Pourquoi l’assurance-chômage encourage les CDD courts

Depuis quinze ans, le nombre de CDD de courte durée a explosé en France et, dans plus de 70% des cas, il s’agit de réembauches dans la même entreprise. De plus en plus de secteurs recourent à des CDD de moins d’un mois, tels l’hébergement médico-social, le commerce et le textile. Le phénomène frappe de plein fouet la France : 35% des salariés en CDD ont un contrat de moins de trois mois, contre 19% en Italie, 13% au Danemark et 4% en Allemagne. Aux Etats-Unis, la part des embauches sur des jobs de moins de trois mois a même diminué en vingt ans.

Cette dérive est en grande partie liée aux règles de l’assurance-chômage. La possibilité d’alterner allocations et contrats courts existe dans la plupart des pays riches, mais les paramètres choisis en France incitent à l’instabilité des emplois. Exemple : un chômeur qui a travaillé quinze jours à temps plein au smic au cours du dernier mois a droit à une allocation presque deux fois supérieure à celle d’un chômeur qui a travaillé à mi-temps au smic tous les jours du mois. Le premier touchera une indemnité équivalente à 80% du salaire minimum mensuel à temps plein, quand le second en percevra 45%.

Dès lors, les entreprises et les salariés ont tout intérêt à recourir à des contrats fractionnés pour profiter d’un meilleur complément de salaire via l’assurance-chômage. Pas moins de 760.000 personnes cumulent d’ailleurs allocations et revenus d’activité depuis cinq ans en moyenne, alors que le dispositif est conçu comme une transition vers un emploi durable. Quelque 46% des allocataires en activité réduite déclarent ne pas rechercher un autre emploi. C’est une situation typique où ce que les économistes nomment l’ »effet d’enfermement » l’emporte sur l’ »effet tremplin » à cause de règles mal calibrées.

Afin de mettre un terme à ce système qui coûte 4,8 milliards d’euros par an à l’assurance-chômage, nous suggérons avec Corinne Prost [économiste au Crest avec laquelle Pierre Cahuc a publié une note du Conseil d’analyse économique sur le sujet] deux remèdes. Primo, l’allocation chômage doit être calculée en fonction du revenu mensuel et non plus du salaire journalier. Cela évitera l’injustice actuelle entre les différents temps partiels et incitera à la reprise d’un emploi à temps plein.

Secundo, les cotisations des employeurs doivent être alourdies pour les entreprises dont les stratégies de gestion de la main-d’œuvre sont coûteuses pour l’assurance-chômage, et allégées pour les autres qui embauchent davantage en CDI. Un système de bonus-malus qui a fait ses preuves aux Etats-Unis et pénalisera les entreprises qui profitent des failles de l’assurance-chômage tout en favorisant celles qui ont des comportements vertueux. La balle est désormais dans le camp des syndicats et du patronat, qui cogèrent le système.

Challenges en temps réel : Economie