Courtiers en crédit : les belles années à venir

Alors que les banques enchainent les fermetures d’agence et quittent progressivement le terrain, les courtiers en crédit immobilier montent en puissance, poussés par un marché immobilier pas si atone que çà. Fort d’une représentation professionnelle enfin reconnue et bénéficiant d’un cadre juridique qui leur faisait défaut, les courtiers français sont prêts à rattraper leur retard par rapport aux pays anglo-saxons.

Occuper l’espace laissé libre par la banque

C’est peu dire qu’Internet a changé les habitudes du particulier. La banque à distance permet à chacun de gérer les opérations courantes et rend moins nécessaire le passage à l’agence. La relation conseiller-client n’est désormais plus la même, même si moins de 2% des Français souscrivent à une banque 100% en ligne.

En même temps, le conseiller en clientèle, devenu un généraliste aux 200 produits, ne dispose plus du temps nécessaire pour identifier les besoins de son client et a du mal à assurer sa mission de conseil. Cette évolution rend le développement des intermédiaires spécialisés plus nécessaire que jamais.

Un rôle aux compétences multiples

Penser que le rôle du courtier en crédit se borne à négocier le meilleur taux est quelque peu réducteur. Son devoir de conseil l’amène à analyser les besoins, à établir un plan de financement et à bâtir plusieurs scénarios pour s’adapter à la situation financière et patrimoniale de son client.

Sa maîtrise des techniques bancaires (lissage, modulation des échéances) et sa parfaite connaissance de la réglementation crédibilisent sa démarche et prouvent son expertise dans le domaine du financement. Et surtout il consacre du temps à son client, là où le conseiller clientèle n’en dispose plus.

Ses compétences s’élargissent le plus souvent à l’assurance emprunteur, ce qui lui permet de mettre le contrat groupe bancaire en concurrence avec des contrats externes.

Enfin, il s’occupe de monter le dossier de prêt et entame une négociation directe avec une ou plusieurs banques.

Reste à chaque emprunteur à trouver l’intermédiaire idéal qui répondra au mieux à ce « cahier des charges ».

Une représentation professionnelle reconnue par les pouvoirs publics

La création de l’Association Professionnelle des Intermédiaires en Crédit (APIC) en juillet 2010 par 4 acteurs majeurs du courtage marque une étape importante dans le processus de structuration de la profession. Elle permet aux courtiers en crédit d’avoir une représentation professionnelle auprès des pouvoirs publics. Ce statut de référent lui a permis de participer activement à la rédaction de la Loi du 22 octobre 2010 qui réglemente la profession. L’APIC a connu un succès immédiat et à peine 4 ans plus tard, l’association fédère plus de la moitié de l’activité et est devenue l’interlocuteur légitime auprès des pouvoirs publics.

Un cadre juridique strict

Le rapport commandé par Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie et des Finances, à Bruno Deletré, inspecteur général des finances est à l’origine de la Loi nº2010-1249 du 22 octobre 2010, entrée en vigueur en janvier 2012. À l’instar des conseillers en investissements financiers (CIF), le législateur a réglementé l’accès à la profession et imposé des conditions de compétence professionnelle.

Il a introduit un devoir de conseil étendu et prévu des sanctions pénales en cas de manquement. Enfin, il oblige les cabinets à souscrire à une assurance de responsabilité professionnelle.

La directive européenne sur le crédit immobilier (CARRP), votée par le Parlement européen le 10 septembre 2013 devrait quant à elle entrer en vigueur en 2016. Elle vise à renforcer les dispositifs juridiques actuels, notamment en matière de devoir d’information et devrait permettre une harmonisation des réglementations actuelles.

Les modèles anglo-saxons

Même s’il est difficile de transposer le modèle français, encore embryonnaire, aux marchés étrangers et notamment anglo-saxons, les courtiers nationaux ont pu vérifier la corrélation qui existe entre une réglementation stricte de la profession et le taux de pénétration du marché.

C’est le cas en Grande-Bretagne où la profession est réglementée depuis 2004. Les courtiers britanniques commercialisent aujourd’hui 6 dossiers de prêt immobilier sur 10. Aux États-Unis où l’activité de courtage existe historiquement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les courtiers en crédit sont à l’origine de plus de 70% des financements.

Les autres pays européens ne sont pas en reste, même si les parts de marché n’atteignent pas les scores britanniques et américains.

À noter que les pays où les courtiers représentent une part faible de parts de marché sont aussi ceux qui ont peu réglementé l’activité. C’est le cas par exemple de l’Allemagne et de la Belgique.

Les enjeux à venir

Les courtiers vont devoir faire face à de multiples enjeux et tout d’abord résister à une concurrence accrue. Outre les collecteurs CIL qui exercent depuis longtemps le courtage en crédit, le marché intéresse désormais les réseaux d’agents immobiliers comme Century 21 qui a entrepris de former ses franchisés.

Dans cette nouvelle configuration, la course à la taille est devenue une nécessité. L’objectif est d’occuper le plus possible le terrain pour accroitre rapidement ses parts de marché et négocier au mieux ses intérêts face aux partenaires banquiers.
Meilleurtaux.com, détenu par le fonds Equistone Partners vient de dépasser les 200 agences, soit autant que Cafpi, le leader historique. In&Fi Crédits a atteint les 100 agences et Empruntis qui ne fonctionnait jusqu’à présent qu’à distance a entrepris à son tour d’installer des agences physiques.

L’arrivée de la centrale de financement détenue à 60% par Artémis, la holding de François Pinault sur un marché qui pourrait atteindre 40% d’ici à 2018 prouve à quel point les perspectives de développement sont importantes. Les courtiers français peuvent avoir le sourire.

Article rédigé par Louis SERICOLA, fondateur et gérant du site Creditas, portail d’information indépendant sur le crédit immobilier.

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