Y a-t-il un risque de krach?

A la tête du premier réseau d’agences immobilières de France, le président d’Orpi appelle les vendeurs à baisser leurs prix. Une première. Voici les réponses qu’il a faites à Challenges. Vous pouvez aussi poser les vôtres. Il y répondra et votre contribution à cette interview interactive seront mises en ligne mercredi prochain. Pour ce faire cliquez ici

Challenges. Le nombre de transactions a chuté de 20% en un an. Pourquoi?

Bernard Cadeau. Il y a la peur du chômage, sans aucun doute, et surtout l’attitude des banques. En exigeant un apport plus important et des durées de remboursement plus courtes qu’il y a deux ans, elles ont fait disparaître les deux moteurs du redémarrage du marché en 2009: les primo-accédants et les investisseurs. Avec des revenus de 4.000 euros net à deux et 900 euros de loyer à payer chaque mois, il faut beaucoup de temps pour rassembler un apport personnel de 20.000 à 30.000 euros!

Cette chute des volumes n’est-elle pas causée par les prix, trop élevés?

En partie: nous faisons en moyenne 40.000 ventes par an et, depuis des mois, nos 1.250 agences constatent un écart croissant entre le prix demandé par les vendeurs et celui auquel il faudrait mettre le bien en vente pour qu’il corresponde au pouvoir d’achat des acquéreurs. Alors oui, il faut sortir de la langue de bois et dire qu’il y a des biens qui sont trop chers! C’est pourquoi nous avons lancé une campagne auprès de nos clients vendeurs pour leur proposer, à chaque fois que nous le jugeons nécessaire, de baisser de 5 à 15% leurs prix. Il faut redonner de la fluidité au marché.

Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt?

Nos vendeurs ont en tête les prix dont ils ont entendu parler: ils savent que M. X, leur voisin, a vendu son logement 300.000 euros. Comme ils estiment que le leur est mieux et qu’ils sont habitués à ce que les prix montent, ils vont en demander 320.000 euros. Notre travail va consister à les convaincre de la réalité du marché. Il y a quelques mois encore, ils n’étaient pas prêts à entendre ce discours. Aujourd’hui, les délais de vente dépassent cent jours en moyenne, avec des pics nettement supérieurs dans certaines régions.

Comment faites-vous pour les convaincre?

Nous avons développé une étude du marché qui tient compte de l’état du bien, mais aussi de l’activité du quartier ou de la ville où ils sont situés, car il y a des régions où le contexte économique régional se fait davantage sentir et d’autres, les zones tendues, qui conservent une forte demande.

Les propriétaires qui ont baissé leurs prix ont-ils vendu plus rapidement?

Nous avons contacté 5.000 de nos clients vendeurs et en avons convaincu 2.000 de revisiter leurs prix, avec des baisses jusqu’à 15%. Les résultats sont là. A Toulouse, le responsable d’une de nos agences m’a expliqué qu’il a revisité les prix de treize biens et que cela lui a permis d’en vendre quatre dans un délai de trois semaines!

Cette baisse de prix est-elle suffisante pour débloquer le marché?

Sans doute pas, mais nous sommes dans un cercle vertueux. En se mettant au diapason du marché et en baissant les prix, on redonne de la capacité d’achat aux vendeurs. Or huit vendeurs sur dix deviennent ensuite des acheteurs. Et en vendant aux conditions du marché, on est en capacité d’acheter aux conditions du marché.

Encore faut-il accepter de faire une moins-value!

Mais pas du tout. La plupart des clients du réseau Orpi ont acheté il y a quelques années. En se mettant au prix du marché, on reste au-dessus des prix de 2009. Et la plupart de nos clients ont acheté bien avant. Pour eux, il n’y a pas de moins-value. C’est juste un effort qui leur permet de se mettre au niveau du marché.


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