Macron et Merkel conciliants avec le Qatar  pour vendre des Typhoon d’Eurofighter ?

Simple hasard de calendrier ? Permettez moi d’en douter. Alors qu »en fin de semaine dernier, Emmanuel Macron s’est montré très conciliant avec l’émir du Qatar en visite officielle à l’Elysée, le Qatar a signé dimanche une lettre d’intention portant sur l’achat de 24 Typhoon au groupe de défense britannique BAE Systems. L’appareil, un avion de combat construit par le consortium Eurofighter dont font partie Airbus est un rival du Rafale de Dassault. L’agence de presse qatarie QNA à l’origine de l’annonce a précisé que le texte avait été signé par le ministre des Affaires de défense qatari Khalid bin Mohammed Al Attiyah et son homologue britannique Michael Fallon. La déclaration d’intention prévoit l’achat de « 24 Typhoon modernes avec tout leur équipement », rapporte QNA. Aucun montant n’a été mentionné par les deux partenaires.

Il semble désormais bien loin le temps où le Qatar était pointé du doigtbusiness « oblige ». L’Eurofighter Typhoon est, il est vrai, construit par un consortium réunissant BAE, Airbus et l’italien Leonardo et représente 40 000 emplois en Grande-Bretagne.

Rappelons en effet qu’en juin dernier, plusieurs pays du Golfe ont rompu en juin leurs relations avec l’émirat l’accusant de soutenir des groupes islamistes radicaux. Le 5 juin, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte ont même rompu leurs relations avec le Qatar et lui ont imposé des sanctions économiques (arrêt des liaisons aériennes, maritimes et terrestres) après l’avoir accusé de soutenir des groupes islamistes radicaux. Doha rejetant toutefois ces accusations.

Qu’à cela ne tienne, dans sa grande largesse, Emmanuel Macron a demandé ce vendredi la levée « le plus rapidement possible » des « mesures d’embargo affectant les populations du Qatar », à l’issue d’une rencontre avec l’émir du Qatar, cheikh Tamim Al Thani.

Lors de leur entrevue, les deux hommes « ont évoqué la crise en cours entre le Qatar et plusieurs pays du Moyen-Orient ». Emmanuel Macron a à cette occasion exprimé sa « préoccupation face à des tensions qui menacent la stabilité régionale, entravent la résolution politique des crises et l’efficacité de  » la lutte collective contre le terrorisme » , selon un communiqué de l’Elysée.

Autre hasard de calendrier, alors que la France et l’Allemagne constituent les deux piliers principaux du groupe aéronautique Airbus, l’émir avait préalablement rencontré vendredi à Berlin la chancelière allemande Angela Merkel. Laquelle s’est montrée également très conciliante, appelant les acteurs de la crise à « s’asseoir à une même table ». Elle a par ailleurs estimé que les négociations entre le Qatar  d’une part, et d’autre part l’Arabie Saoudite et ses alliés, devaient être « discrètes pour réussir. »

  • Le Qatar pourtant fortement soupçonné de financer Daesh

En août 2014, s’exprimant sur ZDF, la chaîne de télévision publique d’Allemagne, le ministre allemand de l’Aide au Développement, Gerd Müller, avait accusé explicitement  l’émirat du Qatar d’être derrière le financement des terroristes de l’ » Etat Islamique » (EI). S’interrogeant sur « qui finance ces troupes ?», il avait à la suite ajouté :   »je pense au Qatar« .

Dans un communiqué de presse, le parti UPR  notait quant à lui que ce membre du gouvernement d’Angela Merkel donnait ainsi du crédit aux rumeurs insistantes, étayées sur des indices de plus en plus nombreux, qui circulent dans les milieux du renseignement et sur les réseaux sociaux, et qui font état de liens étroits des terroristes de l’EI avec le Qatar, mais aussi avec les États-Unis et les pays occidentaux. L’UPR demandait alors au gouvernement d’expliquer aux Français ce qu’il sait – grâce à ses services de renseignement et à ceux des Allemands –, des liens entre son allié l’émir du Qatar et les terroristes de l’EI.

Lors d’un point de presse gouvernemental tenu à Berlin, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Martin Schäfer, avait quant à lui été interrogé, par les journalistes présents, sur la déclaration sensationnelle du ministre de l’Aide au développement, Gerd Müller, au sujet du Qatar. Répondant très exactement ceci : « L’Allemagne a de bonnes et amicales relations, avec le Qatar acteur régional majeur»,  ajoutant que «les propos de M. Müller ont donné lieu à une discussion entre le gouvernement qatari et l’ambassade d’Allemagne à Doha. »

Dans le cadre de cette entrevue, l’Allemagne a déclaré « au gouvernement du Qatar » qu’elle considérait leur pays « comme un partenaire » avec lequel « elle travaille dans différents domaines, même si sur certaines questions, elle ne partage pas toujours le même avis.» Martin Schäfer ajoutant : « Nous regrettons qu’il ait pu y avoir une incompréhension ». S’exprimant tout particulièrement au sujet des allégations de financement, il a simplement déclaré : « Je ne suis pas au courant de telles informations ». « Le ministre a fait allusion à des informations de presse et n’a pas formulé d’accusations concrètes.» Sans s’étendre davantage sur le sujet, sans présenter de quelconques excuses et sans préciser non plus que les suppositions du ministre allemand étaient dénuées de tout fondement.

Le 13 août 2014, reprenant une analyse du quotidien Nezavissimaïa Gazeta, l’agence de presse russe  Ria Novosti, avait également dénoncé à son tour le fait que les terroristes de EI bénéficient en réalité d’un soutien financier, matériel et militaire pratiquement illimité du Qatar, et indirectement des États-Unis et de l’UE.

Après avoir rappelé que « les organisations terroristes islamistes, comme Al-Qaïda ou les talibans, ont été créés par la CIA, le Pentagone et le département d’État », les médias russes soulignaient ainsi ,  « qu’avec le consentement silencieux, voire parfois le soutien direct de Washington et de ses alliés occidentaux et régionaux, le terrorisme international se répand sur la planète, représentant une menace toujours plus importante pour l’humanité. »

Lors du sommet du G20, qui s’est tenu du 14 au 16 novembre 2015  en Turquie, soit le lendemain des attentats perpétrés à Paris, le président russe Vladimir Poutine a souligné que la Russie avait présenté des exemples de financement des terroristes par des personnes physiques venant de 40 pays, y compris des pays-membres du G20.
Lors du sommet «j’ai donné des exemples basées sur nos données du financement de Daesh par des individus privés. Cet argent vient de 40 pays, parmi lesquels participent des pays-membres du G20», avait ainsi précisé Vladimir Poutine. Lequel avait également évoqué la nécessité urgente d’empêcher la vente illégale de pétrole, laquelle rentre pour une bonne part dans le financement de Daesh comme nous l’indiquions dans un précédent article.

Au final, si l’« État islamique » et les terroristes d’Al Nosra-Al Qaïda sont officiellement combattus, de plus en plus d’éléments laissent à croire qu’ils sont en réalité soutenus discrètement, par Washington et ses vassaux.

Certains se sont étonnés que les « frappes aériennes » occidentales contre ces mouvements aient obtenu si peu de résultats durant plusieurs semestres, alors qu’elles étaient venus à bout de l’armada irakienne de Saddam Hussein en 3 semaines. Rappelons ainsi que la guerre contre l’Irak a été déclarée par George W. Bush le 20 mars 2003 et que Bagdad est tombée le 12 avril de la même année.

Sources : Reuters, AFP

Elisabeth Studer – 19 septembre 2017 – www.leblogfinance.com

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