« Les Républicains » : pourquoi ça se complique pour Sarkozy

Décidément, ça ne passe pas. 57% des électeurs de droite ne comprennent rien à cette volonté de Nicolas Sarkozy de rebaptiser l’UMP « Les Républicains ». Leur réaction est cohérente, résumée d’une formule par Gilles Boyer, le principal conseiller politique d’Alain Juppé : »Nous sommes DES Républicains, nous ne sommes pas LES républicains ». Le député-maire UMP du Havre, Édouard Philippe, un autre proche de Juppé, n’hésite pas lui non plus à ériger un désaccord formel. Cette affaire, dans son esprit, n’est pas insignifiante : »Ce serait méconnaître ce qu’est la République. Par définition, elle rassemble des gens qui ont des conceptions différentes de l’intérêt général, mais qui se reconnaissent dans quelque chose de plus large. En nous nommant « Les Républicains », c’est comme si nous vidions la république de son sens. Je trouve cela dangereux’ ce serait un vecteur supplémentaire de clivages et de divisions ».

Voilà les choses dites et précisées fortement, comme un prof d’histoire et de morale saurait le faire : personne, pas même Nicolas Sarkozy, ne peut s’emparer parce qu’il en décide ainsi, d’un marqueur collectif, d’une appartenance trans-partisane, d’une valeur partagée. L’ex-président a voulu singer Marine Le Pen en kidnappant un mot, et quel mot, « républicain », à son seul profit politique et électoral. Chaque jour, les Français lui signifient qu’ils estiment cette démarche déplacée, y compris parmi ceux qui le soutiennent.

En politique, c’est la première bonne nouvelle depuis fort longtemps. Une réaction civique pour s’opposer à un coup de tête de Nicolas Sarkozy !

Sarkozy veut rassembler et parvient à diviser

L’événement est d’ailleurs plus important qu’il n’y paraît. Car cet agacement (ne parlons pas de colère, encore moins de révolte) s’inscrit dans le droit fil de … « Je suis Charlie ». Il est en effet quelques points de consensus auquel, la majorité des Français en sont persuadés, nul ne doit toucher.

Depuis son retour à la tête de l’UMP, Nicolas Sarkozy joue et surjoue l’apaisement, le consensus, le choix en commun et la pratique de la démocratie, autant de pratiques jusque-là étrangères à l’UMP. Mais ayant décider de donner une nouvelle appellation au grand parti de la droite républicaine, il ne se tient plus, il ne se contrôle plus, il fait un caprice : ce sera Les Républicains, et rien d’autre. Sarkozy dans son jus. Sarkozy persuadé d’avoir raison, seul contre tous. Sarkozy plus futé que tout un chacun : il défie Marine Le Pen à propos des valeurs ; il réaffirme que, dans son esprit, les socialistes ne sont plus républicains. La formule, sa formule, lui plait, donc il la répète en boucle : « les socialistes d’aujourd’hui ne sont plus républicains, ils sont socialistes et rien d’autre ». Pourquoi? Parce qu’ainsi il en a décidé. Parce qu’ainsi il l’a décrété. La tempérance de Nicolas Sarkozy ne se sera avérée qu’un état aussi bref que passager.

Futée, Marine Le Pen a aussitôt utilisé le ressort de l’anti-américanisme puisqu’en effet, 66% des Français (!) estiment que ce nom – Les Républicains – sonne « trop américain »… Elle s’en est donc pris à un « choix qui consiste à se calquer sur le modèle politique américain ». Avant de se moquer : « Je ne comprends absolument pas, sauf s’il s’agit de répondre à une sorte de fascination puérile de M. Sarkozy qui, probablement, aime les Indiens, les cow-boys, les cheeseburgers et les Nike ».

Vache, certes, mais faux?


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