

Le taux de commission devrait alors être fixé a priori au niveau des remboursements express, qui sont souvent à plus de 3 ou 4%. Tous les restaurateurs qui s’en sortaient avec des commissions de 1 à 2% en se faisant payer à 21 jours en seront pour leurs frais.

Comme l’explique Marie Poirier, co-gérante des restaurants Vert Midi à Paris :

Du côté des émetteurs, la dématérialisation des titres va provoquer un manque à gagner important, une partie de leur modèle économique s’évaporant. En effet, entre la vente des titres aux employeurs et le remboursement des restaurateurs, il se passe souvent plusieurs semaines. Dans l’intervalle, les émetteurs de titres placent cet argent pour empocher des intérêts. Avec les nouvelles cartes à puce, ce sera bien plus compliqué. Leur marge va donc fondre comme neige au soleil.

D’où la tentation d’augmenter les commissions? Du côté des émetteurs, on insiste sur le gain de temps (notamment en termes de démarches administratives) qu’apportent les solutions dématérialisées. Ainsi que les avantages en matière de trésorerie. Ce qui permet de réduire les frais indirects liés à la gestion des titres pour les restaurateurs.

La concurrence pourraient tirer les prix vers le bas

Ils estiment aussi que ces dernières années, si les frais ont augmenté, c’est à cause de la mise en place de nouveaux services: délais à 3 jours, déploiement des centres de collecte, mise en place d’un système pour récupérer directement les titres chez le restaurateur, etc. Et les nouvelles cartes à puce offriront de nouvelles possibilités de fidélisation des clients que pourront exploiter les commerçants.

Sur ces nouveaux titres numérisés, la politique tarifaire des émetteurs n’est dans tous les cas pas encore fixée définitivement. Rien n’interdit la mise en place d’un échelonnement des paiements semblable à celui des titres restaurant papier, avec des taux de commissions différenciés. Ce qui semble paradoxal pour un mode de paiement dématérialisé mais pourrait donner une bouffée d’oxygène aux petits commerçants. L’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché, comme Moneo ou la start-up Resto Flash, devrait aussi permettre à terme de tirer les prix vers le bas.


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