Pétrole: après la chute, le rebond est attendu en 2019

Alors que certains prédisaient cet automne qu’il franchirait sans tarder le seuil symbolique des 100 dollars, le baril de pétrole a connu une chute vertigineuse. Le WTI (référence américaine) qui se situait en octobre à 76 dollars a ainsi dégringolé vers les 50 dollars – il évoluait mercredi 9 janvier à 51 dollars. Quant au pétrole européen (Brent), il a connu un krach tout aussi sévère en perdant, en presque trois mois, près de 30% de sa valeur – il s’échangeait hier soir à 61 dollars le baril. 

Un effondrement qui tient à trois facteurs : la hausse de la production pétrolière de l’Arabie saoudite, qui a notamment entendu les appels répétés de Donald Trump à faire baisser les cours ; le boom du pétrole de schiste américain dont la production atteint chaque mois un niveau record ; et l’assouplissement des sanctions américaines contre l’Iran qui peut continuer d’exporter une grande partie de son brut. « Ces facteurs ont poussé les prix à la baisse et l’excédent mondial de pétrole, qui était en train de se résorber, s’est de nouveau creusé », analyse Olivier Rech, ancien expert des « perspectives pétrolières » à l’Agence internationale de l’énergie (AIE) de 2006 à 2009.

Rebond en 2019

Mais pour 2019, la plupart des experts du secteur prédisent un rebond du marché. Commerzbank table par exemple sur une remontée des prix d’environ 12 dollars. Quant à Goldman Sachs, la banque américaine annonçait ces dernières semaines un rebond d’à peu près 10 dollars. Seulement dans une note publiée le 6 janvier, la banque d’affaires a revu en nette baisse ses prévisions pour 2019. Elle s’attend à ce que le Brent s’échange en moyenne à 62,50 dollars cette année, contre 70 dollars auparavant. Par rapport au cours actuel, cela implique un potentiel de hausse assez limité, de 9%. De son côté, le WTI devrait valoir en moyenne 55,50 dollars en 2019 contre 64,50 dollars attendu jusqu’ici, soit un potentiel haussier de l’ordre de 14%.

« Nous pensons que le marché pétrolier s’équilibrera à un coût marginal inférieur (à nos précédentes prévisions, Ndlr), compte tenu des facteurs suivants : stocks élevés en début d’année, poursuite de la croissance de la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis avec peu d’inflation des coûts, attentes d’une croissance plus faible que prévu et hausse des capacités de production à bas coûts », écrivent notamment les analystes de Goldman Sachs. Parmi les autres experts du secteur, ceux de la Société Générale ont également abaissé leurs prévisions de prix de 9 dollars par baril, pour revenir à 64,25 dollars pour le Brent et à 57,25 dollars pour le WTI, ce qui offre un potentiel de rebond un peu supérieur à celui envisagé par Goldman Sachs. 

Des investissements insuffisants

Mais à plus long terme, un certain nombre de spécialistes s’accordent à dire que les prix pourraient connaître une hausse bien plus forte. « Un retour des cours à hauteur des 80-85 voire même 100 dollars pour fin 2019-début 2020 est tout à fait envisageable, observe Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI AM. Les cours vont logiquement être dopés par la baisse de la production de 1,2 million de barils par jour décidée par l’organisation des pays exportateurs de pétrole et la Russie en décembre. A cela s’ajoutent des difficultés de production de plus en plus fortes en Libye et au Canada qui devraient aussi booster les cours ».

Et ce n’est pas tout. Comme l’a annoncé l’AIE, dans son rapport annuel sur les perspectives du marché en novembre, l’insuffisance des investissements dans la production pétrolière pourrait aussi entraîner un déséquilibre du marché mondial à moyen terme et donc favoriser une hausse des prix. Pour maintenir la production à son niveau actuel, les pétroliers doivent investir 630 milliards de dollars par an. Or en 2015, ils ont dépensé 450 milliards de dollars, moins de 400 en 2016 et pour 2017 et 2018 ces investissements se chiffrent à 450 milliards de dollars. « On se dirige vers une situation où l’on manquera de pétrole dans les prochaines années, poursuit Benjamin Louvet. Les investissements pétroliers sont de plus en plus faibles et dessinent le scénario d’un déficit d’offre ces prochaines années ». 

Cette faiblesse des investissements pétroliers se heurte aussi aux lois de la physique. Dans les gisements conventionnels arrivés à maturité, la déplétion naturelle est de 5 % par an si l’on n’y investit pas pour en maintenir au moins le niveau de production. Selon  l’AIE, le pétrole de schiste américain aura également du mal à combler ce manque. Le shale souffre en effet d’une faiblesse structurelle : contrairement aux hydrocarbures traditionnels, les puits de pétrole de schiste sont éphémères, chaque gisement contenant une quantité limitée d’hydrocarbures. Selon les spécialistes, au bout de dix-huit mois ces derniers perdent 70% de leur productivité et leur durée de vie est d’environ cinq ans. Un ensemble de facteurs qui font craindre à l’AIE un effondrement de la production de pétrole en 2025.

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