Les salariés de Bosch Rodez victimes du diesel … et de la Turquie ?

Les salariés de Bosch Rodez victimes du diesel … et de la Turquie ?

Les salariés de Bosch Rodez victimes collatérales du dieselgate ou du manque d’anticipation et d’adaptation de leur employeur face à une fin programmée du diesel ? Voire même au final victimes de la concurrence de la Turquie en terme de coûts salariaux ? Alors que l ’équipementier est confronté à une importante baisse de la demande engendrée par la remise en cause du diesel lui-même – situation que l’affaire des tromperies sur le diesel n’a pas arrangé – il vient en quelque sorte de concéder des investissements de 14 millions d’euros sur le site de Rodez (Aveyron), spécialisé dans les moteurs diesel … sous réserve que les salariés signent un accord de compétitivité avant avril 2018.

Face à une telle situation, l’intersyndicale demeure “très pessimiste” pour le maintien de l’emploi et de la production. Une « affaire » qui pourrait prendre de l’ampleur étant donné le poids économique que représente Bosch dans le département de l’Aveyron – géographiquement enclavé – où usines et employeurs ne se bousculent pas.

Cerise sur le gâteau : la volonté finale de Bosch pourrait bien être de déshabiller l’aveyronnais Pierre pour habiller le turc Jacques. Rentabilité “oblige”.

  • Investissements sous conditions : chantage à l’emploi ?

Olivier Pasquesoone, le directeur du site Bosch d’Onet-le-Chateau, près de Rodez a annoncé en fin de semaine dernière que le groupe allemand était prêt à investir “14 millions d’euros” pour “moderniser” une seule des deux lignes de production d’injecteurs pour moteurs diesel. Condamnant de facto la deuxième ligne … Une fermeture partielle noyée dans l’annonce de l’investissement aux yeux du grand public … mais pas des salariés. Un véritable choc alors que cette somme ne sera véritablement investie que si les salariés adhérent à un accord de compétitivité avant avril prochain. Un délai de 2 mois fort bien court octroyé aux 1.600 salariés que compte le site. Qui ne semblent guère avoir le choix, qui plus est …

  • Des syndicats très inquiets 

Désabusés, les syndicats s’avouent très inquiets suite à cette annonce. Les représentants des salariés de l’usine Bosch de Rodez considèrent comme “très négatif”, le message qu’ils ont recu de la direction allemande du groupe venue les rencontrer en fin de semaine dernière.

“Nous sommes très pessimistes”, a insisté Pascal Raffanel (CGE-CGC) après une rencontre avec une délégation de la direction de l’équipementier, conduite par Uwe Gakstatter, le responsable de la division Powertrain de Bosch.

Si Heiko Carrié, président de Bosch France et Bénélux a déclaré que les négociations avaient pour but de conserver un “maximum d’emplois”, les syndicats estiment que la direction envisage une réduction des effectifs qui se situerait entre “deux courbes descendantes”, l’une représentant les départs à la retraite et l’autre la disparition de 350 à 450 emplois dans le pire des cas.

“Ils attendent une négociation sans donner des engagements sur l’emploi, sans donner de garanties sur les volumes » de production, a déploré quant à lui Julien Rul (SUD).

Selon les calculs des syndicats, au total entre 8.500 et 10.000 emplois induits pourraient être impactés si le site disparaissait.

  • Le gouvernement s’en mêle

Fac à une telle situation et pour éviter tout conflit voire nouvelle bombe économique et sociale du style de GM&S, le gouvernement est monté au créneau via la voix le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Lequel a tenu à saluer la “volonté du groupe Bosch de maintenir l’activité industrielle à Rodez. Se félicitant également que l’équipementier négocie à court terme un accord de compétitivité, incluant la modernisation de l’outil industriel et « en envisageant le développement de nouvelles activités à Rodez”.

“Le gouvernement apportera son plein soutien au groupe Bosch et aux salariés pour accompagner cette transition, identifier des activités d’avenir et favoriser leur localisation à Rodez”, a souligné le ministre dans un communiqué.
L’Etat prend le dossier d’autant plus au sérieux que l’usine Bosch d’Onet-le-Château, située dans la périphérie de Rodez, est le premier employeur privé du département. En cas de fermeture du site, c’est au total près de 10.000 personnes (emplois directs et indirects) qui seraient impactées. Une catastrophe pour l’agglomération d’environ 55.000 habitants alors que l’emploi ne se bouscule pas.

  • Le site déjà menacé au début des années 2010 

Au début des années 2010, la direction de Bosch avait d’ores et déjà posé le débat de l’avenir du site. Lequel se trouvait en forte concurrence avec celle de Bursa en Turquie qui produisait alors 10 fois plus d’injecteurs diesel avec 12 lignes de production, contre 2 seulement dans l’usine aveyronnaise.

La signature d’un accord de compétitivité avec les syndicats du site de Rodez avaient alors permis de pérenniser la situation.
Bosch avait alors investi dans cette usine pour intégrer de nouveaux outils de production et produire des pièces plus haut-de-gammes, notamment des pièces en céramique. Grâce à 50 millions d’euros d’investissement, la production du site de Rodez était passé de 2,6 millions d’injecteurs en 2014 à 3,7 millions en 2015. Les bougies d’allumage passant parallèlement de 17 à 20 millions sur la même période.

