Pourquoi le gouvernement hésite à augmenter la CSG

Augmentera, augmentera pas? Recourir à la CSG pour combler une partie du déficit des retraites apparaît comme une piste « cohérente » pour le gouvernement, mais il devra mettre les formes pour le faire accepter, en plein débat sur un « ras-le-bol » fiscal des Français.

Instaurée en 1991 pour principalement financer l’assurance maladie, la contribution sociale généralisée (CSG) était de 1,1% à sa création. Son taux a progressivement été relevé pour atteindre 7,5% pour les salaires, 6,6% pour les pensions de retraites et 6,2% pour les allocations chômage.

La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, la dernière au sein de l’exécutif à évoquer son éventuelle hausse, a déclaré mardi que cette option avait « sa cohérence ». Tout en précisant que les décisions n’étaient « pas prises ».

De récentes informations de presse, jamais démenties, avaient fait état d’un possible relèvement de 0,2 à 0,5 point, pour combler une partie du déficit des retraites, qui va dépasser les 20 milliards d’euros d’ici à 2020, tous régimes confondus.

Il est vrai que l’augmentation de la CSG permettrait d’approvisionner immédiatement les caisses, à l’inverse des autres mesures à l’étude, comme l’allongement de la durée de cotisation. Une hausse de 0,2 point apporterait 2,4 milliards d’euros, et jusqu’à 6,1 milliards si le gouvernement la relève de 0,5 point.

Mais le Premier ministre, qui reçoit lundi et mardi les partenaires sociaux pour leur présenter les grandes lignes de cette complexe réforme des retraites, devra faire preuve de pédagogie: le patronat et les syndicats ont déjà dit leur opposition à une hausse de la CSG.

« Extraordinairement dangereux politiquement »

« Les recettes de la CSG doivent être attribuées en priorité à la santé et à la perte d’autonomie. Pour les retraites, l’augmentation modérée des cotisations des entreprises et des salariés est plus logique », a dit dans une interview au JDD Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, qui va ouvrir le calendrier des ultimes concertations à Matignon.

La CFTC va aussi faire entendre sa voix. « Lors des premières concertations, cette piste (d’une hausse de la CSG) n’avait pas paru intéresser le gouvernement. Je pense que le Medef a fait pression. Nous ne sommes pas sûrs que ce soit la bonne réponse et sans doute ne l’appuierons-nous pas lundi lorsque nous verrons le gouvernement », a déclaré Pascale Coton, la numéro deux de ce syndicat.

Pourtant, le principal syndicat patronal, qui réclame plutôt une augmentation de la durée des cotisations à 43 ans (contre 41,5 actuellement) et de l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans (contre 62) n’y est pas favorable. « Ce serait une très mauvaise idée d’utiliser les impôts, la CSG, d’augmenter les cotisations sociales ou patronales car on réduirait la compétitivité de nos entreprises », dit Pierre Gattaz, le patron du Medef.

Pour le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, le financement des retraites des métiers pénibles doit passer par « une cotisation employeur » et non par une augmentation de cette contribution.

L’exercice s’avère d’autant plus compliqué pour le gouvernement que le contexte ne s’y prête pas. Le ministre de l’Economie Pierre Moscovici vient lui-même d’évoquer « un ras-le-bol fiscal des Français ». Les prélèvements obligatoires (impôts, cotisations sociales, taxes locales), à 46,3% du produit intérieur brut en 2013, ont atteint un record.

Et la facture devrait s’alourdir avec la hausse de la TVA à partir de janvier et peut-être l’instauration d’une « contribution climat énergie », annoncée à la surprise générale jeudi.

Olli Rehn invite la France à cesser d’augmenter les impôts

Dans les rangs de la majorité, certains font également entendre leur désaccord. Le député PS Jean-Marie Le Guen, spécialiste des questions de santé publique, s’est dit « très réticent ». « C’est extraordinairement dangereux politiquement et socialement de donner priorité aux retraites par rapport à l’assurance maladie ».

Le groupe écologiste à l’Assemblée nationale, le MoDem ou le Parti de gauche sont aussi contre, quand des économistes plaident pour une « pause fiscale ». Bruxelles aussi met son grain de sel. Pour le commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn, la France doit « absolument » éviter d’augmenter les impôts. Si elle devait s’y trouver contrainte, le gouvernement pourrait, « à la rigueur », recourir à une fiscalité écologique.

(Avec AFP)


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