Norvège/prospection pétrolière Arctique : Greenpeace et une ONG portent plainte

Alors que l’histoire de l’Odyssée de Jacques-Yves Cousteau vient de sortir sur les écrans, nous rappelant les liens entre grands fonds et prospection pétrolière ainsi que l’intérêt de terres comme Arctique ou Antarctique pour les majors des hydrocarbures, des organisations de défense de l’environnement viennent de porter plainte contre la Norvège. Objectif : protester contre l’autorisation de la prospection pétrolière dans les eaux arctiques de la mer de Barents et obtenir juridiquement gain de cause.

La guerre du pétrole en Arctique et Antarctique ne fait que commencer. Merci au film l’Odyssée de remettre au grand jour (pour ceux qui ont le courage de lire le texte qui défile à la fin du film ) le moratoire concernant le continent Antarctique y empêchant toute activité jusqu’en 2048, contrairement à l’océan Arctique. Et de rappeler que c’est l’industrie pétrolière elle-même qui a financé les besoins du Commandant Cousteau en hydrocarbures … en échange de prospections certes animalières mais aussi pétrolières.

Reste aussi que 2048, c’est demain pour les majors pétrolières.

L’ONG norvégienne Natur og Ungdom (Nature et Jeunesse) ainsi que Greenpeace estiment en effet que le gouvernement norvégien a tant violé l’Accord de Paris sur le climat que la Constitution norvégienne en attribuant de nouvelles licences d’exploration dans l’Arctique.

« Nous ferons valoir que le gouvernement norvégien a une obligation de tenir ses promesses climatiques et nous invoquerons le droit du peuple à un environnement sain pour notre génération et les suivantes garanti par l’article 112 de la Constitution norvégienne », a déclaré Ingrid Skjoldvaer, porte-parole de Natur og Ungdom, dans un communiqué commun des deux ONG. Ajoutant : « ce sera la population contre le pétrole de l’Arctique ».

Alors que les revenus pétroliers de la Norvège  chutent un peu plus chaque jour, le pays a attribué en mai dernier dix licences (couvrant au total 40 blocs) à 13 groupes pétroliers. Figurent parmi eux le géant norvégien Statoil, les américains Chevron et ConocoPhillips, l’allemand DEA, le japonais Idemitsu, le britannique Centrica, le suédois Lundin, l’autrichien OMV et le russe Lukoil.

Si depuis 1994 le pays scandinave n’avait ouvert aucune nouvelle région à l’industrie d’hydrocarbures, la baisse de sa production pétrolière – laquelle a été divisée de moitié depuis 2000 – et la faiblesse du cours du baril auront certainement fait pencher la balance, les revenus de l’Etat diminuant en fonction du contexte actuel. Le ministre norvégien du Pétrole et de l’Énergie, Tord Lien, avait quant à lui indiqué dans un communiqué que l’opération « contribuera à l’emploi, à la croissance et à la création de valeur en Norvège. » …. Vaste sujet

A noter que trois des dix licences couvrant au total 40 blocs sont situées à proximité immédiate de la frontière maritime de la Russie, dans une zone que les deux pays se sont disputée à maintes reprises jusqu’à la conclusion d’un accord en 2010.  Le géant pétrolier norvégien Statoil s’est vu accorder la licence d’exploitation de deux d’entre elles, dont l’une couvre les blocs les plus septentrionaux jamais ouverts à la prospection en Norvège. La troisième a été confiée à un autre groupe norvégien, Det norske, assortie d’une participation conséquente du russe Loukoil.

Statoil a déclaré pour sa part envisager de commencer les forages dès l’année prochaine. « Si nous trouvons quelque chose, cela pourrait impliquer des ressources considérables », avait souligné en mai dernier un haut responsable du groupe, Jez Averty, dans un communiqué.

Alors que l’une de ces zones est la plus septentrionale jamais ouverte à la prospection par la Norvège, les ONG s’inquiètent de sa proximité avec les limites de la banquise, barrières naturelles elles aussi sujet à discussion, comme on devait s’y attendre.

Les défenseurs de l’environnement s’interrogent sur la politique menée par la Norvège avait été l’un des premiers pays à ratifier l’Accord de Paris qui a pour ambition de limiter en dessous de 2°C, voire à 1,5°C, la hausse des températures mondiales.

« Signer un accord international sur le climat tout en permettant des forages pétroliers dans l’Arctique est un acte dangereux d’hypocrisie », a ainsi estimé Truls Gulowsen, responsable de Greenpeace Norvège.

« Nous ne pouvons risquer un Deepwater Horizon en mer de Barents, une région à l’écosystème riche mais fragile », avait-il déjà déclaré en mai dernier, faisant référence à l’accident d’une plate-forme qui avait tué 11 personnes et provoqué une gigantesque marée noire en 2010 dans le Golfe du Mexique. « A Paris, les dirigeants du monde entier se sont engagés à maintenir la hausse des températures sous 1,5 degré », avait-t-il ajouté. Poursuivant : « si l’on veut atteindre cet objectif » fixé dans le cadre de la COP21, « on ne peut chercher du pétrole et du gaz naturel dans l’Arctique. »

Hors des glaces grâce aux influences du Gulf Stream, les eaux ouvertes à la prospection, en particulier celles proches de la Russie, sont considérées comme offrant de larges potentiels par l’industrie pétrolière, permettant l’accès à de nouvelles ressources alors que la production terrestre ne cesse de décliner depuis le pic atteint en 2000.

Le gâteau semble trop alléchant pour que pays et majors pétrolières puissent y résister …
Rappelons ainsi que le Grand Nord ou Arctique est un territoire de plus de 21 millions de kilomètres carrés, composé au deux tiers de l’océan Glacial d’une superficie de 13 millions de kilomètres carrés, et d’une profondeur de plus de 4 000 mètres. Cet océan est en grande partie gelé en permanence sous forme de banquise. 4 millions d’habitants y résideraient.

Alors que Etats-Unis, Canada, Norvège, Russie et Danemark sont les cinq états riverains de l’océan Arctique, la zone s’avère pleine de ressources. Si pendant longtemps, elle a seulement été exploitée sur des bassins anciens, l’épuisement des gisements mondiaux rendent l’Arctique beaucoup plus attractive… D’autant plus 23 % du PIB de l’Arctique provient du secteur pétrolier. La mer de Barents renfermerait 400 millions de tonnes de pétrole, le Bassin Timan-Petchora étant quant à lui susceptible de renfermer 700 autres tonnes, sans compter le plus important gisement, exploité par Total, au niveau de Khariaga. La zone est également source de gaz. Le territoire russe serait doté d’une trentaine de milliard de mètres cubes exploitable.

Sources : AFP, Statoil, Notreplanete, La Croix

Elisabeth Studer – 17 octobre 2016 – www.leblogfinance.com

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