Que retenir du plan de transformation de Carrefour?

Ce 23 janvier, à l’Alternatif, lieu de culture situé au niveau du parvis de La Défense, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour depuis juste six mois, arbore sa tenue habituelle – costume noir, chemise blanche – et son visage classique – concentré, déterminé. Mais dans la salle, plus rien d’usuel : une atmosphère électrique règne, celle du changement. Déjà, il y a trois mois, il avait fait valser l’état-major de son prédécesseur, Georges Plassat. Ce jour-ci, c’est sa stratégie que l’ancien PDG de Fnac-Darty dévoile. Un plan de transformation qui doit relancer le cours de Bourse de Carrefour, doper sa part de marché, lui permettre de résister à Amazon. Excusez du peu!

« Ce qui manque, c’est un cap, une incarnation », lance le PDG. Sa vision? « Faire de Carrefour le leader mondial de la transition alimentaire pour tous. » A l’heure où le consommateur exige de plus en plus de sécurité, de traçabilité et de qualité, le distributeur pesant 88 milliards d’euros de chiffre d’affaires souhaite devenir le chantre d’une alimentation saine et responsable. Le créneau est pourtant déjà occupé par Auchan – devenu récemment « militant du bon, du sain et du local » –, Système U, pourfendeur des substances controversées, et l’opportuniste Leclerc qui vient de lancer ses premières enseignes bio. Qu’importe! « Dans ce domaine-là, ce qui compte ce ne sont pas les paroles mais les actes », promet Alexandre Bompard.

Des actes, le plan Carrefour 2022 en dresse une liste à la Prévert, rangée sous quatre thèmes. Premier objectif: simplifier l’organisation. « Carrefour croulait sous une multitude de projets », pointe Bompard. « J’ai choisi d’en abandonner 500. » Exit les pesanteurs, les silos. Les sièges, répartis sur 12 sites en Ile-de-France, sont rassemblés à Massy, où se trouve le siège France. Sur les 10.500 collaborateurs de ces bureaux, 2.400 « volontaires » devront faire leurs cartons.

Deuxième axe: gagner en compétitivité. « Notre base de coûts est insoutenable à long terme », pointe le PDG, qui veut massifier les achats à l’international, et se séparer de 273 des 611 magasins rachetés à Dia en 2014, qui perdent au total 150 à 200 millions d’euros par an. Le but des réductions de coûts: investir 2 milliards d’euros par an, dans des domaines choisis avec soin, comme la compétitivité prix et le digital.

Absence d’objectifs chiffrés

Troisième levier: créer un groupe omnicanal. « L’hypermarché recèle toujours une grande valeur », assure Bompard qui n’en fermera aucun mais diminuera leur surface, s’associera à des partenaires tels que Fnac-Darty pour certaines catégories non-alimentaires, et améliorera leur efficacité opérationnelle. « Le format de conquête », en revanche, sera la proximité, dotée de 2.000 nouveaux points de vente. Quel que soit leur format, en tout cas, les magasins devront servir le numérique, via le data client, ou le click and collect. Au total, 560 millions d’euros par an seront investis sur le digital. Dès cette année, les 8 sites e-commerce seront regroupés sous un seul portail, Carrefour.fr, et la livraison en une heure, et sur rendez-vous, étendue à de nouvelles villes. Et last but not least, une alliance capitalistique a été annoncée avec le leader chinois Tencent (Wechat).

Dernier chantier: refondre l’offre alimentaire, en misant sur les produits frais, le bio et les marques propres. Cela passera par exemple par un partenariat avec WWF qui identifiera des centaines de producteurs souhaitant se convertir au bio, auxquels Carrefour garantira trois à cinq ans de débouchés.

Les objectifs? Ils sont nombreux. Atteindre 2 milliards d’euros d’économies d’ici à 2020, devenir le leader du e-commerce alimentaire avec un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros en 2022, et du bio dans chacun des 33 pays du groupe. Certains analystes regrettent l’absence d’objectifs plus généraux, en termes de chiffre d’affaires et de rentabilité. Quant au coût social total, il reste encore incertain. Outre les 2.400 collaborateurs du siège, les cessions des magasins Dia entraîneront des départs. Sans compter d’autres aspects plus subtils du plan, comme l’arrêt de 500 projets. Les partenaires sociaux, que Bompard rencontre ces jours-ci, sont dans le flou. La CGT s’inquiète: « Ce PDG à la réputation de travailler vite… Mais les salariés de Carrefour ne savent toujours pas à quelle sauce ils vont être licenciés. »

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