10 prévisions choc qui pourraient changer l’économie mondiale

A l’heure où la plupart des entreprises préparent leurs vœux ou leur bilan, Saxo Bank a une façon bien particulière de marquer le passage à une nouvelle année. Chaque mois de décembre, la banque d’investissement en ligne danoise livre ses pronostics pour l’année à venir. Cependant, au lieu d’anticiper les événements les plus probables, Saxo Bank imagine 10 bouleversements majeurs allant… à l’encontre du consensus des économistes. Le patron du groupe, Steen Jakobsen, essaie ainsi de flairer les « cygnes noirs » potentiels, autrement dit ces événements rarissimes mais dont l’impact peut s’avérer considérable.

Cet exercice s’inspire des théories développées par l’ancien trader Nassim Nicholas Taleb dans ses livres « Le cygne noir » (2007) et « Antifragile, les bienfaits du désordre » (2013). Des thèses qui ont connu un retentissement mondial après la faillite éclair de Lehman Brothers en 2008, une vielle dame de 158 ans balayée par la chute du marché des crédits immobiliers à risque aux Etats-Unis. Quelques mois avant cette débâcle, Nassim Nicholas Taleb fustigeait justement la fragilité du système bancaire américain.  

Si elles font rarement mouche, les « outrageous predictions » de Saxo Bank ont souvent le mérite de poser les bonnes questions et d’ouvrir le débat. Avec parfois quelques prévisions choc qui se réalisent, comme la baisse rapide des taux des obligations souveraines allemandes en 2009, la hausse de l’once d’or au-delà de 1.800 dollars en 2011 ou le recul du prix du baril de pétrole sous la barre des 80 dollars en 2014.

Voici les 10 prévisions choc de Saxo Bank pour l’année 2016 :

1. La remontée inattendue de l’euro face au dollar

Du côté de la plupart des experts, le pronostic est entendu. La politique monétaire de la Fed aux Etats-Unis, qui vient de remonter ses taux directeurs pour la première fois depuis dix ans, va renforcer le dollar. D’autant que la croissance aux Etats-Unis reste solide (2,4% l’année prochaine selon la Fed). Pourtant, Saxo Bank prévient que ce scénario pourrait se retourner rapidement. Déjà, parce que la croissance américaine patine par rapport à son rythme de croisière habituel. Ensuite, la hausse du dollar handicape les pays émergents, ce qui pourrait faire plonger la croissance mondiale et pénaliserait in fine l’Amérique. Enfin, la monnaie unique européenne est sous-évaluée. La zone euro affiche un solde de la balance des paiements courants largement excédentaire, ce qui devrait renforcer la devise. Steen Jakobsen estime ainsi que la parité euro-dollar pourrait remonter à 1,23 (un euro = 1,23 dollar), contre 1,08 aujourd’hui.

2. Un rebond spectaculaire du rouble russe

La Russie a vécu une année 2015 plus que compliquée. Entre le conflit ukrainien, la chute du prix du baril de pétrole et les sanctions économiques européennes, Moscou a dû faire face à des vents particulièrement violents. Le pays a été confronté à la récession la plus forte de son histoire depuis la chute de l’URSS: le gouvernement table sur une baisse du PIB de 3,7 à 3,8% cette année. En parallèle, la valeur du rouble a complètement dévissé. La parité dollar-rouble est passée de 58,8 en début d’année à plus de 71 ces dernières semaines. Soit une progression de 21% du billet vert face à la devise russe. Toutefois, la Russie aurait déjà touché le « fonds de la piscine ». On voit mal en effet les cours du pétrole plonger beaucoup plus qu’à leur niveau actuel. En outre, les pays occidentaux vont rapidement devoir négocier avec Moscou, afin de ménager un allié de circonstance dans la guerre contre Daech. Les sanctions pourraient donc s’alléger progressivement et l’économie russe rebondir. Saxo Bank imagine le retour des investisseurs étrangers en Russie et un rouble qui augmenterait de 20% par rapport au panier dollar/euro d’ici fin 2016.

3. L’éclatement de la 2e bulle internet

C’est la question qui taraude la plupart des investisseurs: sommes-nous face à une nouvelle bulle internet? Les valorisations s’envolent d’année en année, tandis que les revenus, eux, décollent beaucoup moins rapidement. Uber, par exemple, est désormais valorisé 62,5 milliards de dollars. D’après des documents ayant fuité dans la presse en juin dernier, la société ne générait pourtant sur un an (a priori en 2014) que 415 millions de dollars de chiffre d’affaires. Pis, elle enregistrait 470 millions de dollars de pertes. Pas de quoi fanfaronner. Autre symbole de réussite dans le numérique, Twitter est contraint de se restructurer et va licencier 8% de ses effectifs dans le monde. La nervosité des spécialistes du capital-risque pourrait exploser en 2016, précipitant la chute de nombreuses start-up. Ce n’est pas la première fois que Saxo Bank fait cette prévision, puisqu’elle avait déjà pointé du doigt les risques pesant sur les grands groupes technologiques pour 2014. Si une explosion de la bulle devait avoir lieu en 2016, cela provoquerait par ricochet un décrochage de l’immobilier à San Francisco, qui est devenu « le marché le plus surévalué des Etats-Unis », dixit Saxo Bank.  

