Libye : quand Sarkozy faisait tirer sur des Mirages rénovés par la France … ou le monde noir des affaires

A l’heure où Nicolas Sarkozy, ancien chef de l’Etat,  a été placé en garde à vue, dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle  2007,  je ne “résiste” pas à  remettre à la surface  cet article  que j’avais rédigé en 2011. Pointant du doigt l’imbroglio politico-financier dans lequel  était plongé  le Président français. Pour ne pas dire avait plongé, voire avait trempé, via son entière volonté. Laissant également entrevoir  à l’époque  que le  marché de l’armement avait  encore de « beaux » jours devant lui, ce qui est toujours le cas, d’ailleurs.

Précisons que le contrat français de remise en état de 12 Mirage F1 de l’armée libyenne, représentait une centaine de millions d’euros de travaux sur une période d’intervention de 30 mois. Il avait reçu le soutien des services officiels français, selon déclaration faite par le général Bernard Norlin, président de Sofema. Dans un premier temps, l’accord ne prévoyait pas la remise en état du reste de la flotte de 38 Mirage F1 libyens.

Rappelons que Sofema groupe est une société de services, privatisée en 2000, qui exporte du matériel aéronautique de défense et de sécurité et en assure le support logistique. Elle assure aussi des missions de conseil (…) avec un réseau d’experts en intelligence économique (…) et commerce international dans 60 pays. Elle était alors  détenue à  22% par EADS, 12% par Safran et comptait  aussi parmi ses actionnaires (de 5 à  10% chacun) les principaux autres industriels français de l’armement dont Dassault, Thales, DCN (ex-direction des constructions navales) et Nexter (ex-Giat Industries).

En octobre 2006, la Délégation générale pour l’armement (DGA) du ministère français de la Défense avait confirmé l’existence de discussions avec la Libye en vue de moderniser les armements libyens, dans le cadre de la coopération de défense renouée entre les deux pays en 2005. Un accord visant à  permettre la rénovation des armements français acquis par la Libye dans les années 70, avions F1 et bateaux Corvette, « serait en cours de discussion entre les deux pays », avait alors indiqué Paris.

L’accord de 2006 “visait surtout à  permettre à  la Libye de retrouver la capacité opérationnelle qu’elle avait avant l’embargo international sur les armes” entre 1986 et 2004, en particulier par la modernisation de 38 Mirage F1 achetés par la Libye entre 1978 et 1980, indiquait alors une source proche du dossier. Fort intéressant quand on voit comment Sarkozy avait par la suite réagi  contre Kadhafi …

Tripoli aurait néanmoins alors marqué son intérêt pour des ”équipements plus sophistiqués“, tels que l’avion de combat Rafale et l’hélicoptère d’attaque franco-allemand Tigre, dont la maîtrise d’oeuvre industrielle est assurée par Eurocopter, filiale du groupe européen EADS.

Cerise sur le gâteau : si le fils de Kadhafi affirme aujourd’hui que que ce contrat aurait pu faire bénéficier le clan Sarkozy de somptueuses commissions et retro-commissions … permettant de financer les frais de sa  campagne 2007, l’irremplaçable site bakchich.info affirmait notamment quant à lui que les circonvolutions politiques et financières réalisées par la Sofema – à travers Ziad Takkiedine, « intervenant » notamment dans le cadre de l’affaire de Karachi – auraient eu pour objectifs d’ ”empêcher que les com’ ne viennent garnir les finances électorales d’un hypothétique rival de Sarko, Michèle Alliot-Marie“.

Précisons que l’homme d’affaires libanais Ziad Takieddine a été interpellé au début du mois de mars 2011 au Bourget … alors qu’il rentrait de Libye, les douanes ayant saisi 1,5 million d’euros en liquide dans son avion.

Placé en garde à vue, il a été remis en liberté, le parquet indiquant toutefois qu’une enquête préliminaire, portant sur des “manquements aux obligations déclaratives” et une “suspicion de blanchiment“, a été ouverte. L’enquête a été confiée au Service national de la douane judiciaire.

Mais ce n’est que le 20 mars 2018,  que Nicolas Sarkozy est entendu pour la première fois dans cette enquête, par les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre, près de Paris.

L’ancien chef de l’Etat a été ainsi  placé en garde à vue, dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle, a-t-on appris mardi de source proche de l’enquête, confirmant une information de Mediapart et du Monde.

Sources : AFP, Bakchih.info, Blog secret défense de Marianne2

Elisabeth STUDER – 20 mars 2018 – www.leblogfinance.com

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