Slovénie : la BCE s’insurge des perquisitions à la Banque centrale

La BCE s’insurgerait-elle uniquement en vue de défendre le sacro-saint principe du respect de  l’immunité de l’institution …. ou aurait-elle quelque chose à cacher, alors même que certains dirigeants européens -tels que José Manuel Barroso – semblent avoir quelques accointances avec de sulfureux milieux financiers telle que la banque Goldman Sachs. Allez savoir …

En tout état de cause, la Banque centrale européenne (BCE) a vivement protesté cette semaine contre des perquisitions menées par les autorités slovènes à la banque centrale de ce pays. Elle étudierait même une possible action en justice contre ces opérations.

La police slovène a perquisitionné mercredi 6 juillet quatre sites de la Banque centrale slovène, conduisant à la saisie d’informations de la BCE détenues par la Banque de Slovénie. Elle enquête sur des irrégularités qui auraient été commises à l’occasion du sauvetage de la Banque centrale en 2013 et se seraient soldées par la perte de 600 millions d’euros pour 2 000 porteurs de titres. Bostjan Jazbec, gouverneur de la Banque centrale et membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne pourrait faire partie des personnes inquiétées.

Dans une lettre adressée au parquet général slovène, Mario Draghi, le président de la BCE, a pour sa part réagi en indiquant que cette mesure constituait une entrave à l’immunité de l’institution et en rappelant qu’en vertu des traités européens, les archives de la BCE sont protégées par une clause d’inviolabilité.

Une lettre de protestation a été également adressé par Mario Draghi au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. « Je proteste formellement contre une telle saisie illégale d’informations de la BCE et j’appelle les autorités slovènes à remédier à cette infraction. En outre, la BCE va étudier les possibles recours légaux au regard de la loi slovène », a-t-il laissé entendre.

« La banque centrale regrette le fait que les actions de la police slovène risquent de mettre en péril l’accomplissement par la Banque de Slovénie de sa mission » (…), « ainsi que celle de son gouverneur », poursuit Mario Draghi.
En retour, le procureur général slovène Zvonko Fiser a indiqué que ces perquisitions répondaient à une demande du juge d’instruction, ajoutant qu’il n’acceptait pas les protestations de M. Draghi à propos de supposées infractions commises par les enquêteurs.

Le Premier ministre Miro Cerar s’est dit quant à lui confiant dans la légalité dans la procédure. « Dans un tel cas, les investigations ne peuvent être mises en causes et nous aurons à l’expliquer clairement et simplement à M. Draghi ainsi qu’à tout autre représentant européen », a-t-il déclaré à la presse.

Il est vrai que le parquet slovène n’a pas lésiné sur les moyens : selon le patron de la BCE, la police a notamment mis la main sur des informations contenues dans le réseau interne de la Banque de Slovénie, ainsi que sur des équipements informatiques utilisés par le gouverneur et plusieurs membres de ses équipes.

S’exprimant dans le cadre d’un communiqué, la banque centrale de Slovénie a regretté quant à elle « une saisie de documents menée de manière non sélective violant la confidentialité des documents de la BCE ». Précisant que ces perquisitions avaient été menées dans le cadre d’une enquête préliminaire visant plusieurs employés.
La police a confirmé avoir mené des perquisitions dans plusieurs sites à Ljubljana visant quatre individus, suspectés d’actions criminelles et d’abus de position officielle. Précisant que ni les institutions slovènes ni leurs représentants ne bénéficiaient de privilèges particuliers au regard de perquisitions. En outre, selon ses dires, les suspects ne sont pas visés en tant que représentants des institutions européennes, mais en tant que fonctionnaires d’une institution slovène.

Rappelons qu’en 2013,  la Slovénie est parvenue à éviter le recours à un plan de sauvetage européen. Elle a dû néanmoins appliquer un plan de recapitalisation de son secteur bancaire, fortement exposé aux créances douteuses, mesures conduisant à l’accroissement de sa dette publique à plus de 70% du PIB. Les autorités slovènes ont parallèlement engagé une politique de consolidation budgétaire, visant à rétablir la trajectoire des finances publiques. Elles ont adopté plusieurs mesures destinées à accroître les recettes fiscales (rehaussement de la TVA ; introduction d’une taxe sur la propriété immobilière) et diminuer les dépenses publiques (baisse des salaires dans la fonction publique, négociée avec les partenaires sociaux, et de nombreux transferts sociaux). Un programme de privatisation d’entreprises publiques a par ailleurs été décidé.

En vue de redresser sa situation financière, la Slovénie devait alors absolument trouver près de 4 milliards d’euros. Deux options s’ouvraient alors à elle : demander l’aide du Mécanisme européen de stabilité (MES), ce qui aurait nécessité une participation de créanciers, déposants et actionnaires des banques accompagnée d’une cure d’austérité sévère ou trouver à se financer sur les marchés.

Au final, cette dernière option – certes plus onéreuse – aura eu les faveurs du gouvernement slovène, permettant de tomber sous le joug de la troïka et de ses mesures d’austérité. Le gouvernement a alors créé une « structure de défaisance », la Bank Asset Management Company (BAMC) en vue de pouvoir recevoir sous garantie d’Etat les créances douteuses.

Pour que la facture ne soit pas trop élevée, il a été décidé de faire contribuer une partie des créanciers des banques, les détenteurs des créances dites subordonnées (non prioritaires), lesquels auront perdu 400 millions d’euros dans la bataille …. Manoeuvre qui aura permis de protéger les autres créanciers mais qui aura fortement déplu
plusieurs petits porteurs qui ont contesté l’évaluation des risques et du besoin de renflouement réalisée par la banque centrale. Selon eux, la Banka Slovenije a agi pour favoriser les banques et l’Etat. La plainte principale concerne les créanciers de la Nova Ljubjanska Banka (NLB), la principale banque du pays pour quelque 257 millions d’euros.

Selon La Tribune, compte tenu de l’impact non négligeable de la collusion politique sur l’économie et le système financier slovène, la BCE aurait toutes les raisons de soutenir les efforts de la justice slovène, au lieu au contraire de protéger ses privilèges.

«  La position de la BCE est difficilement tenable, car, précisément, l’enquête slovène n’atteint pas son indépendance, mais s’interroge sur la réelle indépendance de la Banka Slovenije en 2013 » estime ainsi le journal. Ajoutant : « en théorie, donc, la justice de Ljubljana vient en appui des intérêts de la BCE. La protestation de Mario Draghi ne saurait donc se justifier autrement que par une défense « catégorielle » qui entretient une image de manque de transparence. »

Sources : AFP, Econostrum, La Tribune

Elisabeth Studer – 09 juillet 2016 – www.leblogfinance.com

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