Un suicide est-il à l’origine du crash de l’A320 de Germanwings?

Un suicide est-il à l’origine du crash de l’A320 de Germanwings ? C’est la piste la plus plausible après que le procureur de la République de Marseille Brice Robin a dévoilé jeudi 26 mars les dernières avancées de l’enquête. Le magistrat a évoqué « une volonté de détruire l’avion » de la part du copilote de l’appareil Andreas Lubitz, un jeune pilote allemand de 28 ans embauché en 2013 par la compagnie. Ce dernier a enclenché la descente de l’appareil via le FMS (Flight Management System), une action qui « ne peut être que volontaire » a martelé le procureur, et a refusé de ré-ouvrir la porte du cockpit au commandant de bord après que celui-ci de soit absenté du poste de pilotage.

Certes, le magistrat et Carsten Spohr, le patron de Lufthansa (maison-mère de Germanwings) se sont refusés à endosser le terme de suicide jeudi 26 mars lors de leurs conférences de presse respectives. Mais leur réticence relève plus du débat terminologique que du démenti : « Quand vous êtes responsable de 150 personnes, je n’appelle pas cela un suicide », a ainsi assuré le procureur de Marseille. « Si une personne se tue et tue 149 autres personnes, un autre mot devrait être utilisé, pas suicide », a abondé Carsten Spohr.

De nombreux cas dans l’histoire

Si la thèse reste évidemment encore à confirmer, ce ne serait pas la première fois qu’un acte volontaire d’un membre de l’équipage serait à l’origine d’une catastrophe aérienne. Le 9 février 1982, le pilote d’un DC-8 de Japan Airlines met son appareil en piqué au moment de l’atterrissage près de Tokyo et s’écrase, faisant 24 morts. L’enquête conclut à une crise de folie suicidaire. Le 21 août 1994, le pilote d’un ATR-42 de Royal Air Maroc écrase aussi délibérément son avion dans l’Atlas. A la copilote faisant part de son inquiétude, il aurait juste répondu : « mourir, mourir ».

Les autorités américaines avaient aussi conclu au suicide d’un pilote pour l’accident d’un 737 de la compagnie singapourienne SilkAir en décembre 1997 à Sumatra, et pour le crash d’un 767 d’EgyptAir au large des côtes du Massachussetts, les autorités des pays concernés réfutant cette version. Plus récemment, en novembre 2013, le pilote d’un Embraer 190 de la compagnie mozambicaine LAM avait délibérément écrasé son appareil dans le nord-est de la Namibie, après s’être enfermé dans le cockpit de l’avion.

Est-il possible de prévenir ces actes désespérés ? « Malgré toutes les normes que nous appliquons, on ne peut jamais empêcher qu’un tel événement ne puisse se produire », a reconnu le patron de Lufthansa, tout en assurant mettre « l’accent sur la capacité psychologique de nos candidats à prendre les commandes d’un avion ». Difficile en effet pour les compagnies d’anticiper ce genre de situation malgré toutes les procédures de contrôle mises en place. « Le suivi psychologique des pilotes est le plus délicat, car c’est une population qui est le plus souvent en vol ou loin de sa base », reconnaît un cadre proche des navigants chez Air France (3.500 pilotes).

Un chef pilote chez Air France depuis 2012

Depuis 2012, la compagnie française a d’ailleurs modifié ses procédures de management en créant le poste de « chef pilote » pour 80 ou 100 pilotes et chargé de faire « l’interface avec la direction ». « Un moyen d’être davantage en contact avec eux, afin de lutter contre la distance et de redonner de la proximité », assure la même source. L’aspect psychologique et la vie quotidienne sont également davantage pris en compte dans l’encadrement, autrefois purement axé sur l’aspect professionnel. Il existe aussi des filtres plus classiques pour détecter les cas de dépression ou autres problèmes d’ordre psychologique, commun à la plupart des compagnies : la visite médicale annuelle obligatoire pour tous les pilotes devant une autorité indépendante et celle, une fois tous les deux ans, de la médecine du travail.

Insuffisant, estime Patrick Magisson, pilote A320 et membre du syndicat SNPL, cité dans le Figaro : « Nous nous entraînons très régulièrement pour faire face à une perte de conscience ou à une maladie grave de notre co-pilote, mais pas à la volonté suicidaire, estime-t-il. Ce drame pourrait peut-être permettre de prendre conscience de la nécessité de suivre davantage l’état psychologique des pilotes. Nous avons une visite médicale par an, mais entre ces deux visites, il peut vous arriver tellement de choses ».

L’idée d’imposer au moins deux personnes à tout moment dans les cockpits d’avions commerciaux est aussi en train de faire son chemin. La compagnie low-cost norvégienne Norwegian vient d’annoncer cette mesure à l’AFP, applicable dès vendredi 27 mars. La réglementation européenne n’impose pas cette obligation à l’heure actuelle.

Par Vincent Lamigeon et Pauline Damour


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