Pourquoi l’origine des produits est devenue un enjeu central

Des kiwis vendus comme français… alors qu’ils ont été produits en Italie. L’histoire qui a défrayé la chronique fin mars est loin d’être un événement isolé. Car ce cas de francisation de produits mis en avant par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n’est que le dernier sur lequel la DGCCRF a communiqué. Dans son dernier rapport d’activité, l’organisme évoquait aussi des fûts de miel d’Espagne dont les étiquettes avaient été remplacées pour indiquer une origine France. A l’été, c’était cette fois du vin espagnol vendu comme vin de France qui était signalé. Et une enquête menée en 2017 mettait à jour une pratique de francisation de 500 tonnes de tomates par an… Autant d’exemples qui posent la question de l’origine France des produits, alimentaires bien sûr mais pas seulement.

A l’exception de certains produits alimentaires (fruits et légumes, viande et lait notamment), le marquage de l’origine n’est généralement pas obligatoire mais revendiquer un « Produit français » ou du « Made in France » doit pouvoir se justifier et ne pas tromper le consommateur. Les cas de francisation mis en évidence par la DGCCRF font d’ailleurs l’objet de transmission à la justice. Mais est-il toujours possible de se fier à l’origine France des produits? « Quand l’origine n’est pas certifiée, on ne peut plus faire confiance aux ‘fabriqué en France’ ou autres ‘assemblé en France' » n’hésite pas à affirmer Yves Jégo, le chantre du made in France qui a lancé en 2010 l’association Pro France pour développer la certification « Origine France Garantie », donnée à un produit alimentaire ou non pour trois ans  » après un audit d’un organisme indépendant » comme Bureau Veritas ou encore l’Afnor.

Des Français qui privilégient les produits locaux

« L’origine a une valeur, il y a une montée en puissance de l’origine France dans l’esprit du consommateur, donc la fraude à l’origine se répand » explique ainsi Yves Jégo. Il est vrai que les Français sont attachés à l’idée de consommation locale, et notamment pour les produits alimentaires. Selon le dernier observatoire Cetelem de la consommation, 83% des Français disent ainsi privilégier « systématiquement » ou « souvent » les produits fabriqués en France lorsqu’ils achètent des produits alimentaires.

L’enjeu pour les entreprises est bien réel. Et certaines semblent déjà l’avoir compris. Selon Yves Jégo, plus de 3.000 gammes de produits (soit pus de 600 entreprises) ont fait la démarche « Origine France Garantie », qui peut être apposée dès lors qu’au moins 50% de la valeur du produit soit acquise en France et que toutes les étapes importantes de fabrication aient lieu dans l’Hexagone et, dans le cas d’un produit alimentaire, que la matière première principale vienne de France. Yves Jégo se félicite d’un taux de renouvellement de 92%, signe qu’a priori la certification trouve son utilité.

Au-delà de l’origine, la question de la transparence

Car au-delà de l’origine France, la transparence et la sincérité sur la provenance des produits sont plus que jamais une attente incontournable des consommateurs à prendre en compte par les entreprises. Attaqué à de nombreuses reprises, d’un côté sur le « faux miel », un produit dans lequel on ajoute du sucre exogène, et de l’autre sur le flou qui persistait sur les pays de provenance en cas d’assemblage, le miel est emblématique de ce débat. Ce qui n’a pas échappé au groupe Famille Michaud Apiculteurs, incontournable dans le rayon miel des supermarchés avec ses marques Lune de Miel et Miel L’Apiculteur. A presque 100 ans, l’entreprise aux 147 millions de chiffre d’affaires présente dans 73 pays, pèse 44,8% des ventes totales de miel en grande distribution en France. Et en hyper- et supermarchés, « 74% des miels à marque origine France sont vendus par Famille Michaud Apiculteurs », revendique l’entreprise.

Celle-ci vient de se lancer dans une vaste opération transparence sur l’origine de ses miels. Si la marque Miel L’Apiculteur qui propose notamment des miels des régions de France affichait déjà clairement sa provenance sur les pots, Lune de Miel a repensé son packaging pour mieux signaler l’analyse de ses miels par un laboratoire, leur côté « 100% purs & naturels » et surtout le ou les pays dans lesquels sont récoltés le miel, photo d’un des apiculteurs à l’appui. Montrer aux consommateurs la tête du producteur, cette idée a déjà fait son chemin sur les emballages d’autres produits alimentaires dans les supermarchés…

Mettre en avant l’origine du miel, tout en assumant que celui-ci ne soit pas forcément français, voilà la stratégie de Famille Michaud Apiculteurs. « Lune de Miel a vocation à vendre le meilleur miel du monde là où il est produit » défend Vincent Michaud, le président de Famille Michaud Apiculteurs. Et ce dernier de citer l’exemple du miel d’acacia pour lequel la société privilégie la Hongrie où se trouve une grande forêt d’acacias et éviter ainsi le risque que les abeilles butinent d’autres fleurs. A l’inverse, l’entreprise opte pour le miel français quand il s’agit de miel de lavande par exemple. Au final, 13% des miels vendus par Famille Michaud sont en origine 100% France.

Une opération transparence qui tombe à pic puisque la mesure de la Loi Alimentation qui prévoyait de détailler davantage les pays de provenance d’un miel et qui avait été retoquée par le Conseil constitutionnel a fait son retour au Sénat. Même si Vincent Michaud pointe que cette opération  » a été engagée il y a plus de deux » pour répondre aux attentes des consommateurs… Quelles qu’en soient les raisons, la démarche engagée par Famille Michaud s’inscrit bien dans un contexte qui pousse à plus de transparence.

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