Iran : Boeing et Airbus concurrencés par Mitsubishi 

Boeing et Airbus concurrencés en Iran. Selon des medias, un haut responsable iranien aurait déclaré que le pays mène actuellement des discussions en vue d’ouvrir la liste de ses fournisseurs aéronautiques à d’autres entreprises que les deux géants mondiaux.

L’Iran aurait ainsi lancé une campagne d’acquisitions plus large, en vue d’acheter de nouveaux appareils, le pays poursuivant actuellement un programme de rénovation de sa flotte aérienne, tentant ainsi de mettre fin au contexte hostile à de tels achats né de son programme nucléaire controversé.

Selon Reuters, un responsable iranien aurait ainsi affirmé que l’Iran prévoyait d’ acheter environ 50 nouveaux appareils de différents types dans un avenir proche. Interrogé sur les types d’avions que Téhéran serait susceptible d’acquérir, l’officiel iranien a indiqué que ces derniers seraient similaires mais d’un niveau plus petit que ceux que le pays avait acquis jusqu’à présent. Des propos qui interviennent alors que  Boeing réfléchit actuellement  à l’opportunité de développer un appareil Middle of Market

Reuters ajoute par ailleurs que les responsables iraniens ont assisté à la salon aéronautique de Farnborough en Grande-Bretagne la semaine dernière et ont tenu des discussions préliminaires avec plusieurs vendeurs potentiels, y compris avec le japonais Mitsubishi, lequel développe un nouveau jet régional.

Le 12 juillet dernier, les medias japonais ont indiqué pour leur part que leur compatriote Mitsubishi menait actuellement des négociations avec l’Iran en vue d’équiper le pays avec ces jets passagers régionaux actuellement en cours de développement.

Le journal Nikkei  a ainsi affirmé que Mitsubishi Aircraft – bras aéronautique de Mitsubishi Heavy Industries – avait démarré des études de marché en Iran en septembre dernier, quatre mois avant la levée officielle des sanctions US. La société négocie l’achat d’appareils avec la compagnie nationale iranienne Iran Air et Iran Aseman Airlines, ainsi qu’avec les autorités iraniennes de l’aviation.

Selon Nikkei, Iran Air pourrait acquérir 80 jets régionaux Mitsubishi de 70 places pour effectuer des liaisons intérieures. Le mois dernier, les deux parties auraient également discuté d’un possible accord lors de la conférence de l’Association du transport aérien international qui s’est tenue à Dublin. Toujours selon le journal nippon, Mitsubishi tente d’obtenir l’aide du gouvernement japonais pour l’acquisition de ces appareils, souhaitant tout particulièrement accéder à un financement soutenu par l’Etat.

– Le Mitsubishi Régional Jet : nouveau venu sur le marché 

Le MRJ (Mitsubishi Regional Jet), premier programme d’avion civil japonais depuis 50 ans, a effectué son premier vol sans encombre le 11 novembre 2015 à Nagoya, sept ans après le lancement industriel du programme. L’appareil sera décliné en deux versions: le MRJ-90 de 90 sièges dont la première livraison était initialement prévue au printemps 2017 à la compagnie japonaise ANA mais a été reportée d’un an et une version plus courte de 78 places, dite MRJ-70.

L’appareil pourra transporter selon les versions  entre 76 à 88 passagers sur une distance de 3000 kilomètres. Equipé de moteurs Pratt & Whitney (PW1200G), sa vitesse de croisière sera de 900 km/h. Quant à son prix catalogue, il oscille entre 46 millions de dollars pour le MRJ70 et 47 millions de dollars pour le MRJ90.

L’avionneur nippon espère en vendre quelques 2 500 exemplaires sur les vingt prochaines années et s’emparer ainsi de la moitié du marché des avions régionaux (de 70 à 90 places), largement dominé aujourd’hui par Bombardier et Embraer.

– Récents accords avec Boeing et Airbus

Rappelons qu’en janvier dernier, l’Iran a signé un important contrat avec le géant européen Airbus d’une valeur de 27 milliards de dollars en vue d’acquérir 118 appareils au cours des prochains moins. Le contrat a été signé lors de la visite à paris du président iranien Hassan Rouhani.

En juin dernier, Téhéran a également scellé un accord d’une valeur d’environ 25 milliards de dollars avec le poids lourd de l’aéronautique américain, Boeing, pour l’achat de 100 avions passagers.

Mais l’accord avec Boeing pourrait se voir être interdit par le Congrès US, alors que les législateurs américains semblent prendre des mesures de plus en plus strictes envers l’Iran. Les offres de Boeing et Airbus voient en effet le jour après la levée des sanctions contre le régime iranien prise en vertu d’un accord nucléaire historique entre l’Iran et les États-Unis , la Russie , la France, la Grande-Bretagne, la Chine et l’Allemagne en le 14 juillet 2015.

Toutefois, les banques américaines demeurent interdites de transactions avec l’Iran dans le cadre d’un ancien embargo commercial américain qui reste toujours en place. En conséquence, cela est censé d’ores et déjà bloquer toutes les transactions avec Téhéran basées sur des dollars US, étant donné que ces dernières devraient être au final être acceptées par le système bancaire américain.

Selon Reuters, le haut responsable iranien aurait exhorté les gouvernements occidentaux et les constructeurs à agir en vue de résoudre les problèmes les concernant, y compris la question du financement. Il aurait ajouté que des banques italiennes et allemandes avaient exprimé leur intérêt pour une éventuelle participation. Des sources provenant de l’industrie aéronautique affirment quant à elles que les Emirats Arabes Unis et la Chine pourraient jouer un rôle.

