Uber retoqué par un juge californien : le business model mis en cause

Vers la fin du business model de Uber ? Alors que la société était prête à offrir à ses 385.000 chauffeurs affiliés une somme rondelette pour éviter de leur reconnaître le statut de salarié, un juge de San Francisco a rejeté un projet d’accord amiable via lequel Uber escomptait mettre fin à des recours collectifs de chauffeurs. La prochaine audience est désormais prévue en septembre

« Le tribunal conclut que l’accord dans l’ensemble n’est pas juste, adéquat et raisonnable » indique ainsi le juge dans sa décision, s’appuyant sur ses motifs pour refuser la motion pour un accord préliminaire.

Pour rappel, en avril dernier, Uber s’était dit prêt à payer jusqu’à 100 millions de dollars pour éviter un procès et clore deux recours, déposés en Californie et dans le Massachusetts par des collectifs de chauffeurs. Cette proposition tentait d’allécher des chauffeurs – contestant leur statut de travailleurs indépendants et réclamant d’être requalifiés comme des salariés – de telle sorte qu’ils renoncent à leurs procédures.

Ces 100 millions avaient pour but de financer un fonds de compensation pour les chauffeurs en vue de financer les frais professionnels tels que essence, achat et entretien du véhicule, ces avantages étant accordés en échange du maintien de statut d’indépendant.

Or, contrairement à ce qu’affirme Uber, beaucoup de chauffeurs étaient opposés à cet accord. Ils estimaient en effet les indemnités qui leur étaient dues à 852 millions de dollars, une somme bien loin de celle prévue par la société.

Autre point dénoncé par la justice US : près d’un quart de la somme qui devait être reversé par Uber dans le projet d’accord était conditionné par les résultats en bourse de l’entreprise. Au final, les chauffeurs ne pouvaient tabler de manière sûre que sur un dixième de l’argent demandé. Ce qui fait dire au juge Edward Chen que les engagements proposés par Uber dans le projet d’accord « n’ont pas autant de valeur que ce que les parties suggèrent ».

La justice californienne a par ailleurs pointé du doigt le fait que dans le cadre de l’accord amiable Uber conserverait « un contrôle important sur la capacité d’un conducteur à accepter ou rejeter une demande de course », se disant également « pas convaincu que les changements dans la politique de pourboire résulteront dans la +forte augmentation de revenu+ promise » aux chauffeurs.

« L’accord amiable, validé mutuellement par les deux parties, était juste et raisonnable. Nous sommes déçus par cette décision et nous regardons nos options », a déclaré en retour un porte-parole d’Uber. Le groupe affirme par ailleurs qu’aux Etats-Unis près de 90% de ses chauffeurs apprécient la flexibilité et l’autonomie que leur assure le statut de travailleurs indépendants.

Face aux revendications de ses chauffeurs, on comprend de plus en plus pourquoi Uber mise désormais sur voitures autonomes et robots.

En attendant, le juge demande désormais aux parties de se concerter sur la suite de la procédure, une audience est prévue le 15 septembre prochain. Uber a tout intérêt à proposer un nouvel accord. D’autant plus que – comme l’indique La Tribune – « en cas de procès avec des jurés, le modèle de développement de la firme pourrait être remis en cause. » Car, comme le rappelle le journal « le géant des VTC s’appuie en effet sur l’extrême flexibilité de ses chauffeurs indépendants pour s’épargner de payer des salaires, des cotisations, et des frais d’entretien des véhicules ». Si la justice décidait de considérer les chauffeurs comme des salariés, ce modèle de « l’économie partagée » conclut enfin le journal.

Sources : AFP, Reuters, Le temps.ch, La Tribune

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 21 août 2016

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