Migrants syriens : nouvelle arme de déstabilisation massive entre Maroc et Algérie ?

Vives tensions entre le Maroc et l’Algérie. Alors que la frontière terrestre entre les deux pays est fermée depuis 1994, Rabat accuse Alger d’avoir expulsé vers sa frontière un groupe de 55 Syriens, dont des femmes et des enfants « dans une situation très vulnérable ». Selon les autorités marocaines, le gouvernement algérien aurait agi de la sorte en vue de « semer le trouble » sur la frontière et « générer un flux migratoire incontrôlable ». Quand les migrants deviennent une arme … si ce n’était déjà fait.

Selon un communiqué du ministère de l’Intérieur marocain publié vendredi soir, les Syriens auraient été « expulsés » par l’Algérie dans la zone frontalière maroco-algérienne, près de la ville de Figuig, en désaccord par rapport aux « règles de bon voisinage prônées par le Maroc« . Selon Rabat, les autorités algériennes ont « autorisé » les Syriens à atteindre la zone frontalière. Ces derniers, répartis « en plusieurs groupes depuis la nuit du 17 avril », ont par la suite étaient « encerclés » pour les forcer à quitter le territoire algérien. Les autorités marocaines « dénoncent les comportements inhumains des autorités algériennes à l’encontre de ces immigrants ». Elles s’alarment tout particulièrement du sort de « femmes et d’enfants dans une situation très vulnérable » qui ont été forcés d’effectuer ce périple à travers un « relief accidenté » et une « forte chaleur ». De source associative à Figuig, samedi, les migrants syriens étaient toujours coincés dans un no man’s land entre les deux pays, sans accès à de l’eau ou de la nourriture.

Dans un communiqué publié samedi soir, le ministère marocain des Affaires étrangères a « exprimé sa profonde préoccupation », indiquant avoir « fait part à l’ambassadeur d’Algérie à Rabat des témoignages et des photos attestant irréfutablement que ces personnes ont traversé le territoire algérien avant de tenter d’accéder au Maroc » avec l’assentiment des autorités algériennes.

La diplomatie marocaine indique par ailleurs que l’Algérie doit assumer sa responsabilité politique et morale à l’égard de cette situation », jugeant « immoral et contraire à l’éthique de manipuler la détresse morale et physique de ces personnes, pour semer le trouble au niveau des frontières maroco-algériennes ». Selon elle, « le drame humanitaire que vivent ces populations syriennes ne devrait pas constituer un élément de pression ou de chantage ». Le ministère marocain des Affaires étrangères estime par ailleurs que de telles pratiques n’ont pour objectif que de susciter un effet d’appel et générer un flux migratoire massif et incontrôlable vers le Maroc.

Mi-mars, déjà, une association marocaine de défense des migrants, le GADEM, s’était inquiété du sort d’une trentaine de migrants sub-sahariens arrêtés au Maroc puis bloqués dans le no man’s land entre les deux pays, après avoir été refoulés des deux côtés.

Les agressions verbales du Maroc à l’encontre de l’Algérie se multiplient ces derniers temps. Il y a quelques jours à peine, Abdelhak El Khiame, le directeur du Bureau central d’investigation judiciaire (BCIJ), le service antiterroriste marocain, accusait ainsi l’Algérie de refuser de coopérer avec son pays dans la lutte contre le terrorisme. Affirmant parallèlement qu’une centaine de « séparatistes » sahraouis se trouvant à Tindouf auraient rejoint l’État islamique (Daesh).

En retour, l’Algérie a rejette catégoriquement dimanche les accusations formulées par les autorités marocaines lui faisant porter la responsabilité d’une expulsion de ressortissants syriens vers le territoire marocain. Dans un communiqué de presse, le ministère des Affaires étrangères a indiqué avoir convoqué ce dimanche 23 avril 2017 l’Ambassadeur du Maroc, afin de lui signifier le rejet catégorique des « allégations mensongères » et lui démontrer le caractère « totalement infondé » de telles accusations.

La diplomatie algérienne a dit par ailleurs regretter que le Royaume chérifien veuille, par de telles accusations, « nuire à l’Algérie » et lui imputer « des pratiques étrangères à son éthique et ses traditions d’hospitalité bien établies ».

Le même département a également pointé du doigt « cette propension des autorités marocaines à surabondamment exploiter des drames humains à des fins de propagande hostile ».

Le Ministère des Affaires étrangères a souhaité dans le même communiqué donné sa version des faits. « Des autorités algériennes compétentes ont constaté à Béni-Ounif (Béchar), mercredi 19 avril 2017, à 3H55 minutes, une tentative d’expulsion vers le territoire algérien, en provenance du territoire marocain, de 13 personnes, dont des femmes et des enfants », indique-t-il. Selon la même source, au cours de la même journée, « à 17H30, il a été constaté, à ce même poste frontalier, l’acheminement par un convoi officiel d’autorités marocaines de 39 autres personnes, dont des femmes et des enfants, en vue de les introduire illégalement en territoire algérien ». Une version confirmée par l’Association marocaine des Droits humains.

L’ONG a également dénoncé le « traitement que ces réfugiés syriens subissaient depuis plusieurs jours de la part des forces de l’ordre marocaines, avant d’être poussés ce mercredi dernier à entrer illégalement en Algérie ».

Le ministère des Affaires étrangères a également dénoncé des « faits illégaux similaires venant s’ajouter de manière récurrente » à l’expulsion de citoyens syriens » vers le territoire algérien, affectant notamment les ressortissants de pays subsahariens.

La diplomatie algérienne a par ailleurs affirmé que « l’Algérie n’a jamais failli à son devoir de solidarité fraternelle vis-à-vis de ressortissants syriens, dont pas moins de 40.000 bénéficient d’un dispositif leur assurant des facilités en matière de séjour, de scolarisation, d’accès aux soins médicaux et au logement ainsi que l’exercice d’activités commerciales » dans le territoire algérien.

« Ces exercices de dénonciation outrancière et outrageante » auxquels se sont livrés « deux départements ministériels marocains » à l’égard de l’Algérie  » (…) relèvent d’une stratégie de la tension qui se situe aux antipodes des exigences du bon voisinage entre les deux pays », conclue enfin le ministère dans son communiqué.

Pour rappel, en 2013, le Maroc a adopté une nouvelle politique migratoire. En décembre dernier, il a lancé une deuxième campagne de régularisation d’immigrants clandestins, pour la plupart subsahariens.

Les autorités marocaines mettent en avant régulièrement le caractère « humain et généreux » de cette politique, qui selon elles contrastent avec la politique migratoire de l’Alégrie.

Sources : AFP, Huffpost, TSA

Elisabeth Studer – 23 avril 2017 – www.leblogfinance.com

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