Pourquoi les prix du pétrole ne devraient pas remonter tout de suite

Bonne nouvelle pour les automobilistes! Après le krach du printemps, les stations-service françaises continuent d’afficher des prix stables: 1,19 euro pour le gazole, carburant le plus vendu dans l’Hexagone, et 1,31 euro pour le SP95-E10. Et cela devrait continuer quelques mois encore comme l’a rappelé ces derniers jours le patron de Total, Patrick Pouyanné. « Aujourd’hui, vous avez des stocks pétroliers élevés au niveau mondial et vous avez une demande faible, a-t-il affirmé sur RTL. Cela incite plutôt à ce que le prix reste modéré. (Les consommateurs) devraient bénéficier encore d’un prix de l’essence raisonnable pendant encore au moins une bonne année ».

Sur l’année écoulée, le prix du baril de pétrole est passé de 60 à 40 dollars fortement tiré à la baisse par la pandémie de Covid-19 et une consommation en baisse. Ce lundi 12 octobre, le baril de Brent (référence européenne) s’affichait ainsi à 42 dollars contre 39 dollars pour le pétrole américain (WTI). Selon les données de Carbu.com, le prix moyen du litre de diesel a baissé de 25 centimes, et celui du Sans Plomb 95 de 17,5 centimes en France sur l’année écoulée. Le SP95-E10 a quant à lui connu une baisse de 16,5 centimes. Pour rappel, les prix des carburants à la pompe varient en fonction de plusieurs paramètres comme le cours du baril de pétrole, le taux de change euro-dollar, le niveau des stocks de produits pétroliers et de la demande, ainsi que des taxes.

Chute de la demande

Ces derniers jours les marchés ont aussi été orientés à la baisse en raison de la fin des négociations entre Donald Trump et les démocrates au sujet d’un plan d’aide à l’économie américaine, une décision « qui pèse sur les prix » du brut, a estimé Carsten Fritsch, analyste de Commerzbank. Cette évolution alimente en effet les craintes sur la demande d’or noir. Du côté des analystes, les sentiments sont mitigés. D’un côté la production pâtit depuis plusieurs jours d’un conflit social en Norvège et des possibles dégâts de l’ouragan Delta sur les installations pétrolières situées dans le Golfe du Mexique. De l’autre les exportations en Libye repartent, de même qu’au Venezuela et en Iran selon plusieurs sources, alors que la demande n’arrive déjà pas à absorber l’offre actuelle d’or noir.

Et les prévisions restent sombres. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), qui a présenté, le 8 octobre, son rapport World Oil Outlook 2020, table ainsi sur une chute de la demande de pétrole des pays de l’OCDE de 13 millions de barils par jour d’ici à 2045. La demande de l’Europe, en particulier, baisserait de 4,4 millions de barils par jour entre 2019 et 2045. Toujours selon l’Opep, l’Europe est la seule région du monde où le cartel ne prévoit aucune hausse de capacité du raffinage, voire des fermetures à mesure qu’augmentent les surcapacités et la concurrence de plateformes plus récentes et plus efficaces dans les régions voisines.

Toutefois, comme le rappelle régulièrement l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’insuffisance des investissements dans la production pétrolière pourrait aussi entraîner un déséquilibre du marché mondial à moyen terme et éventuellement favoriser une hausse des prix. Pour maintenir la production à son niveau actuel, les pétroliers doivent investir 630 milliards de dollars par an. Or en 2015, ils ont dépensé 450 milliards de dollars, moins de 400 en 2016 et pour 2017 et 2018 ces investissements se chiffrent à 450 milliards de dollars. « On se dirige vers une situation où l’on manquera de pétrole dans les prochaines années, juge Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI AM. Les investissements pétroliers sont de plus en plus faibles et dessinent le scénario d’un déficit d’offre ces prochaines années ». 

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