SNCF : Pepy passe en force et ravive la grogne des cheminots

A priori on pourrait penser que le timing n’est pas le meilleur à la SNCF pour attiser le mécontentement des cheminots : à quelques semaines des élections professionnelles qui mobilisent les quatre grands syndicats du groupe ferroviaire, CGT Unsa, Sud et CFDT. Pourtant cela n’a pas empêché Guillaume Pepy, le PDG du groupe ferroviaire de faire des annonces chocs dans une interview aux Echos ce matin, disant vouloir mettre en place « un nouveau pacte social  » pour tous les cheminots en faisant évoluer le statut des 140.000 personnes qui sont actuellement à la SNCF.

Car s’il n’est pas question de toucher à l’emploi garanti, le régime de retraite ou le droit syndical, la direction souhaite en revanche, revoir la progression automatique des carrières et des salaires. Pour le PDG,  » Il ne peut y avoir de SNCF à deux vitesses, » dit Guillaume Pepy.  

Chiffon rouge pour les cheminots

Un chiffon rouge pour les syndicats, même si ces questions sont sur la table depuis le début des discussions sur la réforme ferroviaire adoptée par le Parlement au printemps dernier. Il s’agit « d’une attaque frontale, estime Remi Aufrère, secrétaire général adjoint de la CFDT. Et d’un manquement à la parole du DRH de la SNCF qui nous avait certifié dans un courrier en juin, qu’on ne remettrait pas en cause le déroulement des carrières à la SNCF. »

Les suppressions d’emplois évoqués par Guillaume Pepy font également grincer des dents : « c’est une perte nette de 1500 à 2000 postes par an. On arrive à l’os, poursuit le représentant de la CFDT. La direction ferme des guichets partout, à Saint-Lazare, à la gare du Nord pour accélérer la transition digitale. Mais les files d’attente des clients s’allongent partout aussi. » 

« Le président Pepy, véritable démolisseur du services public ferroviaire, joue la politique du champ de ruine, » s’est indigné pour sa part la CGT, dans un communiqué.

A l’Unsa, parmi les syndicats réputés modérés, on regrette « une nouvelle stigmatisation des cheminots sur la question du statut, pointe le secrétaire général, Roger Dillenseger qui ne comprend pas l’intérêt de souffler sur les braises encore chaudes. Ça ressemble à de la provocation, » regrette-t-il craignant un risque de relance des mouvements sociaux.

Cette question du timing social, la direction de la SNCF l’a bien en tête. Mais elle s’est aussi engagée à assurer auprès du gouvernement la transformation du groupe ferroviaire et l’amélioration de sa compétitivité avant 2020. C’est-à-dire au moment où la concurrence arrivera, celle de Transdev (connue aujourd’hui pour ses lignes de cars), mais aussi de Deutsche Bahn ou de l’Italien Trenitalia. 

Un pari risqué

Un délai extrêmement court -quinze mois- pour un chantier extrêmement lourd et sensible. « La rapidité des délais fait que c’est forcément violent, pointe un connaisseur du dossier. C’est aussi un pari sur l’affaiblissement de la force de mobilisation des cheminots après les grèves du printemps qui n’ont pas empêché le vote de la réforme du statut. »

Un pari qui peut être risqué. D’autant que les négociations sur la future convention de la branche avec l’Union des Transports publics et ferroviaires (UTP) ont repris. Les partenaires sociaux ont également quinze mois pour accorder leurs violons sur des sujets tout aussi sensibles : classification des métiers, les rémunérations et la question complexe du transfert des cheminots chez les concurrents de la SNCF dans le cadre de délégation de service public ou encore les fameuses facilités de transports, les billets gratuits, aux salariés de la SNCF qui rejoindraient une entreprise concurrente…

Une négociation qui pourrait être une forme de deuxième manche pour les syndicats. Une nouvelle journée de grève doit avoir lieu  le 9 octobre. Mais elle s’inscrit dans une mobilisation interprofessionnelle contre la politique du gouvernement.

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