Marchés américains : TESLA INC : MARCHÉS-Un parfum de bulle flotte sur Wall Street

par Thyagaraju Adinarayan, Lewis Krauskopf et John McCrank

LONDRES/NEW YORK, 26 janvier (Reuters) – La frénésie qui règne à Wall Street, illustrée par le comportement de certaines valeurs comme Tesla ou tout récemment GameStop, fait craindre à certains un risque de bulle, même si tous les intervenants de marché ne partagent pas ce sentiment.

Une liquidité abondante, des taux extrêmement bas et le lancement des campagnes de vaccination contre le COVID-19 ont provoqué une ruée sur les actions mondiales, dont la valorisation a grimpé de 33.000 milliards de dollars depuis le creux de mars dernier.

L’incandescence des marchés d’actions, avec la montée en flèche d’entreprises perdant de l’argent, et l’afflux d’investisseurs amateurs alimentent la peur d’un accident provoquant le retournement du marché, en sachant que le S&P 500 , indice de référence des gérants américains, a pris plus de 70% depuis le mois de mars.

La forte présence d’investisseurs particuliers attirés par la perspective de gains rapides ne fait qu’amplifier la hausse des cours.

« Pour les investisseurs particuliers, le signal d’alerte est de savoir si, en négociant une action, ils prennent plus de risques que lors d’une activité normale », dit JJ Kinahan, responsable de la stratégie de marché chez TD Ameritrade. « Or ceci n’est pas une activité normale. »

A titre d’exemple, les investisseurs pointent le distributeur de jeux vidéo GameStop, pourtant de santé fragile, dont l’action, après avoir flambé de près de 250% depuis le début de l’année, a soudainement doublé de valeur lundi avant de réduire ses gains.

Des vendeurs à découvert ont rapidement racheté l’action pour se protéger contre des pertes potentielles et les investisseurs particuliers ont pris leur bénéfice en masse pour profiter de la hausse, expliquent des traders.

« Les investisseurs particuliers ont joué un rôle important dans l’histoire », explique Christopher Murphy, coresponsable des stratégies de dérivés chez Susquehanna Financial Group.

DES ANOMALIES SUR LES PLATEFORMES

Peu après le début de la séance, des utilisateurs de plates-formes de trading comme celles de Charles Schwab ou Robinhood ont fat était d’anomalies de fonctionnement, selon le site spécialisé Downdetector.com.

Ces problèmes techniques ne sont que les derniers en date d’une longue série pour les sociétés de courtage dédiées aux particuliers, qui ont vu leurs volumes d’activité exploser depuis un an.

L’euphorie est également perceptible sur l’indice américain de petites valeurs Russell 2000, dont les composants accusant une perte d’exploitation ont surperformé l’indice dans son ensemble de près de 50% sur l’année écoulée, selon une analyse de données de Refinitiv effectuée par Reuters.

« Certaines poches du marché ont récemment témoigné d’un comportement des investisseurs évoquant une situation de bulle », lit-on dans une note de Goldman Sachs.

La surperformance des entreprises déficitaires est cependant loin de celle de 140 points de base observée lors de l’explosion des valeurs internet en 1999-2000 et elle se rapproche davantage de celle constatée après la crise financière de 2008, soulignent les analystes de la banque d’affaires.

« Vous n’avez pas besoin d’avoir autant d’écume qu’en 1999-2000 pour voir les marchés baisser significativement », prévient cependant Matt Maley, stratégiste de marché chez Millet Tabak.

Les investisseurs inquiets de voir des « bulles » éclater pointent du doigt des titres comme Tesla, dont la valeur a été multipliée par huit depuis un an.

Ils évoquent aussi le cas de BlackBerry, dont l’action a bondi lundi sans que l’entreprise soit capable de fournir une explication.

« LES BULLES NE SONT PAS FRAGILES »

Les volumes d’options d’achats ont atteint un pic depuis trois mois, notamment sur des capitalisations modestes comme Fubotv, GameStop et Riot Blockchain, lit-on dans une note de recherche de Deutsche Bank.

Dans une enquête réalisées récemment par la banque allemande, 90% des investisseurs interrogés ont dit voir des risques de « bulle » à certains endroits du marché, une majorité disant s’attendre voir la valorisation de Tesla chuter de moitié avant fin 2021.

Certaines banques ne partagent pourtant pas ces inquiétudes.

« Tout le monde parle de bulles mais même les indices actions les plus explosifs sont très loin des performances observées lors de bulles précédentes », dit ainsi Robert Buckland, stratégiste actions chez Citi.

Le S&P 500 se traite actuellement à 22 fois les bénéfices attendus sur les 12 prochains mois, contre 25 fois avant l’éclatement de la bulle internet, souligne-t-il.

Parmi les principaux facteurs de risque, certains citent un possible retrait par la Réserve fédérale d’une partie de son soutien dans le courant de l’année.

Robert Buckland ne voit pas cependant de menace imminente planer sur les marchés d’actions.

« Les bulles sur les actions ne sont pas fragiles », dit-il. « Elles n’éclatent pas au premier signe de resserrement de la part des banques centrales ».

(Avec April Joyner, version française Patrick Vignal, édité par Marc Angrand)

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