De nombreuses banques occidentales hésitent encore à l’heure actuelle à soutenir les offres de Boeing et Airbus. Plus globalement, les entreprises mondiales se plaignent toujours des difficultés à commercer avec le pays –  et ce, malgré la levée en janvier dernier des sanctions économiques prises à l’encontre de l’Iran –  en raison de craintes persistantes d’éventuelles actions punitives américaines qui pourraient être menées à l’encontre de ces transactions.

– Vers la création d’un hub financier sur l-île de Qeshm pour contourner le problème lié au dollar ?

A la mi-juin, l’Iran a déclaré qu’il se préparait à lancer un hub financier sur l’île de Qeshm en vue de faciliter les transactions financières overseas du pays, lesquelles demeurent freinées à l’heure actuelle par le maintien de sanctions américaines.

Selon les medias iraniens et US, Farhad Taghizadeh – Hesary, conseiller senior de Qeshm Investment and Development Company, a ainsi déclaré que le plan mis en place visait à aider Téhéran à attirer les institutions financières sur le marché iranien.

Taghizadeh-Hesary a par ailleurs précisé à l’agence Bloomberg, que le but de ce centre financier n’était pas de se limiter au périmètre de Qeshm mais d’être une fenêtre pour tout le pays. Il a également ajouté que des banques de Chine, Russie et Japon avaient d’ores et déjà engagé des négociations en vue d’établir des bureaux de représentation dans la région, refusant toutefois  de nommer les entreprises concernées. Rappelons à cet égard que l’île de Qeshm est situé dans le détroit d’Ormuz, un endroit stratégique pour le commerce international, 20 % du pétrole mondial y transitant annuellement. Téhéran a fait de cette zone franche une région dans laquelle les règles administratives et commerciales sont allégées pour faciliter les échanges commerciaux.

« Nous avons beaucoup de projets réalisables dans les différents secteurs intéressants les investisseurs étrangers. Cependant, l’un des goulets d’étranglement est le manque d’accès à des crédits à des taux bon marché. Le centre financier peut nous aider à accéder à ce type de financement » , a ajouté Taghizadeh – Hesary.

La restriction des banques US d’opérer une quelconque transaction en dollar avec l’Iran constitue un obstacle majeur freinant tout particulièrement les affaires avec Téhéran. De telles mesures découragent en effet les entreprises internationales de s’attaquer au marché iranien, les paiements en dollars étant susceptibles d’obtenir l’aval du système bancaire américain.

A maintes reprises l’Iran a réitéré ses critiques envers les Etats-Unis pour leur volonté de maintenir les restrictions relatives au dollar. En juin dernier, Mohammad Javad Zarif, le Ministre des Affaires Etrangères iranien a ainsi  déclaré que Washington devait faire davantage en vue d’encourager les banques à traiter avec l’Iran.

Le 3 juin dernier, le vice-ministre iranien des Transports Asghar Fakhrieh Kashan a quant à lui indiqué que l’accord entre l’Iran et le constructeur européen attendait toujours l’autorisation des Etats-Unis. « Nous avons discuté avec Airbus des canaux pour le financement qui ont été définis. Des banques sont prêtes à apporter le financement, mais Airbus a du retard pour obtenir l’autorisation des Etats-Unis » pour conclure le contrat, a ainsi déclaré M. Kashan. Airbus doit en effet obtenir l’accord de l’OFAC (Bureau américain pour le contrôle des avoirs étrangers) qui dépend du Trésor US, plus de 10% des composants des Airbus étant d’origine américaine.

Selon le site spécialisé Aviation Daily, John Leahy, directeur commercial d’Airbus, s’est récemment inquiété des dangers menaçant l’accord. « Nous devons avoir un système bancaire international fiable » pour éviter que l’accord ne soit compromis, a-t-il ainsi déclaré à Aviation Daily. Ajoutant que la question du financement devait être résolue dans les prochains mois, faute de quoi il n’y aura pas d’accord. Selon lui, « les banques sont très timides » pour faire des affaires avec l’Iran, notamment par crainte de mesures punitives américaines. Le vice-ministre iranien des Transports avait quant à lui rappelé que le protocole d’accord était de type location-vente et que les fonds devaient provenir de financements bancaires.

En vue de pouvoir vendre des appareils sur le marché iranien, Boeing et Airbus doivent obtenir des licences d’exportation de la part des autorités américaines, leurs appareils utilisant des technologies US. Mais si l’on en croit des experts du secteur, même en cas d’obtention de ces précieuses licences, la mise en oeuvre des contrats devrait prendre du temps en raison des incertitudes sur le financement, les entreprises iraniennes restant pour l’instant privées de tout accès au système financier américain.

– Bombardier également en piste –

Précisons enfin qu’en avril dernier, le président exécutif du conseil d’administration du constructeur aéronautique canadien Bombardier, Pierre Beaudoin, s’est rendu en Iran, en vue notamment de discuter  de la création d’une compagnie aérienne privée dans le sud du pays. À Téhéran, M. Beaudoin a ainsi rencontré des responsables de l’Autorité de la zone franche de Qeshm, alors que directeur de cette région, Hamid Reza Momeni, avait préalablement déjà déclaré qu’il souhaitait équiper l’île d’une compagnie aérienne privée.

Si la zone franche avait déjà indiqué qu’elle souhaitait mettre en place une compagnie privée régionale cette année, le  porte-parole de la région, Morteza Sheikhzadeh, avait  confirmé en avril dernier à Radio-Canada qu’il y avait une « compréhension de base pour la création d’une compagnie aérienne privée à Qeshm ».

Sources : Reuters, Nikkei, PressTV.IR, Bloomberg, AFP, Radio-Canada

Elisabeth Studer – 18 juillet 2016 – www.leblogfinance.com

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