Portugal : coupes sombres dans les retraites des fonctionnaires

Il ne fait pas bon être fonctionnaire au Portugal … Se rapprochant des mesures drastiques mises en place en Grèce en vue de répondre aux exigences du FMI (Fonds Monétaire International), de la BCE (Banque centrale européenne) et de l’Union européenne, le gouvernement portugais a adopté jeudi en conseil des ministres des mesures impliquant de rogner de près de 10% le montant des retraites des fonctionnaires. Conditions « d’éligibilité » : que la personne perçoive une pension mensuelle supérieure à 600 euros ; on est loin des grandes fortunes … Selon Helder Rosalino, secrétaire d’Etat à l’Administration publique, deux tiers des 468.000 fonctionnaires à la retraite seraient ainsi concernés.

Arguments invoqués par le gouvernement pour tenter de limiter la grogne des syndicats : rétablir le « principe d’équité » entre les fonctionnaires et les salariés du privé.
Reste que ce projet de loi est inclus dans la réforme de l’Etat que le Portugal se doit de soumettre à ses créanciers, l’objectif global étant de réduire les dépenses publiques de 4,7 milliards d’euros d’ici à fin 2014. La pression s’exerçant sur le gouvernement portugais étant officiellement justifiée  par l’octroi d’un prêt de 78 milliards d’euros en mai 2011 par la BCE, le FMI et l’UE.
Les mesures annoncées devraient permettre de réduire de 1,1 milliard d’euros le déficit de la Caisse de retraite des fonctionnaires, lequel s’élève actuellement à 4,4 milliards d’euros.
Fin août, la Cour constitutionnelle a censuré pour sa part une mesure visant à licencier des fonctionnaires sans affectation. Décision obligeant le gouvernement à mettre de l’eau dans son vin, sans toutefois renoncer totalement.
C’est ainsi que selon le nouveau projet de loi, les fonctionnaires en disponibilité recevront 60% de leur salaire pendant douze mois, puis 40% « pendant une période indéterminée ». S’ils ne pourront plus être congédiés, la baisse de leurs revenus est plus conséquente que celle prévue initialement.

A noter que l’Etat projette par ailleurs de supprimer à terme près de 30.000 postes de fonctionnaires sur les 575.000 comptabilisés fin juin.
Depuis 2005, 173.000 postes ont d’ores et déjà été détruits dans la fonction publique. De quoi ouvrir la voie à des privatisations et à la reprise de l’activité  par des entreprises privées ? Qui sait … depuis quelques mois, les patients du service public de santé ont progressivement changé de statuts, passant de « doentes » (« malades ») à des « clientes » (« clients »). Tout un symbole …

Rappelons également qu’à la fin juillet, le Portugal a lancé le processus de privatisation de la Poste (CTT). Opération mise en œuvre dans le cadre du plan de sauvetage négocié il y a deux ans avec ses créanciers internationaux.  Le porte-parole du gouvernement, Luis Marques Guedes, avait alors indiqué que cette opération se ferait via le biais de négociations directes « avec un ou plusieurs investisseurs de référence ».
Manuel Rodrigues, secrétaire d’Etat aux Finances avait indiqué pour sa part que jusqu’à 100% du capital de la poste pourrait être cédé, garantissant toutefois « une participation de 5% aux salariés du groupe ».

Le Portugal a d’ores et déjà procédé à plusieurs privatisations depuis l’octroi – sous conditions – d’une aide financière de l’Union européenne et du Fonds monétaire international.  Ainsi, en 2012, l’Etat portugais a cédé le gestionnaire d’aéroports ANA au groupe de BTP français Vinci pour 3,08 milliards d’euros, après avoir vendu des participations dans les groupes électriciens EDP et REN à des investisseurs de Chine et d’Oman.  En mai dernier, le gouvernement portugais a annoncé la privatisation d’ici la fin 2013 de la branche assurance de la banque publique Caixa Geral de Depositos (CGD).  La privatisation de l’audiovisuel public et de la compagnie aérienne TAP Portugal ne sont plus quant à elles à l’ordre du jour.
Au final, la vente de ces actifs a pour but de réduire une dette publique qui dépasse certes les 127% du PIB.

Début juin, si le Fonds monétaire international avait certes congratulé à sa manière le Portugal pour ses efforts réalisés dans la la mise en oeuvre de son plan de sauvetage, il n’en demeurait pas moins inquiet quant à l’état des finances du pays. Considérant que Lisbonne est confrontée à des risques élevés de ne pas atteindre les objectifs qui lui ont été assignés par la troïka.  Cette alerte du FMI intervenait quelques heures à peine après l’approbation du versement d’une nouvelle tranche de 657,47 millions d’euros.

Les risques que le Portugal ne respecte pas « les objectifs de base du programme restent élevés », avait ainsi estimé le FMI dans son rapport sur la septième évaluation des comptes du pays. Une manière d’indiquer au gouvernement portugais que les mesures d’austérité planifiées lui paraissaient insuffisantes, même si le pays semble être sur la « bonne » voie.
Notant « des progrès importants dans la réduction des déséquilibres économiques », le FMI estimait alors toutefois que les perspectives de croissance du pays « demeurent sombres ».
Rappelons que les prévisions officielles du gouvernement portugais tablent sur un recul de la croissance de 2,3% en 2013, un taux de chômage avoisinant 18,2% étant parallèlement attendu.

Sources : AWP, AFP, Reuters
Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com   – 14 septembre 2013


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