Accord Iran/USA : le Pentagone maintient sa présence dans le Golfe en vue de rassurer ses alliés

Alors que début octobre, les monarchies pétrolières du Golfe persique s’inquiétaient face à une potentielle amélioration des relations entre Téhéran et Washington – redoutant que leur allié traditionnel américain se détourne d’elles voire qu’un tel dégel favorise les velléités hégémoniques iraniennes – les Etats-Unis tiennent désormais à les rassurer ….

S’exprimant lors d’un déplacement au Bahreïn, pays qui abrite le commandement de la Ve flotte américaine, le chef du Pentagone Chuck Hagel, a ainsi déclaré que les USA n’avaient pas l’intention de réduire leur présence militaire dans le Golfe, malgré le récent accord passé avec l’Iran concernant son programme nucléaire.

Le secrétaire américain à la Défense a ainsi assuré aux marines de l’USS Ponce que l’armée américaine maintenait son rôle de premier plan dans la région.  « Nous n’allons changer aucun de nos positionnements militaires dans cette région ou dans toute autre zone durant cette période de six mois », a ainsi tenu à préciser Chuck Hagel. Ajoutant que le Pentagone conservera les « mêmes exercices », le « même partenariat », et portera « la même attention aux intérêts stratégiques » qu’avant l’accord conclu le 24 novembre dernier à Genève. Lequel limite pour six mois les activités nucléaires iraniennes en échange d’une levée partielle des sanctions économiques internationales.

Estimant par ailleurs que la région est « « dangereuse » et « instable », le Chef du Pentagone considère qu’une «  présence américaine ferme » permettant d’ « aider » et de « rassurer » ses alliés constitue un élément clé « pour travailler dans cette très dangereuse instabilité ». Au final, les Etats-Unis maintiendront donc 35.000 soldats dans la région.

A noter également que depuis 2007, les Etats-Unis ont vendu pour 75 milliards de dollars d’armes aux pays arabes du Golfe. Comme quoi les tensions actuelles n’ont pas que des désavantages ….

Un pas de plus a été franchi mardi, le Qatar et les Etats-Unis renouvelant un accord de coopération militaire lors de la visite du chef du Pentagone dans le pays, et notamment de la base aérienne américaine d’Udeid. M. Hagel rencontrant à cette occasion à Doha l’émir, cheikh Tamim ben Hamad, et son ministre de la Défense, le général Hamad ben Ali Al-Attiya.

Les deux parties ont ainsi décidé de poursuivre l’accord encadrant les liens entre les forces des Etats-Unis et du Qatar , y compris dans les domaines de la formation, d’exercices conjoints et d’autres activités.

Lors de sa visite sur la base d’Udeid, M. Hagel a notamment inspecté le centre de commandement et tout particulièrement les écrans contrôlant le trafic aérien au-dessus de la Syrie, du Golfe et de l’Afghanistan. Admettant des différences d’ordre tactique entre les Etats-Unis et leurs alliés du Golfe, le Chef du Pentagone a toutefois assuré que les parties s’entendaient sur les objectifs à atteindre.

Lundi, le secrétaire américain à la Défense et le prince héritier et ministre de la Défense saoudien, le prince Salman ben Abdel Aziz, ont souligné à Ryad que l’Arabie saoudite et les Etats-Unis demeuraient fermement attachés à leurs liens forts en matière de défense. M. Hagel assurant son partenaire saoudien de l’engagement total de Washington à continuer d’assurer sa sécurité et à vouloir approfondir sa coopération avec lui.

Le directeur de Gulf Research Center, Abdel Aziz Saqr, proche de l’Arabie saoudite, estime pour sa part que si les pays du Conseil de coopération du Golfe persique (Bahreïn, Koweït, Oman, Emirats arabes unis, Qatar, Arabie saoudite) considèrent certes que l’abaissement des tensions entre Iran et USA peut jouer en faveur de l’amélioration de la sécurité de la région, ces derniers s’interrogent néanmoins sur la teneur d’éventuelles concessions qu’aurait pu accorder Washington à Téhéran en vue de faire pencher l’Iran de son côté. Certains qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre …

Le fléchissement de la pression internationale sur l’Iran pourrait en effet lui laisser les coudées franches pour élargir son influence régionale, en s’immisçant davantage dans les affaires de ses voisins. C’est en tout cas ce que redoutent au plus haut point ces derniers.

Des craintes d’autant plus fortes que les monarchies – sunnites – du Golfe persique accusent l’Iran – chiite – d’encourager la contestation des communautés chiites à Bahreïn, en Arabie saoudite et au Yémen.

Pour certains analystes tels que Abdelwahab Badrakhan, le dégel entre Iran et Etats-Unis serait fortement lié à la Syrie. L’enjeu final ? Les occidentaux auraient besoin de l’Iran, principal soutien régional du régime Assad, en vue de négocier un règlement du conflit.

Une position de force que Téhéran pourrait monnayer à sa façon, tant pour apaiser les tensions sur son programme nucléaire que pour « s’affirmer » en Irak, en Syrie, au Liban et à Bahreïn. Une politique qui le cas échéant pourrait nuire aux intérêts des monarchies du CCGP.

En vue de faire entendre leur voix, ces dernières pourraient certes être tentées d’opérer une désindexation partielle de leurs monnaies par rapport au billet vert au profit d’un panier de devises. Une manière de mettre en garde Washington alors que leurs recettes pétrolières et gazières sont actuellement libellées en dollars américains.

En décembre dernier, nous suggérions pour notre part que le conflit actuel en Syrie offrait à l’Iran l’opportunité de renforcer des relations, voire  d’avancer de biens  stratégiques pions   sur l’échiquier énergétique mondial . Précisant alors que la Syrie venait d’importer de la farine en provenance  d’Iran en vue de parer à la pénurie de pain dont souffre la population. Le « geste »  de Téhéran envers Damas … au delà de permettre  d’engranger de bien précieux  subsides … permettant  au gouvernement iranien de placer ses billes  en Syrie … si ce n’était déjà fait …

Nous rappelions également alors que Syrie, Iran et Irak ont signé en juillet 2011 un « mémorandum d’entente » pour la construction d’un gazoduc qui, d’ici 2016, devrait relier le gisement iranien de South Pars à la Syrie et à la Méditerranée. Plusieurs sociétés européennes devraient être associées à l’exploitation de ce « gazoduc islamique ».

Au final, la Syrie où a été découvert notamment un important gisement près de Homs, pourrait ainsi devenir un noeud de transit de couloirs énergétiques, offrant une alternative aux réseaux de gazoducs qui traversent … la Turquie … et à d’autres réseaux de pipelines …. contrôlés par les majors pétrolières US et européennes.

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 10 décembre 2013

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