Lois post-Cahuzac: ce qu’en pense Transparency

Suite au traumatisme de l’affaire Cahuzac, deux trains de lois avaient été votés pour essayer d’en finir avec les scandales sur la politique et l’argent: la loi sur la transparence de la vie publique en octobre 2013, et la loi sur la lutte contre la fraude fiscale en décembre 2013. Deux ans après, quel bilan en tirer? Daniel Lebègue, président de Transparency International France, tenait conférence de presse, ce 6 octobre au Sénat, pour livrer l’avis de l’ONG anti-corruption.

Transparence: la France a rattrapé son retard

A la première loi, sur la transparence de la vie publique, il décerne un satisfecit. Le texte a instauré l’obligation pour 9.000 décideurs publics (ministres, cabinets, élus nationaux et locaux, dirigeants d’administrations et d’organismes publics…) de fournir une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale à une commission indépendante, la Haute autorité de la transparence de la vie publique (HATVP). « Le périmètre est vaste, aussi bien par le nombre de décideurs concernés que par le détail des déclarations à produire », se félicite Lebègue. Il salue le travail de Jean-Louis Nadal, président de la HATVP, qui n’hésite pas à rendre public les manquements et à saisir le parquet si besoin: près de 300 déclarations font l’objet d’une enquête du fisc, quelques parlementaires ont vu leur compte en Suisse débusqué (Serge Dassault, Aymeri de Montesquiou, Bernard Brochand…) et Thomas Thévenoud comme Yamina Benguigui lui doivent leur éjection du gouvernement.

Du coup, la France a, selon Lebègue, rattrapé son retard: « En 2010, en comparant les règles en matière de transparence pour les 28 Etats membres de l’Union européenne, la France ressortait 27ème! Aujourd’hui, elle se situe sur le podium de tête, proche des bonnes pratiques des pays scandinaves. » Restent des améliorations possibles, par exemple sur les possibles conflits d’intérêts des élus, leurs relations avec les lobbies et aussi sur le contrôle des financements de la politique… où l’affaire Bygmalion a bien montré que la Commission des comptes de campagne n’avait aucunement les moyens de faire correctement son travail.

Fraude fiscale: il reste des progrès à faire

En revanche, Transparency est plus sévère sur la seconde loi, de lutte contre la fraude fiscale. Daniel Lebègue salue certes la création –controversée dans les milieux judiciaires– d’un parquet national financier, car « cela forme une masse critique de magistrats, experts dans des délits financiers par nature complexes » et aussi l’élargissement des moyens de la police fiscale pour mener ses enquêtes. Il note « la multiplication, depuis cinq ans, de dispositifs pour lutter contre la fraude fiscale, cantonner l’optimisation, et punir les abus plus durement », dans la lignée de l’offensive diplomatique de l’OCDE face à l’évasion fiscale mondiale. Mais le président de l’ONG pointe un manquement criant dans les textes: l’incapacité de la justice française à punir les entreprises épinglées pour avoir corrompu des fonctionnaires ou élus. « Depuis quinze ans qu’a été ratifiée la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics, la justice américaine a prononcé plus d’une centaine de sanctions –amendes transactionnelles ou condamnations– la justice allemande une quarantaine, la justice britannique une trentaine et la justice française… zéro. C’est inadmissible et la France abîme là son crédit international sur le climat des affaires. » C’est le véritable cheval de bataille de l’ONG qui met la pression pour que les procureurs français puissent aussi recourir à la transaction, comme les Américains, qui ont infligé de lourdes amendes à Total et Alstom.

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