Mort annoncée des paradis fiscaux

Après d’intenses négociations diplomatiques, la Suisse et Singapour ont signé une déclaration officielle selon laquelle les deux pays s’engagent à se rallier au mode d’échange automatique de renseignements bancaires, à l’issue d’une réunion ministérielle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le 6 mai 2014. Cet accord, signé par 44 pays dont les membres de l’OCDE et l’ensemble les pays du G20, est un évènement dans l’histoire économique contemporaine.

En effet, ces accords remplaceront à partir de 2017 les accords actuels, qui prévoyaient que la transmission de données bancaires ne s’effectuait qu’en cas d’enquête du FISC ou de la justice, fonctionnant de gré à gré de l’Etat interrogé.

Pourquoi ce revirement ?

Une ouverture avait d’ores et déjà été faite par les Etats-Unis suite à la divulgation de noms de 4450 titulaires de comptes américains soupçonnés d’évasion fiscale en Suisse par la banque UBS ( qui a payé 780 millions de dollars d’amende au FISC américain), décision historique très vite soutenue par le « G5 » européen (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie) soutenue entraînant une évolution non négligeable de la notion du secret bancaire chez les Helvètes. Par ailleurs, le Crédit Suisse avait également accepté de divulguer les noms de ses clients français détenteurs de titres boursiers et d’un compte en Suisse, par peur de représailles de l’hexagone.

Les révélations d’Offshore Leaks en 2013, les grandes affaires de fraude, dont l’affaire Cahuzac en France, ont aidé à accentuer cette volonté.

Plus récemment, la Suisse avait essuyé le refus de l’Allemagne, concernant un accord qui visait à protéger l’anonymat des fraudeurs fiscaux allemands, malgré que l’Angleterre et l’Italie aient accepté la proposition.

Ce sont donc les menaces et pressions diplomatiques qui auraient permis l’évolution et la négociation avec ces paradis fiscaux. On peut supposer que Singapour a signé l’accord, de peur d’être le prochain sur la liste.

Cette annonce est donc un tournant.  Ce mécanisme, proposé par l’OCDE au G20 en février dernier, , fera en sorte qu’un exilé fiscal ne puisse techniquement plus se cacher. Un exilé fiscal aura donc peu de chances de s’échapper, car d’autres pays tels que l’Autriche, la Malaisie, l’Arabie Saoudite mais aussi les îles Caïmans et Jersey  se sont également engagés. La pression se tourne désormais vers les rares récalcitrants, comme Panama et Dubaï, qui s’exposent actuellement à de fortes pressions diplomatiques et à l’avenir à des sanctions.

L’annonce est donc bel et bien un tournant.

Si c’est capitaux ne pouvaient plus échapper aux différents fiscs, cela serait une aubaine en temps de crise. Une étude publiée par The Guardian le 21 juillet 2012 montrait que la fuite des capitaux des pays en développement depuis les années 1970 aurait permis de rembourser l’ensemble leurs dettes à l’égard du reste du monde, ce qui permet aux gouvernement européens d’espérer rapatrier plusieurs milliards d’euro, même si plusieurs pays ont déjà proposé des mesures clémentes à l’égard des fraudeurs.

La mort annoncée des paradis fiscaux est peut-être bel et bien engagée.