L’Iran actionnaire de ThyssenKrupp, le groupe allemand fournisseur d’Israël en sous-marins

Le business décidément plus important que tout, y compris des plus grands conflits mondiaux …. Un scandale a éclaté dimanche en Israël dans le cadre d’un achat de trois sous-marins après que presse et élus aient pris connaissance des protagonistes.

Il est vrai que tous les ingrédients sont présents pour donner matière à controverse : si l‘Allemagne figure au rang des fournisseurs à travers ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS), l’Iran est pour sa part actionnaire du groupe d’armement.

Comme quoi quand il s’agit d’argent sonnant et trébuchant, Israël, Iran et Allemagne peuvent être réunis sur le même bateau faisant fi des tensions, passées et actuelles.

Cerise sur le gâteau, les sous-marins commandés par Israël sont susceptibles d’être équipés avec des missiles nucléaires. Mais surtout, selon des experts militaires étrangers. …. ils sont destinés avant tout à des missions d’espionnage au large des côtes iraniennes ou à des attaques en cas de guerre nucléaire entre les deux pays.

Selon les médias israéliens, l’Iran Foreign Investment Compagny (IFIC), la compagnie publique iranienne qui gère les capitaux investis dans des entreprises étrangères, détient en effet une participation de 4,5% dans TKMS,  qui construit les sous-marins israéliens et fournit d’autres services à la marine de l’Etat hébreu.

« L’implication présumée de l’Iran dans une entreprise qui construit les sous-marins top-secrets de la marine israélienne demande une enquête minutieuse sur le sujet », a déclaré pour sa part samedi Ofer Shelah, député de Yesh Atid, un parti qui siège dans l’opposition, membre de la puissante commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset.

Le groupe allemand a confirmé à la suite que l’IFIC avait dans le passé détenu 7% de ses actions avant que cette participation descende sous les 5% à partir de mai 2003, sans toutefois préciser le pourcentage exact que détient actuellement la compagnie iranienne.

L’article de Yedioth révèle pour sa part que l’investissement iranien dans ThyssenKrupp avait commencé dans les années 1970, lorsque que le Shah était au pouvoir. Téhéran avait alors investi 400 millions de dollars dans l’entreprise allemande, ce qui lui permettait de détenir 24,9 % des parts, titres qui furent ensuite hérités par le régime islamique après la révolution de 1979. Le quotidien souligne cependant qu’à cette époque, ThyssenKrupp ne construisait pas les sous-marins israéliens, et se concentrait sur les industries de l’acier, de l’automobile et des ascenseurs. ThyssenKrupp Marine Systems, le conglomérat actuel, a été créé en 2005 lorsque ThyssenKrupp a acheté le constructeur naval Howaldtswerke-Deutsche Werft.

Au début des années 2000, l’investissement iranien dans ThyssenKrupp, via l’Iran Foreign Investment Compagny (IFIC) était si important que le vice-ministre iranien de l’Economie, Mohamad-Mehdi Navab-Motlagh, siégeait au conseil de direction du constructeur.
Selon un article du Financial Times publié en 2004, l’entreprise allemande avait cependant « cédé à la pression américaine » et lui avait retiré son siège. Selon le Times, citant des sources proches de l’entreprise, le gouvernement américain avait indiqué au conglomérat allemand qu’il serait mis sur liste noire s’il renouvelait le poste  de Navab-Motlagh. Selon le journal, durant la même période, ThyssenKrupp avait été obligé de payer une somme très excessive à l’IFIC pour réduire sa participation à moins de 5 %.

« Argent israélien, bénéfices iraniens« , titrait dimanche le quotidien Yediot Aharonot qui rappelle que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a fortement plaidé ces dernières années pour un boycottage économique de l’Iran en vue de forcer Téhéran à renoncer à tout programme nucléaire militaire.

Un porte-parole de la Défense israélienne a refusé de confirmer ou d’infirmer des informations laissant entendre que les responsables du ministère étaient au courant de la participation de l’Iran dans le groupe allemand. « Si cette participation n’était pas connue, c’est une négligence; s’ils ne savaient pas c’est encore pire, il s’agit d’une double négligence » a-t-il déclaré.

Amos Gilad, directeur du bureau des affaires militaires et politiques du ministère a quant à lui minimisé l’importance de l’implication iranienne. « C’est un titre isolé qui change à peine le tableau », a-t-il déclaré. « Je n’étais pas informé de l’implication iranienne. L’Iran ne vend pas de sous-marins à Israël. Son implication est marginale, mais nous devons la vérifier« , a-t-il ajouté. Selon lui, Israël a des « saccords de confidentialité très stricts » avec ThyssenKrupp, qui permettent à l’entreprise de construire « tout en préservant la sécurité d’Israël « .

Le contrat avait d’ores et déjà créé une autre controverse, le procureur général israélien ayant ordonné la semaine dernière une enquête à propos d’un éventuel conflit d’intérêts impliquant l’avocat personnel de Benjamin Netanyahu. Les médias ont révélé que celui-ci, Maître David Shimron était le représentant en Israël de TKMS.
David Shimron aurait utilisé sa proximité avec Netanyahu pour inciter Israël à acheter plusieurs sous-marins à ThyssenKrupp, attribuer à l’entreprise un contrat pour les navires de défense des champs de gaz naturel offshore d’Israël – ressources situées dans zones on ne peut plus stratégiques et controversées elles aussi – et lui permettre de construire un chantier naval en Israël.

Les trois engins commandés pour un coût total de 1,2 milliard d’euros doivent remplacer à terme les sous-marins les plus âgés de la flotte israélienne. Ils appartiennent à la classe Dolphin, de même que les cinq autres déjà livrés par l’Allemagne. Un sixième doit être livré prochainement.

Autre cerise sur le – juteux – gâteau : le Yediot Aharonot a également indiqué dimanche que six frégates commandées en 2015 par Israël à ThyssenKrupp étaient construites à Abou Dhabi dans un chantier naval appartenant à des investisseurs émiratis et libanais … et ce, alors qu’Israël et le Liban sont toujours officiellement en état de guerre. Ces corvettes ont été commandées pour protéger les plate-formes gazières israéliennes en Méditerranée.

Selon le journal, le ministère israélien de la Défense assure que seules leurs structures extérieures sont construites à Abou Dhabi.

Sources : AFP, presse israélienne, Financial Times

Elisabeth Studer – 5 décembre 2016 – www.leblogfinance.com

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