Tout comprendre sur le rachat de Nest par Google

C’était en septembre dernier sur Google+. Après avoir annoncé le rachat de Calico, une start-up spécialisée dans les questions de santé et de longévité, Larry Page, le fondateur de Google livre la politique de son groupe: « Ne soyez pas surpris si nous investissons dans des projets qui paraissent étrange et spéculatifs par rapport à nos activités internet. Et souvenez-vous que ces nouveaux investissements sont très petits par rapport à notre cœur de métier ». Cet avertissement en dit long sur la vision à long terme du groupe de Mountain View.

Pour l’appliquer, Google s’est doté d’une structure dédiée : Google X Lab.  A la tête de celaboratoire qui planche sur les technologies de rupture, Sergeï Brin, l’autre fondateur du moteur de recherche.

>>Pour en savoir plus sur Google X Lab Le labo des projets les plus fous de Page et Brin

Avec le rachat de Nest pour 3,2 milliards de dollars lundi, Google fait un pas supplémentaire dans ses efforts de diversification. Voici 8 questions pour comprendre pourquoi le géant de l’internet a racheté le spécialiste des thermostats contrôlable à distance.

Créée en 2008, Nest est une entreprise qui conçoit et commercialise des produits connectés dans le domaine énergétique. Elle a mis au point notamment un thermostat connecté qui permet de gérer la température à domicile depuis son smartphone. Elle est également à l’origine de détecteurs de fumée intelligents que l’on peut également synchroniser depuis un appareil mobile.
Larry Page a déclaré sur son compte Google+
: « c’est incroyable de voir comment ils sont parvenus à rendre des produits, importants mais mal-aimés, magnifiquement simples et faciles à utiliser ».

Il y a pas moins de 100 brevets déposés pour le thermostat Nest. 200 autres ont été déposés et 200 nouveaux vont suivre, a précisé Tony Fadell en décembre dernier lors de la conférence LeWeb à Paris. 

Selon ABI Research, Nest aurait vendu en 2013, 1,3 millions de thermostats dans le monde. 

  • Qui sont Tony Fadell et Matt Rogers ?

Tony Fadell est le patron et co-fondateur de Nest. Cet ingénieur de formation a notamment fait ses gammes chez Apple. Il est à l’origine de la conception de l’iPod, l’ancêtre de l’iPhone. Il a dirigé l’équipe à l’origine de ces produits avant de quitter la firme à la pomme en 2010 pour créer sa propre société.

Matt Rogers est également ingénieur et co-fondateur de Nest. Il a également travaillé chez Apple, au sein de la division développement de l’iPod.

En rachetant Nest, Google met la main sur une équipe (300 salariés environ répartis dans trois pays), et un savoir-faire. « Ce n’est pas neutre si Tony Fadell et Matt Rogers sont à l’origine de l’iPod et de l’communiqué, Larry page a déclaré que « les fondateurs de Nest, Tony Fadell et Matt Rogers, ont construit une équipe extraordinaire que nous sommes ravis d’accueillir dans la famille Google« .

  • Pourquoi Google rachète Nest ?

A première vue, Nest et Google n’évoluent pas forcément dans le même monde. Mais si l’on regarde d’un peu plus près, Google multiplie les investissements tous azimuts depuis de nombreuses années. En annonçant le rachat de Nest pour 3,2 milliards de dollars lundi, Google fait un pas de plus dans une diversification programmée. Le groupe est désormais présent dans de nombreux secteurs d’activité : recherche sur internet et de la publicité online, messagerie, réseaux sociaux, cartographie, système d’exploitation pour appareils mobiles, produits connectés, énergie solaire… Il s’inscrit désormais sur le terrain de la maison connectée. 

  • La maison connectée, le nouveau terrain de bataille des géants du net ?