  • Bosch victime de l’évolution du marché diesel

Le premier sauvetage de l’usine de Rodez voit néanmoins le jour quelques mois avant la chute du diesel.
Alors que les pouvoirs publics français semblent vouloir mener combat contre eux, le scandale Volkswagen survenu en septembre 2016 conduira la technologie vers un déclin désormais inexorable.

“Le taux d’équipement en véhicules diesels en France a chuté de 73% en 2012 à 48% fin 2017. Une évolution du marché qui oblige le site à envisager de nouveaux débouchés en plus d’une modernisation de la production actuelle pour pouvoir répondre aux normes Euro 7 qui seront obligatoires dès 2020″, a tenu à préciser Olivier Pasquesoone en vue de justifier la politique de Bosch.

  • De nouveaux débouchés pour le site ?

Selon le syndicat CGT, les dirigeants de Bosch ont affirmé que le site demeurerait un site axé sur le diesel mais que l’équipementier n’avait pas besoin de l’usine de Rodez pour fournir le marché actuel.
Globalement, les syndicats se montrent quelque peu sceptiques face aux différentes pistes de diversifications du site proposées par la direction.

Cette dernière estime que l’usine pourrait trouver de nouveaux débouchés dans “l’horlogerie, l’aéronautique, le médical, l’hydrogène ou les véhicule hors diesel”. Néanmoins selon le syndicat SUD, 5 à 7 ans seraient nécessaires pour développer de nouveaux débouchés.

  • Bosch Rodez victime du diesel …. et de la concurrence de la Turquie ?

Si le site de Rodez avaut pu un temps au début des années 2010 gagner la bataille face à la concurrence de l’usine Bosch en Turquie, tel ne semble plus être le cas désormais, l’étau se resserrant autour du diesel.

Renault, premier client de l’usine située en Aveyron avec des commandes représentant 90% de la production a en effet annoncé vouloir réduire son catalogue de moteurs diesel à terme. Renouvelant toutefois ses commandes d’injecteurs diesel à Bosch … mais auprès de l’usine de Bursa en Turquie, site qui avait déjà failli lui coûter sa position – voire son existence elle-même – quelques mois auparavant.

Une politique en faveur de la Turquie justifiée par la stratégie industrielle de Renault, le constructeur possédant sa propre usine d’assemblage à proximité de l’usine turque de Bosch. Site qui fabrique notamment des Clio.

Reste que ce choix de stratégie industrielle du constructeur automobile français pourrait provoquer l’ire du gouvernement, toujours en partie actionnaire de Renault. Une pression de l’Etat pourrait alors s’exercer sur le constructeur afin qu’il répartisse au mieux ses commandes dans une décision beaucoup plus politiquement correcte. A moins que des discussions avec Angela Merkel ne soient menées dans l’ombre afin de faire fléchir le groupe équipementier allemand.

  • Bosch affiche sa volonté de maintenir  ses investissements en Turquie 

En juillet dernier, alors que  les tensions politiques étaient vives  entre Allemagne et Turquie, le président en Turquie et au Moyen-Orient du géant équipementier allemand, Steven Young  avait déclaré  que Bosch  continuerait ses investissements dans le pays en 2017 Précisant même que  Bosch Turquie investirait au total  650 millions de livres turques et principalement à Bursa.

Steven Young avait  tenu alors à  préciser que Bosch s’était renforce en Turquie en 2016 en vue  d’atteindre un chiffre d’affaires de 12 milliards de livres turques, soit une hausse de 14%.

« Nous avons investi 750 millions de livres turques en Turquie en 2016. Pour Bosch, il s’agit du 4e plus grand investissement. La Turquie est un pays très essentiel pour Bosch » avait même martelé le dirigeant. 

Il avait alors ajouté  que le groupe allemand avait également  renforcé le nombre d’employés en Turquie.  Précisant  que Bosch comptait aujourd’hui plus de 17 000 salariés en Turquie, soit le nombre le plus élevé parmi les pays européens après l’Allemagne, et le 5e plus élevé dans le monde entier.

En réponse à une question des journalistes demandant si « les investissements avaient été touchés par les problèmes entre la Turquie et l’Allemagne », Young avait répondu :

« Je viens de vous faire part des investissements que nous avons réalisés l’année dernière, de même que ceux de cette année. Au contraire, ils n’ont pas du tout été touchés, nous avons réalisé nos investissements comme planifiés. L’atmosphère est aujourd’hui tout à fait bonne pour les investissements. Il y a des encouragements séduisants en Turquie. Nous avons été l’année dernière, l’entreprise ayant bénéficié le plus des encouragements dans l’automobile. Cela montre en effet la confiance de Bosch envers la Turquie ».

Sources : AFP, Bosch, La Tribune, Syndicats

Crédit Illustration : Bosch

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 1 février 2018 –

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