Marchés américains : Une enveloppe, un taxi… une carrière est finie chez Deutsche Bank

(Actualisé avec New York)

par Sumeet Chatterjee et Navdeep Yadav

HONG KONG/LONDRES, 8 juillet (Reuters) – Convoqués par leur direction des ressources humaines pour recevoir une enveloppe, de nombreux salariés de Deutsche Bank à travers le monde ont ensuite quitté définitivement leur bureau lundi, quelques heures seulement après l’officialisation de la restructuration de la première banque d’Allemagne.

Le groupe bancaire allemand a annoncé dimanche qu’il allait supprimer 18.000 emplois, renoncer à son activité sur les marchés actions et réduire ses opérations dans la banque d’investissement et sur le marché obligataire. Cette restructuration lui coûtera 7,4 milliards d’euros.

Les employés de sa division marchés actions à Sydney et à Hong Kong ont été parmi les premiers à être informés de leur départ.

« Si vous avez un travail pour moi, faites-le moi savoir », a lancé un banquier en sortant de ses bureaux à Hong Kong.

Trois autres ont fait une photo de leur petit groupe devant l’enseigne de Deutsche Bank, se sont embrassés puis ont hélé un taxi.

« Ils vous donnent ce paquet et vous sortez du bâtiment », a dit un trader actions licencié. « Le marché actions n’est pas si formidable et je ne trouverai peut-être pas un emploi similaire, mais je dois y faire face », a déclaré un autre.

Certains postes seront supprimés immédiatement tandis que des salariés resteront plus longtemps tout en participant à la réduction des activités.

ENTRETIENS INDIVIDUELS À LA CAFÉTÉRIA À WALL STREET

Quelques heures après le départ du personnel licencié à Hong Kong, des salariés ont été vus quittant les bureaux de Deutsche Bank avec des enveloppes similaires à Londres, ville qui, avec New York, devrait subir l’essentiel des compressions de personnel.

« J’ai été congédié ce matin, la réunion a été très rapide, et c’est tout », a déclaré un informaticien, sorti alors que le président du directoire de Deutsche Bank, Christian Sewing, était à l’intérieur du bâtiment en téléconférence de presse.

Peu de personnes acceptaient de s’exprimer devant les bureaux londoniens de la banque mais les langues se déliaient dans le pub Balls Brothers situé à proximité. « J’ai été licencié, à quel autre endroit pourrais-je aller? », a dit un homme venant de perdre son poste dans la vente d’actions.

A New York, où Deutsche Bank a été l’une des rares banques européennes à maintenir une présence significative après la crise financière de 2007-2009, ce qui a contribué à ses difficultés, plusieurs centaines d’employés ont été convoqués dans la matinée à la cafétéria de l’immeuble de Wall Street abritant le siège des activités américaines du groupe, ont dit des sources internes à Reuters. Lors d’entretiens individuels, des représentants de la direction et des ressources humaines leur ont annoncé leur licenciement et les conditions de leur départ, ont ajouté ces sources.

A l’extérieur du bâtiment, un employé a dit à Reuters que le personnel de la division « equity sales » s’attendait au pire depuis des semaines. « Les gens ont essayé de préparer la suite mais c’est un marché difficile », a déclaré cette personne ayant requis l’anonymat.

ACCÈS AUX SYSTÈMES RETIRÉ

L’emploi dans le secteur des marchés actions traverse une période délicate car celui-ci est toujours aux prises avec une augmentation des coûts due aux nouvelles directives financières européennes.

Les revenus du trading actions pourraient baisser de 7% à 8% cette année, ce qui pèsera sur les embauches, a estimé George Kuznetsov, responsable de la recherche et de l’analyse chez Coalition, spécialisé dans la banque d’investissement.

Les licenciements ne concernent pas que les grands centres financiers.

« La journée a commencé par un coup de fil et une réunion avec la RH. Nous avons été informés que nos emplois étaient supprimés, nous avons reçu nos lettres et environ un mois de salaire et on nous a demandé de partir. On nous a retiré l’accès aux systèmes, on ne peut plus s’y connecter et on nous a demandé de quitter les lieux avant 07h30 GMT », a dit un employé de Deutsche Bank à Bangalore. « L’ambiance est plutôt au désespoir à l’heure actuelle, en particulier chez les personnes qui vivent seules ou qui ont de lourdes charges financières, comme des emprunts à payer. »

Les porte-parole de Deutsche à Hong Kong et à Londres n’ont pas souhaité faire de commentaire sur les départs mais ont déclaré que le groupe essaierait d’aider les personnes licenciées.

Parmi les salariés de Deutsche Bank épargnés par les suppressions de postes, l’heure est à un certain soulagement mais aussi à de grands doutes quant à l’avenir.

« La plus grande question qui se pose à nous est de savoir où nous allons maintenant si nous n’offrons pas toute la gamme de produits. Les clients resteront-ils chez nous ou est-ce que la partie est finie ? », s’est interrogé un banquier de Singapour ayant conservé son emploi. (Avec Paulina Duran à Sydney, Anshuman Daga à Singapour, Nupur Anand à Mumbai, Nafisa el Tahir à Dubai, Iain Withers et Clara Denina à Londres, Danilo Masoni à Milan, Matt Scuffham, Lauren LaCapra et Elizabeth Dilts à New York Dominique Rodriguez pour le service français, édité par Bertrand Boucey)


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