Thierry Desmarest : « Monsieur sans faute » à la tête de Total

Brillant stratège mais piètre communicant, l’ancien PDG de Total, Thierry Desmarest, 68 ans, retrouve la place qu’il avait cédé à Christophe de Margerie, décédé dans un accident d’avion en Russie dans la nuit de lundi à mardi.

Président d’honneur de Total depuis 2010, Thierry Desmarest a été désigné mercredi pour assurer l’intérim à la tête du groupe qu’il a dirigé de 1995 à 2007.

Sous sa conduite, Total est devenue la première entreprise de France et l’une des principales compagnies pétrolières mondiales, mais l’image de Thierry Desmarest reste entachée par sa gestion calamiteuse du naufrage de l’Erika au large des côtes bretonnes et de la marée noire qui s’ensuivit en décembre 1999.

Polytechnicien et ingénieur des Mines, ce chef d’entreprise parfois brutal, qui dissimule une volonté de fer derrière une mine affable et un sourire mesuré, a toujours été plus à l’aise face aux analystes qu’aux journalistes.

Né le 18 décembre 1945 à Paris, Thierry Desmarest est fils d’un magistrat de la Cour des Comptes. Il a débuté sa carrière en 1971 à la direction des mines de Nouvelle-Calédonie, avant de rejoindre en 1975 les cabinets de Michel d’Ornano puis René Monory aux ministères de l’Industrie et de l’Economie.

Chez Total depuis 1981

Il entre en 1981 chez Total, comme directeur délégué de Total Algérie, puis gravit les échelons du très puissant et rentable pôle Exploration-production: directeur Amérique latine et Afrique de l’Ouest en 1983, directeur Amériques, France, Extrême-Orient en 1988, puis directeur général en 1989 – poste qu’occupera également Christophe de Margerie dix ans plus tard.

Il devient alors le bras droit du PDG de l’époque Serge Tchuruk, qui le surnomme « Monsieur sans-faute ». Lorsque ce dernier quitte Total pour Alcatel-Alsthom en 1995, Thierry Desmarest prend la tête du groupe pétrolier. En quelques années, il va faire de la compagnie un des plus grands groupes mondiaux, aux côtés d’Exxon, BP ou Shell.

Deux coups d’éclat

Désigné Stratège de l’année par La Tribune en 1998, puis Manager de l’année par le Nouvel Economiste en 1999, le patron de Total réussi alors deux coups d’éclat: la fusion – amicale – avec le belge Petrofina en 1999, puis l’OPA – hostile – sur Elf Aquitaine, alors numéro un français du secteur, au terme d’un duel boursier long de neuf semaines.

Malgré ces succès retentissants, sa présidence est ternie par deux catastrophes: le naufrage de l’Erika le 12 décembre 1999, puis l’explosion de l’usine chimique AZF le 21 septembre 2001 à Toulouse.

Ou plutôt par la gestion de crise désastreuse d’un PDG réagissant en froid technocrate à l’émotion soulevée par la pollution des côtes bretonnes et vendéennes, minimisant la responsabilité de TotalFina et ne daignant pas se déplacer sur les lieux du désastre. Thierry Desmarest avait reconnu plus tard avoir « sous-estimé au départ » l’ampleur de la marée noire.

Deux ans plus tard, il s’était rendu à Toulouse le jour même de l’explosion de l’usine chimique AZF, propriété d’une filiale de Total, et avait mis en place cellule de crise et numéros verts. Devant les salariés, il avait exprime en 2002 sa volonté « de chercher la vérité sans préjugé » sur les causes de l’accident, qui a fait 31 morts et des milliers de blessés.

En septembre 2012, la Cour de cassation a dans l’affaire Erika confirmé la condamnation de Total, qui avait déjà versé 171 millions d’euros aux parties civiles « à titre définitif » après le jugement de première instance en 2008. A la même époque, la cour d’appel de Toulouse a déclaré irrecevable la demande de poursuites contre Total et M. Desmarest dans l’affaire AZF. La procédure est toujours pendante devant la Cour de cassation.

Cédant la direction générale du groupe à Christophe de Margerie en 2007, puis la présidence du conseil d’administration en 2010, Thierry Desmarest était depuis président d’honneur et administrateur de la compagnie pétrolière, et président de la Fondation Total.

Il est par ailleurs administrateur d’Air Liquide, Bombardier, Renault et Sanofi.

Amateur d’opéra et de ski, Thierry Desmarest est marié et père de trois enfants.

(Avec AFP)


Challenges.fr – Toute l’actualité de l’économie en temps réel