Portugal : la vente de Novo Banco à un fonds US attise les critiques du Bloc de gauche

Quand la crise qui sévit actuellement dans l’Union européenne sert les intérêts du secteur financier américain. Après la Grèce, c’est au tour de Portugal de figurer parmi les proies des prédateurs. Les contribuables portugais pouvant alors être pris pour les véritables dindons de la farce. >

Les alliés du gouvernement socialiste du Portugal ont vivement critiqué samedi la vente de la banque de transition Novo Banco, successeur de Banco Espirito Santo (BES), au fonds d’investissement américain Lone Star. Pour rappel, cette dernière a hérité des actifs de BES jugés sains, après la faillite survenue sur fond d’irrégularités comptables.

« Le gouvernement tente d’imposer une solution pour laquelle il n’a pas le soutien de la gauche et qui ne passerait jamais au Parlement », a ainsi dénoncé Catarina Martins, dirigeante du Bloc de gauche, proche du parti espagnol Podemos. Selon elle, l’opération met en jeu des milliards d’euros des contribuables.

La réaction de Catarina Martins intervient à la suite de l’annonce faite vendredi par le Premier ministre portugais Antonio Costa de la cession par l’Etat à Lone Star d’une participation de 75% de Novo Banco. Or, ladite banque avait sauvée de la faillite en 2014 grâce à l’injection de fonds publics de 4,9 milliards d’euros. Lesquels profitent désormais à la finance US. Certes, Lone Star s’est engagé à recapitaliser la banque à hauteur d’un milliard d’euros. Mais ce prix reste nettement en deçà des attentes initiales de l’Etat et des banques portugaises. Déjà présent au Portugal dans l’immobilier, Lone Star injectera dans l’immédiat 750 millions d’euros dans Novo Banco et prévoit de renflouer la banque à hauteur de 250 millions d’euros supplémentaires d’ici à trois ans, précise parallèlement la Banque du Portugal.

Le Bloc de gauche voit d’un très mauvais œil le fait que cette transaction ne permette pas à l’Etat d’en tirer une quelconque recette. A la demande de Lone Star, qui compte se prémunir ainsi contre les risques inhérents à cet investissement, le Portugal ne gardera qu’une part de 25% de Novo Banco, à travers le Fonds de résolution des banques, sans toutefois y disposer d’un siège au conseil d’administration. « Cette vente est une étape importante en vue de la stabilisation du secteur bancaire national, car elle renforce sa crédibilité grâce à la réussite d’un processus de vente ouvert et transparent », a assuré à cette occasion le gouverneur de la Banque du Portugal, Carlos Costa.

Mais, Catarina Martins estime pour sa part que « c’est une erreur de livrer la banque à un fonds vautour sans garder un pouvoir de contrôle ». Face à une telle situation, elle exige que le projet soit soumis au vote du Parlement portugais. « L’Etat utilise une fois de plus l’argent des Portugais pour nettoyer le bilan d’une banque », a déclaré pour sa part Miguel Tiago, député du Parti communiste qui, à l’instar du Bloc de gauche, réclamait la nationalisation de Novo Banco pour empêcher « une vente au rabais » à des « fonds vautours étrangers ».

Après l’injection de fonds publics , les partis de la gauche radicale redoutent désormais que la garantie de 3,9 milliards d’euros donnée par le Fonds de résolution – en vue couvrir de futures pertes liées à la dépréciation d’actifs de Novo Banco – soit au final financée par les contribuables portugais. Le Fonds de résolution, administré par la Banque du Portugal est en effet financé par les banques, grâce à des prêts de l’Etat, mais ces dernières ne devront les rembourser que dans 30 ans. En cas de dégradation des ratios de solvabilité de Novo Banco, le Fonds  devra réaliser des injections de capital.  « Les Portugais vont peut-être récupérer les huit milliards d’euros en jeu, mais seulement dans 80 ans », a ironisé à ce sujet le communiste Miguel Tiago.

Après avoir écarté les offres de deux autres fonds d’investissement américains, Apollo et Centerbridge, fin février la Banque du Portugal avait annoncé l’ouverture de négociations exclusives avec Lone Star.

La date butoir du 31 août 2017 avait été fixée par Bruxelles pour la cession de la banque de transition, premier établissement financier à être vendu selon les nouvelles règles européennes de résolution des crises bancaires.

Un précédent appel d’offres avait échoué en septembre 2015, les trois offres fermes des groupes chinois Anbang et Fosun et de l’américain Apollo ayant été jugées insuffisantes.

Sources : AFP, Reuters

Elisabeth Studer – 1er avril 2017 – www.leblogfinance.com

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