Pourquoi Macron devrait vraiment supprimer l’ISF

L’ISF a une place unique dans le paysage fiscal français. Depuis sa création par François Mitterrand en 1981, cet  » impôt des riches  » nourrit les polémiques. C’est pourquoi Emmanuel Macron s’est bien gardé de supprimer ce totem fiscal. Il s’est tout de même résolu à le réformer, en visant deux objectifs : orienter l’épargne vers l’investissement productif en abaissant l’imposition du capital ; et freiner l’exil fiscal des Français les plus aisés, en essayant de convaincre ceux qui sont partis de revenir vivre en France.

Après quelques atermoiements sur sa date d’entrée en vigueur, il est aujourd’hui acquis que cette réforme sera bien mise en oeuvre en 2018. D’après ce que l’on sait, elle consistera à exonérer le capital productif, c’est-à-dire tous les placements financiers (actions, obligations, épargne réglementée, assurance-vie) pour ne frapper que l’immobilier, d’où son nouveau nom d’IFI (Impôt sur la fortune immobilière). Pour le reste, rien ne change. Le seuil (1,3 million d’euros), le barème, l’abattement de 30 % sur la résidence principale, le plafonnement et les réductions au titre des dons ou des investissements dans les PME seraient a priori maintenus.

Dans cette configuration, cette réforme profitera aux patrimoines les plus importants, car ce sont eux chez qui la part des placements financiers est la plus large. En revanche, les premières tranches, celles qui frappent les patrimoines inférieurs à 2,5 millions d’euros, en bénéficieront moins car leur patrimoine est essentiellement composé d’immobilier.

Se pose ensuite la question de savoir ce qu’est un capital productif. Soutenir que tout ce qui est immobilier n’est pas productif par opposition aux valeurs mobilières qui, toutes, le seraient est un peu léger. Ainsi, l’immobilier locatif remplit une fonction économique utile, dans un marché du logement tendu. Et un placement dans un appartement à louer est, en fait, bien plus risqué qu’investir dans des Sicav monétaires, qui seront pourtant exonérées d’ISF.

En outre, focaliser l’imposition sur l’immobilier va susciter des réallocations de la part des contribuables. Il est certain qu’ils chercheront à alléger leur patrimoine immobilier et à renforcer leur patrimoine exonéré.

Il est un peu tôt pour porter un jugement global sur une réforme dont on ne connaît que les vagues contours. Mais une chose est sûre. En refusant de supprimer purement et simplement l’ISF, et en donnant naissance à l’IFI, Emmanuel Macron va alléger mais aussi complexifier la fiscalité du capital. Une complexité dont sauront se nourrir les professionnels du conseil patrimonial, autres grands gagnants de cette réforme.

Par Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes

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