Qui est vraiment « Fabulous Fab », le trader au cœur du procès des subprimes ?

C’est l’un des procès les plus emblématiques des dérives du monde de la finance d’avant la crise de 2008 qui s’est ouvert lundi 15 juillet à New York. Dans le rôle de l’accusé : le trader français Fabrice Tourre, accusé d’être à lui seul, ou presque, responsable de la crise des subprimes. Son ancien employeur, la banque d’investissement Goldman Sachs, a préféré payer, en 2010, une amende record de 550 millions de dollars plutôt que de se montrer devant les juges.

La Security Exchange Comission (SEC – le gendarme américain de la finance) va donc tout faire pour transformer le jeune homme en requin de la finance vendu corps et âme au dieu dollar. C’est d’autant plus important pour cette institution qu’elle a souvent été critiquée, depuis le début de la crise des subprimes, pour ne pas avoir réussi à désigner les coupables de la débâcle financière de 2008. Fabrice Tourre est ainsi accusé d’avoir menti à ses clients en 2007, leur vantant les mérites d’un produit financier complexe de type subprime – Abacus 2007-AC1 – alors qu’il aidait, en parallèle, le milliardaire John Paulson à parier contre cet instrument financier. Conséquence : lorsqu’Abacus s’est effondré, les investisseurs ont perdu un milliard de dollars dans l’affaire et Fabrice Tourre a touché un bonus de 2 millions de dollars.

Virée rwandaise

L’entreprise de diabolisation de l’ex-trader français risque cependant de se heurter au passé récent de l’accusé. Depuis qu’il a quitté Goldman Sachs en 2010, Fabrice Tourre est allé au Rwanda pour y aider les fermiers à être plus efficaces. D’après le New York Times, qui a suivi ses traces, il a passé plus d’un an, entre début 2011 et mi-2012, au service d’une ONG dont le nom n’a pas été rendu public. Une mission humanitaire qui cadre mal avec l’image d’un requin de la finance uniquement intéressé par le profit.

Fabrice Tourre ne semble d’ailleurs pas être allé en Afrique pour faire de la figuration. “Il était souvent le dernier à quitter les bureaux”, se souvient un colocataire du Français à Kigali, interrogé par le New York Times. Les mails envoyés depuis le Rwanda par l’ex-trader, consultés par le quotidien américain, dépeignent un bénévole qui a mis au profit des fermiers locaux la même ingéniosité qu’il avait su déployer pour le compte de Goldman Sachs. Fabrice Tourre écrit ainsi en mars 2011 à des amis qu’il réfléchit à des innovations technologiques pour améliorer la récolte de café local. L’une de ses trouvailles aurait consisté à insérer des “puces espions” dans les graines afin de lutter contre le vol de café….

Mais où est passé “Fabulous Fab” ?

Des tranches de vie qui donnent l’impression que Fabrice Tourre n’est rien d’autre qu’un cerveau qui tourne à plein régime au profit de ceux qui savent l’utiliser. Goldman Sachs a su le faire, tout comme l’ONG au Rwanda. Pour donner un peu d’épaisseur humaine à celui qui, au sein de la banque d’investissement américaine, était réputé pour être un génie des maths, les témoignages sur place soulignent aussi qu’il faisait partie d’une équipe de foot local et aimait à traîner dans les bars.

Depuis son retour aux États-Unis, Fabrice Tourre suit des cours à l’Université de Chicago pour décrocher un doctorat en économie. Là encore, ses professeurs ne tarissent pas d’éloges sur le jeune homme qualifié “d’élève parmi les plus brillants” ou encore “de candidat que les entreprises vont s’arracher”.

Nul doute que l’accusation va tenter de faire passer la parenthèse rwandaise pour une habile tentative de réhabilitation. Pour ce faire, elle devrait ressortir les frasques passées de “Fabulous Fab”. Un surnom que Fabrice Tourre s’est donné lui-même dans un e-mail devenu célèbre, où il écrivait à un ami que “l’édifice entier [celui des subprimes, NDLR] risque de s’effondrer. Seul survivant potentiel, ‘Fabulous Fab’, debout au milieu de toutes ces opérations exotiques et complexes, qu’il créa sans forcément saisir tous les implications de ces monstruosités”. Dans un autre e-mail, il se réjouissait de l’argent qu’il se faisait en vendant des Abacus 2007-AC1, qu’il qualifiait de « son Frankestein », pour “la veuve et l’orphelin”.


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