Venezuela : l’usine Kimberly-Clark occupée à la demande de Maduro

On ne parlait que très peu du Venezuela dans les media jusqu’à présent et pourtant … le pays est au plus mal. Encore une fois, c’est peut-être l’impact de la sévère crise qui frappe cette contrée d’Amérique latine sur les intérêts occidentaux qui pourrait le mettre sur le devant de la scène.

Le président Nicolas Maduro vient d’ordonner lundi l’occupation de l’usine de l’entreprise américaine Kimberly-Clark au Venezuela, mettant ainsi à exécution sa menace d’intervenir sur les firmes qui cessent leurs activités en raison de la crise économique.

Samedi, l’usine Kimberly-Clark de la ville de Maracay, située à une centaine de kilomètres de Caracas, avait annoncé qu’elle cessait sa production d’articles d’hygiène en raison de la détérioration des conditions économiques au Venezuela.

Parallèlement, Kimberly-Clark annonçait qu’elle cessait ses activités au Venezuela en raison d’un manque de devises pour acheter les matières premières. Pointant du doigt également l’augmentation rapide de l’inflation, laquelle s’est chiffrée à 180,9% en 2015 et que le Fonds monétaire international (FMI) évalue à 720% pour 2016. Selon le principal organisme patronal du Venezuela, Fedecamaras, en mai dernier, plus de 85% de l’industrie vénézuélienne était paralysé par manque de matières premières.

Installée au Venezuela depuis plus de 20 ans, l’entreprise américaine a déclaré que les conditions actuelles rendaient impossible le fonctionnement de son usine de Maracay, laquelle fabrique notamment du papier hygiénique et des couches, ajoutant toutefois que si les conditions changeaient, elle étudierait la viabilité d’une reprise de ses activités dans le pays.

La mesure d’occupation a été annoncée publiquement lundi dans les locaux de l’entreprise par le ministre du Travail Oswaldo Vera, ce dernier assurant que le gouvernement répondait ainsi à une demande des employés de l’usine. « Nous décrétons l’occupation immédiate de l’entreprise Kimberly-Clark Venezuela par les travailleurs », a déclaré M. Vera, acclamé par le personnel. Le ministre a ordonné le redémarrage des machines. « A partir d’aujourd’hui, Kimberly-Clark rouvre ses portes et reprend sa production », a-t-il annoncé.

Le géant américain a réagi pour sa part à l’occupation du site en déclarant dans un communiqué que désormais le gouvernement sera responsable du personnel et des installations.

La prise de contrôle de cette usine constitue la première mise à exécution de la menace lancée il y a deux mois par M. Maduro aux entreprises qui voudraient cesser leurs activités au Venezuela en raison de la crise. « Usine arrêtée, usine occupée par la classe ouvrière », tel était alors le slogan qu’il avait lancé, l’occupation étant considéré comme un moyen de garantir le maintien de la production et des postes de travail de la classe ouvrière, avec pour objectif plus large encore de faire en sorte que toute la population puisse s’approvisionner.

Rappelons qu’en mai dernier, à la suite de la prolongation de « l’état d’exception et d’urgence économique », mis en place depuis la mi-janvier, le gouvernement a étendu ses pouvoirs en matière de sécurité, de distribution alimentaire et d’énergie. Raisons invoquées : des « menaces extérieures ».

À travers ce décret le gouvernement a étendu – pour l’instant pour une durée limitée – ses prérogatives en matière de sécurité et de distribution alimentaire. L’armée et la police ayant reçu pour ordre de « garantir la distribution et la commercialisation des aliments et produits de première nécessité ».

Parallèlement Nicolas Maduro avait également annoncé la saisie d’usines et ordonné « des exercices militaires nationaux des Forces armées, du peuple et de la milice » pour se « préparer à n’importe quel scénario ». Des comités locaux de citoyens, récemment créés, se sont vus dès lors dotés de pouvoirs de « surveillance » et de « maintien de l’ordre » pour « garantir la sécurité et la souveraineté du pays ».

« Des dirigeants du travail doivent être à la direction des entreprises pour garantir les droits des travailleurs et des travailleuses et toute personne doit connaître tous les aspects du fonctionnement des usines pour assurer qu’elles ne s’arrêtent pas par boycott ou par des tentatives de déstabilisation. Si Nicolás Maduro était renversé, la classe ouvrière déclarerait immédiatement la grève générale indéfinie dans tout le pays, nous n’attendrions pas 1 mois ou 2. Si cela arrivait, toute l’économie serait paralysée jusqu’au retour du Président » a récemment déclaré quant à lui Carlos López, actuel secrétaire général de la Centrale Socialiste Bolivarienne des Travailleurs du Venezuela, interrogé lors d’un voyage en Argentine.

Lundi, le ministre du Travail a réitéré l’avertissement de M. Maduro aux entreprises. « Bienvenue au secteur des affaires qui veut accompagner le gouvernement, mais une entreprise qui sera fermée sera une entreprise qui sera occupée et ouverte par les travailleurs et le gouvernement révolutionnaire, a ainsi déclaré M. Vera.

Plusieurs autres firmes internationales installées au Venezuela ont également suspendu leurs activités ces derniers temps, certaines pour une courte durée d’autres pour une durée indéfinie.
Ainsi, en mai dernier, Coca Cola a suspendu une grande partie de sa production locale en raison du manque de sucre pour toutefois la reprendre en juin. Les groupes américains Kraft Heinz et Clorox ont également arrêté leurs activités.

Selon le président vénézuélien, les difficultés économiques actuelles font partie d’un plan de ses adversaires en vue de déstabiliser son pouvoir. Rappelons que M. Maduro est l’héritier et le successeur de Hugo Chavez, président du Venezuela de 1999 jusqu’à son décès en 2013 et ouvertement opposé aux Etats-Unis.

La dégringolade du prix du baril a été fatale pour le Venezuela, qui connait depuis une grave crise économique, la manne pétrolière constituant l’essentiel de ses revenus.  Selon des organismes privés, près de 80% des produits de première nécessité sont désormais quasi-introuvables.

A noter également que depuis 2003, un strict contrôle des changes est en vigueur dans le pays, aboutissant à une monopolisation des devises par l’Etat. De plus, l’accès du secteur privé aux devises a été très restreint par la chute des prix du pétrole, source de 96% des entrées de devises dans le pays.

Le pays se trouve également plongé dans une profonde crise politique. L’opposition, majoritaire au Parlement depuis les dernières élections législatives, réclame la tenue d’un référendum pour révoquer le président actuel.

Dans son intervention de lundi, M. Maduro a par ailleurs affirmé, sans fournir de plus amples précisions, que la banque américaine Citibank allait fermer le compte que la banque centrale du Venezuela utilise pour ses paiements internationaux.  Il a déclaré que le Venezuela était la cible d’un blocus financier mais qu’il saurait y résister.

« Vous croyez que vous allez nous arrêter en déclenchant un blocus financier ? Non, messieurs, personne n’arrête le Venezuela. Avec Citibank ou sans Citibank, nous avançons. Avec Kimberly ou sans Kimberly, le Venezuela avance », a lancé M. Maduro.

Sources : AFP, France24, Bolivarinfos

Elisabeth Studer – 12 juillet 2016 – www.leblogfinance.com

Le Blog Finance