Marchés américains : POINT HEBDO-Les marchés refusent obstinément d’envisager le pire

(Répétition sans changement d’une dépêche transmise vendredi)

par Patrick Vignal

PARIS, 13 janvier (Reuters) – Les investisseurs célébraient tranquillement le recul des risques liés à l’affrontement commercial USA-Chine et au Brexit lorsqu’un autre front s’est ouvert au Moyen-Orient, ramenant de la volatilité sans toutefois provoquer de séisme sur les marchés financiers.

Même les déclarations, jeudi, du Premier ministre canadien Justin Trudeau affirmant que l’avion de ligne ukrainien qui s’était écrasé la veille près de Téhéran, tuant les 176 personnes à son bord, avait probablement été abattu par un missile iranien n’ont pas réussi à semer la panique.

L’accident, attribué pour l’instant par les autorités iraniennes à un problème technique, s’est produit quelques heures seulement après des tirs de missiles de l’armée iranienne sur des bases militaires abritant des soldats américains en Irak, en représailles à l’assassinat ciblé du général Qassem Soleimani, l’un des personnages les plus influents de la République islamique.

Sur les marchés, le tout a certes provoqué un bref repli vers les valeurs refuges et une éphémère flambée des cours du brut mais rien de plus.

Comme ils l’ont fait pour le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine mais aussi pour le Brexit, les investisseurs s’obstinent à écarter le scénario du pire.

« C’est un peu étrange mais c’est logique lorsque l’on considère la psychologie actuelle des marchés », explique Vincent Mortier, directeur adjoint de la gestion chez Amundi.

TANT QUE LA MUSIQUE JOUE

Cette psychologie repose sur l’hypothèse de la prolongation du cycle économique et sur la conviction que l’environnement demeurera favorable aux actifs risqués, grâce notamment à la promesse des grandes banques centrales de demeurer extrêmement accommodantes.

« Personne ne veut manquer la dernière jambe haussière », ajoute Vincent Mortier avant d’évoquer une thèse en circulation, qu’il dit ne pas partager, envisageant un cycle « éternel » de croissance faible mais sans récession.

L’optimisme surprenant des marchés rappelle la phrase célèbre de Chuck Prince, alors patron de Citigroup, qui avait déclaré en 2007, soit aux prémices de la grande crise financière, qu’il fallait continuer de danser tant que la musique jouait.

L’heure n’est sans doute pas aussi grave: les fondamentaux économiques demeurent solides, en particulier aux Etats-Unis, Pékin et Washington devraient signer mercredi un accord commercial partiel et la perspective d’un Brexit sans accord paraît s’éloigner, à quelques jours de la date officielle du divorce entre Londres et Bruxelles.

Au Moyen-Orient, la tension reste vive mais, là aussi, le pire pourrait être évité. C’est en tout cas ce que veulent penser les marchés.

Aucune des deux parties n’a intérêt à une guerre ouverte, font valoir les stratèges d’UBS, confortés par les déclarations des deux camps, qui semblent vouloir éviter la surenchère.

« Dans notre scénario de base qui exclut une escalade militaire, l’impact sur les économies et les bénéfices à l’échelle mondiale devrait être mineur », écrivent-ils dans une note.

ATTENTION AUX MAUVAISES SURPRISES SUR LES RÉSULTATS

C’est dans ce contexte que débute une nouvelle saison de résultats trimestriels d’entreprises, JPMorgan, Citigroup et Wells Fargo ouvrant le bal dès mardi.

Les bénéfices des sociétés du S&P-500 au quatrième trimestre 2019 sont attendus en repli de 0,6% en moyenne alors qu’une hausse de 4,1% était anticipée début octobre, selon les données I/B/E/S de Refinitiv.

Pour les entreprises du Stoxx 600 européen, les profits sont attendus en hausse de 2,5%, contre une progression de 5,5% prévue début novembre.

La révision à la baisse des consensus est monnaie courante mais une surprise négative pourrait rendre les investisseurs moins confiants pour l’avenir, notamment aux Etats-Unis, où certaines valorisations sont extrêmement tendues.

Du côté de la conjoncture, l’économie américaine continue de donner des gages de solidité et si les créations d’emplois ont ralenti plus que prévu en décembre, le taux de chômage s’est maintenu, à 3,5%, à un creux de près de 50 ans.

Tout n’est pas rose pour autant avec un secteur manufacturier qui souffre dans les économies développées mais aussi en Chine, où les chiffres du produit intérieur brut au quatrième trimestre, qui tomberont vendredi prochain, pourraient confirmer un ralentissement de la croissance.

Quant au risque politique, il ne va pas disparaître mais les marchés semblent s’y être habitués, souligne Monica Defend, responsable de la recherche économique chez Amundi.

« Les risques politiques apparaissent gérables, avec des pics de volatilité à prévoir en cas d’attentes mal placées des marchés », a-t-elle dit.

Voir aussi :

LE POINT sur les perspectives de marché 2020 des gérants et analystes

(édité par Marc Angrand)


Investir – Toute l'info des marchés – Les Echos Bourse