Revenu universel

Revenu universel, revenu d’existence, revenu de base : il existe plusieurs appellations pour un même concept. Le « buzz » médiatique autour du revenu universel ne cesse de grandir, et de plus en plus d’hommes politiques proposent cette idée dans leurs programmes. Ainsi au cours des primaires démocrates aux Etats-Unis, Bernie Sanders en a fait la promotion, tout comme Benoît Hamon au cours des primaires socialistes en France.

Avant d’aborder les aspects pratiques du revenu universel, il convient de s’arrêter sur sa définition.

Qu’est-ce qu’un revenu universel ?

Le mouvement français pour un revenu de base (MFRB) donne la définition suivante :« le revenu de base est un revenu versé par une communauté politique à tous ses membres, sans exception. »

Le revenu universel repose sur cinq piliers. Il est :

  • Universel. Il est versé à tous les citoyens, sans distinctions
  • Individuel. Il est versé à chaque individu (et non à un ménage)
  • Inconditionnel. Il est versé sans justificatif
  • Cumulable. Il est versé même si l’individu perçoit un salaire ou d’autres allocations
  • Régulier. Il est versé à des intervalles fixes

Il existe deux conceptions antagonistes du revenu universel. Pour une école de pensée « libérale », il s’agit de libérer l’individu de la tutelle de l’Etat. Pour un courant qui relève de la pensée de Karl Marx, le revenu universel doit libérer l’individu du travail. Ceci explique pourquoi des représentants politiques de partis opposés militent pour l’instauration du revenu universel.

Historiquement, le concept est apparu en 1516 dans Utopie, ouvrage de l’humaniste Thomas More. L’idée d’un revenu universel était proposée afin de mettre un terme au vol. En 1797, l’intellectuel Thomas Paine l’imagine sous la forme d’un revenu versé par les propriétaires terriens à ceux qui ne sont pas propriétaires. Au XXème siècle, le prix Nobel d’économie Milton Friedman propose un revenu universel sous la forme d’un impôt négatif versé à tous.

Le concept a donc évolué au gré des époques et son format n’est en aucun cas « gravé dans le marbre ».

Pourquoi un revenu universel aujourd’hui ?

Né de la crainte du tarissement de la création d’emplois, le revenu universel vise à lutter plus efficacement contre la pauvreté

Lutter plus efficacement contre la pauvreté

Aujourd’hui, en France, 40 % des personnes sans domicile fixe (SDF) ne reçoivent aucune aide de la part de l’Etat selon une étude réalisée en 2015 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).

L’idée serait, grâce au revenu universel, de toucher ces populations. Pourtant, ces personnes sont d’ores et déjà éligibles au RSA   Définition Le RSA est une somme versée par l’État aux personnes sans ressources, ou en complément des revenus limités liés à leur activité professionnelle. Son montant dépend de l’évaluation des ressources du bénéficiaire (salaire, revenu d’activité non salarié, allocations, prestations familiales, indemnités) mais aussi de sa situation familiale et patrimoniale.
 et ne le touchent pas. L’automaticité du versement n’éviterait pas un certain formalisme (présentation d’une pièce d’identité, ouverture d’un compte sur lequel effectuer les  versements) que refusent certaines personnes.

Cumulable, le revenu universel permettrait de lutter contre les trappes à inactivité. Dans certaines situations, les allocations peuvent ne pas inciter à avoir une activité professionnelle. Le revenu universel éliminerait théoriquement cet arbitrage, et inciterait les individus à avoir deux sources de revenus plutôt qu’une seule. Notons toutefois que s’il était universel, il serait forcément compensé par la fiscalité (afin que des fonds publics ne servent pas à enrichir encore plus les personnes les plus riches – en termes de revenus et/ou de patrimoine – ).

Mieux accompagner les mutations sur le marché du travail

Le revenu universel représenterait un filet de sécurité en réponse à plusieurs tendances de fond :

  • Robotisation

Le remplacement des hommes par des machines n’est plus une fiction, il suffit de se rendre dans un hypermarché ou les caisses automatiques deviennent progressivement la norme. Face à cette évolution, le revenu universel serait une réponse pour les travailleurs dont le métier serait remis en cause.

  • Déclin du salariat ad vitam

Le salariat sécurisé (contrat à durée indéterminée, ou CDI, en France) se raréfiant dans un contexte de croissance molle et de chômage à deux chiffres, le revenu universel serait un « filet de sécurité » pour tous.

  • Avènement de l’économie collaborative et solidaire

Le revenu universel permettrait de faire vivre à leurs débuts les entreprises collaboratives et solidaires. Celles-ci sont en train d’émerger à grande échelle mais elles éprouvent souvent des difficultés financières à leurs débuts.

Tout le monde ne partage pas cette vision de la société à venir. Il est vrai que toutes les mutations technologiques ont à un moment ou un autre été destructrices d’emplois mais ont permis la création d’emplois nouveaux.

La question du financement

Quand bien même l’idée d’un revenu universel en France serait séduisante, encore faudrait-il pouvoir la financer. Selon un rapport d’information du Sénat en date du 13 octobre 2016, le coût « brut » du revenu universel serait compris entre 300 et 700 milliards d’€ (selon que le revenu universel soit compris entre 500 et 1 000 € mensuel).

Toutefois, ce coût serait moindre si le revenu universel « annulait et remplaçait » des allocations existantes. Le coût véritable dépend donc du degré de substituabilité des prestations sociales existantes.

L’hebdomadaire anglais « The Economist » s’est posé la question suivante pour tous les pays de l’OCDE : que se passerait-il si, pour chaque pays, on transformait l’ensemble des prestations sociales (hors santé) en un revenu universel ?

Les résultats sont frappants et concernent l’année 2015 : sur 34 pays, 13 seraient en mesure de verser un revenu universel au moins égal à 500 euros sans dépenser d’argent. Parmi ces pays, la France pourrait dès aujourd’hui verser un revenu universel de 733 euros.

Les critiques au revenu universel

La principale réserve concerne le coût d’une telle mesure. A l’heure où la dette de la France s’élève à 100 % de son PIB, y-a-t-il vraiment de la place pour un chantier chiffré dans sa version la plus légère à 45 milliards d’€ (proposition de Benoît Hamon aux primaires socialistes) ? La réponse dépend du périmètre choisi.

Si on ne considère que les administrations publiques centrales, c’est-à-dire l’Etat hors collectivités locales et sécurité sociale, on parle d’un total de dépenses publiques de 501 milliards d’€ en 2015. Un poids additionnel de 45 milliards d’€ serait donc substantiel.

Mais rapporté à l’ensemble des dépenses publiques (en incluant notamment les administrations publiques locales et la sécurité sociale) qui représentent en 2015 1 243 milliards d’€ de dépenses , ce poids additionnel de 45 milliards d’€ serait marginal…

Voici quatre autres critiques communément adressées au revenu universel :

  • Les personnes les plus aisées n’ont pas besoin de recevoir un revenu universel
  • Le revenu universel incite à l’oisiveté. Les individus n’auraient plus besoin de travailler pour gagner leur vie
  • Aucun pays ne l’a mis en place à l’échelle nationale. Il est en cours de test à l’échelle locale dans certains Etats (Finlande notamment) mais il n’a jamais été appliqué à grande échelle
  • Le travail apporte un statut, une organisation de la vie et une opportunité de carrière (non remplacées par le revenu universel)

 

Créé le 24 janvier 2017 – Dernière mise à jour le 24 janvier 2017
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