4. Les JO sauvent le Brésil

Le Brésil n’émerge plus. Alors que les scandales politiques de corruption se multiplient, l’économie du pays est en récession. Le PIB devrait reculer de 2,4% en 2015 selon le gouvernement. La première puissance d’Amérique latine est plombée par la chute des prix des matières premières. La prédiction choc de Saxo Bank concerne donc un improbable rebond… notamment grâce aux Jeux Olympiques qui auront lieu à Rio l’été prochain. Car la situation économique est en voie de stabilisation au Brésil et les réformes annoncées devraient restaurer la confiance des investisseurs. En outre, la hausse des taux aux Etats-Unis devrait pénaliser les actions américaines. Ce qui est généralement un bon signal pour les marchés actions des pays émergents, qui ont tendance à surperformer dans cette configuration. Cela pourrait se traduire par une progression de 25% des actions des marchés émergents en 2016, selon Saxo Bank.

5. Les démocrates conservent le pouvoir aux Etats-Unis

Les sorties fracassantes de Donald Trump finissent par fragiliser le parti républicain. Aucun leader politique convaincant n’émerge lors des primaires et les électeurs se rabattent sur un candidat centriste qui ne parvient pas à fédérer les sympathisants du GOP. Les démocrates en profitent pour conserver la main en mobilisant parfaitement leur électorat. Ils gagnent la présidentielle puis, dans la foulée, obtiennent une majorité au Congrès. De fait, les démocrates ont alors les coudées franches pour faire passer de nouvelles mesures fiscales afin de stimuler l’économie.

6. Le prix du baril de pétrole remonte à 100 dollars

Les prix du baril de pétrole ont encore plongé en 2015 et atteignent désormais leurs plus bas niveaux depuis 2009. La dernière réunion de l’Opep a certes maintenu le statu quo, en renonçant à fixer des quotas de production par pays. Mais des voix dissonantes se font de plus en plus entendre. Déjà en 2015, le Venezuela et l’Algérie avaient demandé un recul de la production afin de faire remonter les prix. Ils obtiennent finalement gain de cause en 2016. L’Opep surprend tout le monde et décide de limiter la production. D’un coup, les prix remontent. Un vent de panique s’empare des investisseurs et les cours du brut franchissent les 100 dollars, avant de se stabiliser entre 50 et 70 dollars.

7. L’argent métal décolle

Jusqu’à présent, le cours de l’argent était largement influencé par celui de l’once d’or. Mais la donne pourrait changer en 2016. En réduisant la voilure, les sociétés minières ont fait chuter la production du métal semi-précieux. En parallèle, dans la lignée de la COP21, les grandes puissances de la planète augmentent considérablement leurs investissements dans les énergies renouvelables. Or, l’argent entre dans la composition des cellules des panneaux photovoltaïques. Ce boom de la demande mondiale pourrait booster les cours de l’argent de 33% en 2016, tandis que les autres métaux resteraient à la traîne.

8. Les multinationales n’arrivent plus à emprunter

La politique ultra-accommodante de la Fed au cours des dernières années a poussé les grands groupes à s’endetter plus que de raison. Le changement de cap initié par Janet Yellen va pousser les investisseurs à revendre progressivement les obligations souscrites à un taux très faible pendant cette période pour aller vers des actifs plus rémunérateurs. Confrontée à une surchauffe sur les actifs financiers et l’immobilier, la Réserve fédérale est contrainte d’adopter une politique agressive de hausse des taux directeurs à partir de la fin 2016. Ce qui entraîne une explosion de la bulle obligataire. Les primes de risque demandées augmentent sensiblement et les grands groupes ont de plus en plus de mal à refinancer leurs dettes.

9. Le climat fait flamber les prix alimentaires

Le phénomène El Nino, une anomalie de température dans les courants marins de l’Océan pacifique au niveau de l’équateur, bat un record d’intensité en cette fin d’année. 2016 devrait ainsi être l’année la plus chaude de l’histoire moderne. Selon les météorologues, cela entraînera davantage de catastrophes naturelles, comme des inondations et des épisodes de sécheresse. De nombreuses zones d’Asie du Sud-Est, l’Australie et l’Afrique du Sud seront touchés. Résultat: les récoltes mondiales sont mauvaises, alors que la demande ne cesse de progresser. L’indice Bloomberg Agriculture Spot pourrait ainsi faire un bond de 40% et permettre à l’inflation de repartir dans les pays développés.

10. Le marché du luxe s’écroule

Le luxe a jusqu’à présent traversé la crise sans encombre ou presque. Cependant, les fortes inégalités deviennent de plus en plus insupportables. L’engouement pour les thèses de Piketty est passé par là, de même que la forte hausse du chômage en Europe. Suivant l’exemple de la Finlande, l’UE envisage alors en 2016 de mettre en place un revenu universel minimum. La lutte contre les inégalités devient une priorité pour les pays développés. Consommer de façon ostentatoire des biens de luxe est de plus en plus mal perçu par l’opinion. La demande européenne diminue, alors que le ralentissement chinois assèche les débouchés du marché du luxe. Les ventes de LVMH, leader mondial du secteur, s’écroulent de 50% en un an.

Retrouvez les prévisions choc de Saxo Bank pour l’année :

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