« La compétition repose désormais sur les objets connectés au sein de la maison qui vont de plus en plus faire partie de notre vie quotidienne », analyse Philippe Torrès. Selon l’équipementier en télécoms Cisco, les objets connectés devraient atteindre les 50 milliards d’ici 2020. A l’heure actuelle, il y a en moyenne 4 objets connectés par individu dans le monde. En investissant dans la maison connectée, Google mise sur la meilleure façon de répondre aux besoins des usagers. C’est une stratégie que l’on retrouve également chez Microsoft avec sa console de jeux vidéo, la Xbox One, qu’ils veulent imposer comme la box incontournable au sein du foyer par laquelle passera l’ensemble des divertissements (télévision, vidéo, internet, musique, jeux vidéo…).

>> Pour en savoir plus, lire Sony et Microsoft relancent la guerre des consoles 

Dans un communiqué, Tony Fadell explique que quand ils ont démarrée en 2010, « nous étions déterminés à changer nos maisons et le monde autour de nous. Au début, notre vision était de créer une maison consciente, une demeure qui est plus réfléchie, intuitive et jolie à regarder. Nous étions convaincue que nous pourrions le faire avec le bon produit, la bonne équipe ». 

« La maison connectée n’existe pas encore. Nous sommes loin des fantasmes de la domotique du début des années 2000. Mais nous entrevoyons une autre voie, celle des objets qui se connectent les uns aux autres pour améliorer la qualité du service », explique Philippe Torrès. 

  • Quelle est la stratégie globale de Google ?

Pour Philippe Torrès, « la stratégie de Google est une stratégie d »operating system’. Il s’agit de définir la façon dont tous ces objets doivent interagir ensemble ». Et de préciser qu' »ils ont une vision d’ingénieurs. Ils abordent le sujet par son côté le moins glamour, à l’inverse d’Apple qui lui, a démarré par l’entertainment, mais avec l’idée de toucher le maximum d’utilisateurs. Google entend imposer un standard de communication dans la maison ». A l’image de ce qu’ils ont fait avec Android pour les smartphones et les tablettes, et de ce qu’ils entendent construire dans l’univers automobile en s’alliant aux constructeurs pour standardiser les systèmes connectés embarqués dans les véhicules.

  • Y a-t-il un lien entre Nest et les investissements de Google dans l’énergie solaire ?

Google a déjà investi plus de 1 milliard de dollars dans ce domaine. En novembre dernier, le géant de l’internet a annoncé l’investissement, avec le fonds KKR, de 400 millions de dollars dans six centrales solaires en Californie et en Arizona. Les deux entreprises avaient déjà scellé un partenariat en 2011 portant alors sur 4 centrales solaires. Alors faut-il voir un lien avec le rachat du spécialiste du thermostat qui permet de gérer au mieux sa consommation ? Pour Philippe Torrès, « il y a un lien d’ADN. Mais il n’est pas immédiat ».

  • Que recherche Nest en se faisant avaler par Google ?  

Dans un entretien à The Verge, Tony Fadell explique pourquoi il a cédé aux sirènes de Larry Page. « Pour moi, il ne s’agit pas uniquement d’une transaction financière. Il s’agit du futur et de ce que nous pouvons faire ensemble. C’est pourquoi je suis réellement excité par notre vision. Parce qu’ils [Google] aiment vraiment notre vision et les produits que nous développons ainsi que notre feuille de route qu’ils vont pouvoir mettre en œuvre. Nest peut rester ce qu’elle est. Nous avons besoin de plus de capital ». « J’ai vraiment envie de construire une grande entreprise. Et je pense que c’est la meilleure façon de le faire ».

Nest cherche peut-être également à se prémunir contre une potentielle guerre des brevets. Le groupe fait l’objet de plusieurs poursuites judiciaires lancées notamment par Honeywell et BRK. Avec l’appui financier et judiciaire de Google, c’est une assurance pour l’avenir non négligeable. 

  • 3,2 milliards, est-ce cher ? 

C’est une coquette somme pour une société dont la valeur était évaluée à 800 millions de dollars il y a tout juste un an, et à 2 milliards de dollars début janvier. Il s’agit du deuxième deal le plus important pour le géant américain, après l’acquisition de Motorola en 2011, pour 12,5 milliards de dollars. Selon Frank Gillett, analyste chez Forrester, cité par le Wall Street Journal, Google a payé le prix fort pour rester en tête face à la concurrence et contrôler la prochaine génération des produits connectés. 


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