Syrie : un champ pétrolier contrôlé par Daesh détruit par des opérations de la coalition menées par les USA

Alors que nous indiquions dans un récent article que le pétrole permettait de financer  nombre d’opérations de l’Etat Islamique (EI ou Daesh) et que l’or noir était au cœur de son organisation économique, un porte-parole américain a indiqué jeudi que des raids de la coalition menée par les Etats-Unis avaient détruit un champ pétrolier contrôlé par le groupe islamique  dans l’est de la Syrie.

Ceux qui voudraient se réjouir trop vite d’un tel résultat devront tout de même garder quelques vigilances, tout dossier pétrolier étant loin d’être simple, les héros d’un jour pouvant être les loups de demain, et ce, d’autant plus quand la Syrie est mêlée à l’affaire.

La production de brut selon la méthode low-cost pratiquée par l’Etat islamique pourrait quelque part faire concurrence aux majors pétrolières US, en « détournant leur clientèle » dirons-nous poliment. N’oublions pas ainsi, qu’en septembre 2009, Jana Hybaskova, ambassadrice de l’Union européenne en Irak avait affirmé lors du Comité des Affaires étrangères du Parlement européen que certains pays européens avaient acheté du pétrole à « l’Etat islamique » .

Les lobbies pétroliers US pourraient également avoir intérêt à faire baisser le cours du brut pour affaiblir des multinationales « adverses » et tenter de réduire les parts de marché de pays comme l’Arabie saoudite, en les incitant à baisser leur niveau de production pour maintenir les prix. Or, l’offre supplémentaire de pétrole mise ainsi sur le marché par Daesh est également de nature à faire baisser le cours du baril.

En tout état de cause, le responsable américain des opérations, le Major Michael Filanowski, a déclaré à la presse que les frappes de la nuit dernière avaient visé les raffineries contrôlées par Daesh et leurs centres de commande et de contrôle dans le champ pétrolier d’Al-Omar, situé près de la ville de Deir Ezzor.

« Nous avions 26 cibles et elles ont toutes été touchées », a-t-il déclaré. Ajoutant que cela allait « perturber leur capacité stratégique à se financer. »Selon ses estimations, le montant total généré par l’EI grâce à l’exploitation du champ pétrolier d’Al-Omar était compris entre 1,7 et 5,1 millions de dollars par mois (1,5 et 4,6 millions d’euros).

L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a indiqué pour sa part que les raids de la coalition sur Al-Omar avaient détruit des gazoducs et des installations pétrolières. Le directeur de l’OSDH Rami Abdel Rahmane a également ajouté qu’un civil avait été tué et que plusieurs civils et combattants de l’EI avaient été blessés au cours de ces raids.

S’agissant de l’impact géopolitique et économique d’une telle attaque pour la Syrie, rappelons que le pays a signé en juillet 2011 avec l’Irak et l’Iran   un « mémorandum d’entente » pour la construction d’un gazoduc qui, d’ici 2016, devait relier le gisement iranien  de South Pars, le plus grand du monde, à la Syrie et à la Méditerranée. Plusieurs sociétés européennes devaient être associées à l’exploitation de ce « gazoduc islamique”.

Au final, la Syrie où a été découvert notamment un important gisement près de Homs, pourrait ainsi devenir un noeud de transit de couloirs énergétiques, offrant une alternative aux réseaux de gazoducs qui traversent …. la Turquie et à d’autres réseaux de pipelines …. contrôlés par les majors pétrolières US et européennes.

Le projet Iranien de gazoduc “gaz islamique” ou “Islamic Gas Pipeline ” d’un coût estimé à 10 milliards de dollars devrait ainsi traverser l’Irak et la Syrie afin de proposer des livraisons de gaz liquéfié en Europe via les ports méditerranéens de Syrie. D’une longueur de 5.600 km, ses capacités pourraient permettre le transport de 35 Milliards de m³ de gaz par an.

A terme, le Liban, l’Irak, la Jordanie et la Syrie pourront se raccorder à ce gazoduc. Chose qui déplaît fortement aux Etats-Unis et à leurs alliés occidentaux, qui veulent garder la main-mise sur ce gaz, leur “défaite” sur le projet parallèle du gazoduc Nabucco leur restant encore en travers de la gorge. La Turquie ayant quant à elle tout à perdre de ce nouveau pipeline contournant son territoire.

En juillet 2011, les analystes indiquaient d’ores et déjà que la signature de l’accord sur le « gazoduc islamiste » pouvait être vue comme un échec de la stratégie américaine d’isolement de la Syrie, et comme un geste d’indépendance du gouvernement irakien de Nouri al-Maliki, en place depuis décembre 2010, à quelques mois du retrait des dernières troupes américaines.

Sources : AFP, Anadolu news agency
Elisabeth Studer – 22 octobre 2015 – www.leblogfinance.com 

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