Vers une nouvelle crise du lait ? l’industrie laitière exhorte la grande distribution à une prise de conscience

Alors que se tiennent actuellement les négociations annuelles pour les prix des produits laitiers et que la guerre fait rage entre transformateurs et distributeurs, au bout de la chaîne, les producteurs craignent quant à eux de servir de variable d’ajustement.

Si les industriels ont vu leurs prix d’achats auprès des producteurs grimper de 8 à 9 %, ils souhaitent en effet répercuter leur hausse du prix de revient aux distributeurs, lesquels ne l’entendent pas de la sorte, refusant de céder d’un iota sur les tarifs des grandes marques.

Un contexte pour le moins tendu qui vient de pousser l’industrie laitière à réclamer une « prise de conscience » de la grande distribution sur les prix du lait en cours de négociation, alors que les cours mondiaux ne cessent de flamber, dopés notamment par la demande chinoise.

« Il faut que le reste de la distribution prenne conscience de l’importance des enjeux, comme le fait Serge Papin », le patron de Système U qui a dénoncé récemment le « manque de responsabilité » de son secteur, a ainsi déclaré à la presse Olivier Picot, président de la Fédération nationale des industries laitières (FNIL).

« Seule la distribution est en mesure de prendre des initiatives, sinon on va au clash », a-t-il prévenu. Il estime en effet que l’industrie laitière n’est pas en capacité «de payer le supplément de la facture » aux producteurs.

Selon lui, le secteur est confronté à « deux impasses commerciales : une rentabilité insuffisante et la loi ». Rappelant qu’entre 2009 et 2011, l’industrie laitière a réalisé en moyenne 300 millions d’euros de bénéfices par an, chiffre qui ne correspond tout au plus qu’à 1,5% de son chiffre d’affaires, il considère au final qu’il s’agit d’une « activité à faible marge », et donc bien incapable de financer la hausse des prix du lait.

Seule issue possible selon Olivier Picot : « il faut que la distribution change ses relations avec ses fournisseurs » en négociant « des solutions individuelles » prenant en compte « la réalité du marché ».

Reste en tout état de cause que le rapport de force ne facilite pas les négociations, le secteur étant très concentré puisque l’industrie n’a que « cinq clients ».

Selon la FNIL, le prix du lait a augmenté de 9% durant l’année 2013, tandis que dans les rayons, le prix moyen des produits laitiers chutait quant à lui de près de 1%, transformateurs et distributeurs cherchant tous deux à baisser les prix. Or, 50% du chiffre d’affaires de l’industrie laitière provient de la grande distribution, selon la Fédération.

Ce qui donne à Olivier Picot les arguments pour dénoncer « une situation très paradoxale, totalement déflationniste et une déconnexion du consommateur de la réalité des produits », les prix en magasin chutant même lorsque le prix du lait atteint des records.

Alors que les produits laitiers représentent 15% des dépenses alimentaires des Français, et 2% du budget total des ménages, Olivier Picot  accuse par ailleurs « le pouvoir politique » de « souhaiter une guerre des prix » au profit du pouvoir d’achat. Il dénonce ainsi « un blocage complet issu de Bercy » au sein même du processus de négociations, situation propice à faire régner « la loi du plus fort ».

Selon lui, « il n’est pas raisonnable d’être dans des affrontements destructeurs de l’amont agricole et industriel », redoutant au final un déclin général de la filière et des conséquences fâcheuses pour l’emploi.

Alors que les indicateurs officiels des marchés laitiers mise sur un prix du lait payé au producteur d’environ 400 € les 1 000 litres, « la réalité est tout autre, de l’ordre de 335 € », a déclaré en début de semaine Ludovic Blin, président de la section lait de la FDSEA de la Manche. Conséquence selon lui de l’absence de répercussion des hausses par les transformateurs, mais aussi par la grande distribution.

Si à l’issue des négociations, le 28 février prochain, aucun geste n’a été fait en faveur des producteurs, les instances syndicales agricoles laissent d’ores et déjà entendre qu’elles ne seront pas en mesure d’empêcher des actions contre la grande distribution et les transformateurs.
Sources : Ouest-France, AFP, Presse agricole

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 19 février 2014


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