L’incroyable enterrement du Falcon 5X de Dassault

Le Falcon 5X ne verra jamais le jour. Dassault Aviation a annoncé le 13 décembre, à la surprise générale, l’arrêt de son programme de biréacteur d’affaires à 45 millions de dollars pièce. Pourquoi cette décision retentissante? L’avionneur a perdu patience face aux retards et soucis techniques du moteur Silvercrest développé par Safran. « Le moteur Silvercrest de Safran, conforme aux spécifications du contrat, aurait dû être livré fin 2013 pour les essais en vol sur Falcon 5X », souligne l’avionneur. Mais le réacteur a cumulé les déboires, reportant la première livraison de l’appareil de 2017 à 2020. Les derniers retards du Silvercrest, annoncés en octobre dernier, rendaient la date de 2020 intenable. Dassault a donc décidé d’annuler purement et simplement son programme, et de dénoncer son contrat avec Safran.

Certes, l’avionneur français ne renonce pas à lancer un appareil sur le segment des appareils à large cabine. « Le besoin des clients pour un avion long range et large cabine reste intact, assure le PDG de Dassault Aviation Éric Trappier, cité dans le communiqué. J’ai donc décidé le lancement d’un projet de nouveau Falcon équipé de moteurs Pratt & Whitney Canada, reprenant le diamètre fuselage du Falcon 5X, avec un range de 5 500 miles nautiques et prévu pour une entrée en service en 2022 ».

Un milliard d’euros investi

Mais l’arrêt du Falcon 5X ressemble quand même bien à une jolie claque pour Dassault et Safran. Le premier avait fait de l’appareil l’aiguillon de sa contre-attaque face à ses rivaux, le canadien Bombardier et l’américain Gulfstream. Le groupe avait même investi un milliard d’euros dans son appareil, le plus gros effort de son histoire dans l’aviation d’affaires. Quand au second, il tentait avec son Silvercrest une incursion dans le segment de l’aviation d’affaires. Celle-ci semble menacée : après le renoncement de Dassault, l’américain Cessna reste le seul client du moteur, qu’il a sélectionné pour son Citation Hemisphere. Le clash avec Dassault est à l’évidence un mauvais coup porté à la réputation du moteur de Safran.

L’histoire du 5X était celle d’un pari : plutôt que de se lancer dans la course à la plus grande autonomie, face aux modèles ultra-premium des concurrents Gulfstream ou Bombardier capables de parcourir 13.000 à 14.000 kilomètres, Dassault voulait se différencier avec une cabine d’une taille inédite, en se contentant d’une autonomie de 9.600 km. Le Falcon 5X affichait ainsi une cabine de 50 mètres cubes de volume environ, plus grande que celle du Gulfstream G650, le modèle-phare du concurrent américain Gulfstream (65 millions de dollars). La hauteur sous plafond atteignait 1,98m, un record, et les hublots étaient plus grands de 10% par rapport au Falcon 7X, et de 30% par rapport au Falcon 900. L’appareil était même équipé d’un « hublot zénithal », au plafond de l’avion, une première dans l’industrie qui permettait de faire entrer plus de lumière naturelle dans la cabine.

Le Silvercrest en danger

L’arrêt du programme pose la question de l’avenir du Silvercrest de Safran, privé de son plus gros client. Le motoriste français, qui a investi 700 millions d’euros dans le programme, a toutes les peines du monde à boucler son développement. Le groupe a notamment des problèmes sur le compresseur haute pression, le cœur du réacteur, une zone sur laquelle il a moins d’expérience que sur la soufflante (l’avant du moteur). C’est en effet l’américain GE qui s’occupe de cette partie des moteurs commerciaux CFM56 et Leap, développé en partenariat avec Safran.

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