Ségolène Royal en guerre contre la Commission européenne et les perturbateurs endocriniens

Les plus hauts sommets de l’Etat tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Dans un entretien au journal Le Monde publié samedi, Ségolène Royal, la ministre de l’Ecologie, menace de poursuivre la Commission européenne si les critères censés réglementer les produits reconnus comme des perturbateurs endocriniens devaient être un peu trop servir les intérêts des industriels au détriment de la santé des concitoyens, laissant entrevoir des pressions des lobbies.

Selon la ministre de l’Ecologie, la France pourrait le cas échéant se joindre à la Suède, pays qui, selon elle, est décidé à poursuivre la Commission. Des propos qui interviennent alors que cette dernière doit publier prochainement une liste de critères permettant de définir de tels agents chimiques soupçonnés d’être à l’origine de maladies graves et que l’on retrouve notamment dans des pesticides, des plastiques ou des cosmétiques.

S’entretenant avec un journaliste du Monde, Ségolène Royal a indiqué que Vytenis Andriukaitis, le commissaire européen chargé de la Santé l’avait « assuré » que « la Commission proposerait avant l’été une proposition de critères réglementaires applicables aux perturbateurs endocriniens ». Ajoutant que si ces critères se révélaient au final non conformes au consensus scientifique, la Suède aurait « l’intention de poursuivre le contentieux contre la Commission ». Ajoutant que dans le cas d’une telle éventualité, la France s’y joindrait.

Rappelons que la Suède, soutenue notamment par la France, avait déjà accusé la Commission de tarder à définir un cadre réglementaire. En décembre 2015, elle a obtenu sa condamnation devant la Cour de justice de l’Union européenne.

« Si une substance est un perturbateur endocrinien avéré, elle doit être retirée du marché », a par ailleurs martelé Ségolène Royal. Or, selon elle, avant de définir les critères permettant de cibler de tels produits, Bruxelles a commandé une étude d’impact économique dont les conclusions n’ont pas été rendues publiques, ni même transmises aux autorités françaises.

« La société accepte de plus en plus mal que les lobbys pèsent sur des décisions prises dans le secret « , conclut-elle au final. Faisant référence à l’étude d’impacts socio-économiques d’éventuelles réglementations prises sur des polluants chimiques, commandée par les industriels eux-mêmes. Une étude tenue secrète qui fait craindre à certains que la Commission européenne définisse les critères des perturbateurs endocriniens en fonction de considérations économiques.

Précisons par ailleurs que le glyphosate est une substance très fortement suspectée d’être un perturbateur endocrinien. Elle est notamment utilisée dans le Roundup,  le fameux herbicide de Monsanto qui est actuellement le plus répandu dans le monde (environ 25% des parts de marché), et le plus utilisé par les agriculteurs français, notamment pour les céréales, le colza, et le maïs. En Allemagne, le glyphosate est employé sur presque la moitié de la superficie totale cultivée.

Or, l’Europe vient une nouvelle fois de repousser sa décision sur le renouvellement, ou pas, de l’autorisation de commercialisation de l’herbicide.

Le vote européen concernant l’éventuelle prolongation de l’autorisation de commercialisation du glyphosate vient à nouveau d’être ajourné ce jeudi. Le comité technique chargé de se prononcer sur le renouvellement de l’autorisation n’est pas parvenu à obtenir la majorité qualifiée en faveur du «oui». En conséquence la Commission européenne a déclaré qu’elle allait «prendre le temps de la réflexion» pour analyser les discussions qui se sont tenus ces derniers jours.

A noter que l’homologation de cette substance court jusqu’au 30 juin 2016. Si aucune décision n’est prise avant cette date, «le glyphosate ne sera plus autorisé dans l’Union européenne et les États membres devront retirer les autorisations de tous les produits à base de glyphosate», a rappelé la Commission, elle-même favorable au renouvellement.

Le Parlement européen presse l’Europe de renouveler cette autorisation, estimant qu’il «n’y a pas d’alternative économiquement viable » à proposer aux agriculteurs en terme de désherbage», ajoutant toutefois que ce renouvellement devra être accordé pour sept ans, et non pas pour 15 ans comme prévu initialement, en raison des inquiétudes sur son caractère cancérogène et son éventuel impact sur le système endocrinien humain.

Dès le mois de mars dernier, Ségolène Royal avait assuré que «la France s’alignerait sur la Suède pour dire non» au glyphosate, tout comme le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, l’Italie, l’Autriche et le Luxembourg. La Grande-Bretagne est en revanche parfaitement claire sur sa volonté de prolonger le feu vert du glyphosate.

Mardi dernier, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a déclaré à l’antenne de France Info qu’« indépendamment [du] caractère cancérigène ou non du glyphosate, […] les études dont nous disposons montrent que c’est un perturbateur endocrinien ». Ajoutant : « en attendant d’autres études […] pour 2017, […] nous ne renouvelons pas l’autorisation du glyphosate ».

Dans un communiqué de presse appelant à « enterrer cet herbicide », France Nature Environnement, fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement, précise que le glyphosate impacte « négativement la fertilité masculine » et que « les perturbateurs endocriniens représentent une dépense de 4 milliards d’euros par an au système de santé français ».

Le Glyphosate Task Force (GTF), un consortium de sociétés phytosanitaires emmené par Monsanto estime quant à lui que le retard pris dans les dernières étapes «ne fait qu’exposer la politisation accrue» de la procédure de renouvellement. «Le GTF estime que la situation est discriminatoire, disproportionnée et totalement injustifiée», fustige ainsi son président Richard Garnett.

Sources : Reuters, Le Monde, Le Figaro, La France agricole

Elisabeth Studer – 22 mai 2016 – www.leblogfinance.com

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