Sous-marin, blindés… Que va recevoir l’armée en 2020?

Emmanuel Macron l’avait promis, Florence Parly est en train de le faire. Comme prévu dans la loi de programmation militaire 2019-2025, le budget du ministère des Armées va augmenter de 1,7 milliard d’euros en 2020, à 37,5 milliards d’euros, soit une hausse de 4,5%. Depuis 2017, le budget de la défense aura ainsi augmenté de près de 5 milliards d’euros, soit 15%, pour atteindre un niveau qu’on n’avait plus vu depuis la chute de l’URSS au début des années 90. « Les Français consentent des efforts importants pour nous donner les moyens de notre mission, a martelé la ministre des Armées Florence Parly lors d’un discours aux cadres du ministère sur le site de Balard le 26 septembre. Nous ne devons pas, nous ne pouvons pas les décevoir. »

Que va financer cette hausse de budget ? 80% de la hausse de crédits (1,35 milliard sur 1,7 milliard) est dédiée aux équipements, mis à rude épreuve par des décennies d’engagements ininterrompus (Afghanistan, Centrafrique, Sahel, Levant). Le budget équipements atteindra ainsi 20,9 milliards d’euros en 2020, contre 12,1 milliards pour la masse salariale et 4,5 milliards pour les dépenses de fonctionnement. « C’est une remontée en puissance historique, qui va évidemment prendre du temps », souligne Jean-Charles Larsonneur, député du Finistère, rapporteur du budget équipements à la commission de la défense. « On ne répare pas vingt ans de sous-investissement et de déflation en quelques mois », prévenait déjà le général André Lanata, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, devant les députés de la commission de la défense en février 2018.

Des blindés à foison

Qu’attendre de l’année 2020 ? Elle va notamment voir la montée en puissance des livraisons du programme Scorpion de renouvellement des blindés de l’armée de terre : les forces doivent recevoir 128 blindés multirôles Griffon, remplaçants des antiques VAB, qui s’ajouteront aux 92 livrés (si Nexter, Thales et Arquus tiennent leurs délais) sur l’année 2019. 2020 devrait aussi voir la livraison des quatre premiers engins de reconnaissance et de combat Jaguar, des blindés dotés d’un canon de 40mm destinés à remplacer des AMX10RC et Sagaie hors d’âge, toujours utilisés dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel. L’armée de terre recevra également 1.000 VT4, sortes de super 4X4 développés sur la base du Ford Everest par le français Arquus. Ceux-ci remplaceront les vieux Peugeot P4, sur lesquels se sont serrés des générations de bidasses.

L’armée de terre recevra également 12.000 fusils d’assaut HK416, remplaçants du légendaire Famas, sept hélicoptères de transport NH90, 50 postes de missiles antichars MMP (successeur du Milan), et le premier système de drones tactiques Patroller. Ces engins d’1,2 tonne et de 18m d’envergure, d’une endurance de 14 heures, sont développés par Safran sur la base d’un motoplaneur de l’allemand Stemme. L’armée de terre en attend 14 exemplaires avec impatience, le programme ayant été marqué par des retards conséquents.

La marine nationale est aussi plutôt bien servie. Elle recevra le premier sous-marin nucléaire d’attaque de la classe Barracuda (le Suffren), premier des six sous-marins qui remplaceront les SNA de classe Rubis datant des années 80. La marine recevra également deux hélicoptères Caïman marine, deux avions de patrouille maritime Atlantique 2 rénovés, et un lot de missiles Aster destinés aux frégates multi-missions FREMM.

Hawkeye trop cher ?

Côté armée de l’air, 2020 verra la livraison de deux A400M, un ravitailleur A330 MRTT Phénix, deux Mirage 2000D rénovés, un nouveau système de trois drones Reaper, et du second KC-130J (transport et ravitaillement). Désormais en charge de l’espace, l’armée de l’air recevra également le deuxième satellite optique CSO, après le lancement du premier le 19 décembre dernier. Aucune livraison de Rafale n’est en revanche prévue. La totalité de la production des usines Dassault est destinée aux clients export (Qatar et Inde, l’Egypte ayant reçu ses 24 appareils). Les 28 Rafale supplémentaires attendus par les aviateurs français ne seront livrés qu’à partir de 2022.

L’année 2020 s’annonce tout aussi chargée côté commandes, avec un effort particulier sur les blindés. Le ministère lancera ainsi la commande de 1.500 4X4 VT4, 271 blindés multirôles Griffon, 42 engins de reconnaissance et de combat Jaguar, 364 blindés légers Serval, et 50 chars Leclerc rénovés. Quatorze hélicoptères d’attaque Tigre et 12.000 fusils d’assaut HK416 seront aussi commandés. 

Côté armée de l’air, le gros morceau est la commande de trois nouveaux avions de guet aérien Hawkeye E-2D, destinés à être embarqués sur le porte-avions Charles de Gaulle. Ces appareils seront commandés aux Etats-Unis, selon la procédure FMS (Foreign Military Sales), pour un prix d’un peu moins d’un milliard d’euros, indiquait la semaine dernière l’entourage de Florence Parly. Selon nos informations, le prix unitaire prévu est de 320 millions d’euros. Ce prix, élevé, a fait tiquer certains spécialistes, qui soulignent que l’US Navy estime le prix unitaire des Hawkeye à 80 millions de dollars pièce. Certes, le contrat devrait prévoir des prestations de formation et de maintenance, qui font traditionnellement grimper l’addition. Mais certains craignent que Washington profite de la dépendance française à ces avions, construits par Northtrop Grumman, pour les vendre au prix fort. Le prix évoqué pour la France est en tout cas assez similaire à celui accordé au Japon, qui a commandé 9 Hawkeye E-2D pour 3,135 milliards de dollars, soit 348 millions de dollars par avion (319 millions d’euros).

Doutes sur l’Eurodrone

La commande, annoncée pour 2020, des quatre premiers drones de surveillance européens Eurodrone soulève aussi des interrogations. Les industriels Airbus, Dassault et Leonardo ont remis une première offre ces derniers mois, mais celle-ci a été jugée bien trop chère par les Etats-clients (Allemagne, France, Espagne, Italie). La ministre des Armées Florence Parly a même menacé de renoncer à la commande, et d’acheter des drones américains Reaper supplémentaires si l’offre n’était pas sensiblement améliorée. « Ce n’est pas ce que je souhaite, mais je ne dépense pas l’argent des Français les yeux fermés », assurait la ministre dans les Echos le 25 septembre. L’Eurodrone avait été durement critiqué par le président de la commission défense du Sénat Christian Cambon, qui le jugeait fin juin « obèse » et trop cher.

Le projet de loi de finances prévoit également la commande des sept premiers avions de surveillance maritime Albatros, qui remplaceront les Falcon 200 Gardian, la rénovation de quatre C-130H, ou encore celle des radars Satam de l’armée de l’air (qui servent à repérer les trajectoires des objets en orbite) et de deux modules de lutte anti-mines pour la marine.

Challenges en temps réel : Entreprise